Le panier du consommateur marocain risque d'être fortement touché dans les semaines et mois à venir à cause de la crise liée à la situation en Ukraine et en Russie. Plusieurs produits de grande consommation sont concernés, mais le gouvernement a une marge de manœuvre pour contrebalancer cette situation, estime Dr Bouazza Kherrati, président de la fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC). Deux semaines depuis le début du conflit entre l'Ukraine et la Russie, les effets se font déjà ressentir au Maroc bien que le pays soit très éloigné géographiquement de cette zone. A vrai dire, si le Maroc n'a rien à voir avec ce conflit, n'y a aucune responsabilité, pour lui comme pour ses voisins, les conséquences pourraient être importantes. « Quand les prix des carburants flambent, tous les produits et les services flambent aussi et par conséquent il y a le pouvoir d'achat du consommateur qui est impacté si des mesures ne sont pas prises par le gouvernement, donc il y aura un risque de désordre social », a averti dans une déclaration à Hespress FR, Dr Bouazza Kherrati, vétérinaire et militant des droits des consommateurs, qui propose néanmoins des solutions au gouvernement. La hausse des prix du carburant a déjà créé une crise dans le Royaume dans le secteur des transports, avec une augmentation organisée des prix annoncée par les syndicats professionnels. Cette annonce a été directement suivie par une réaction du Conseil de la concurrence qui a alerté sur l'illégalité de cette manœuvre. Pourtant, les professionnels du transport ont quand même décidé d'observer une grève et les consommateurs ont déjà commencé à voir le prix des produits alimentaires augmenter, notamment la volaille, ainsi que d'autres produits de consommation dont les prix ont augmenté à cause des intermédiaires qui profitent de la situation pour faire de plus grandes marges. Et alors que le Maroc a déjà connu une période économique difficile en raison de la crise liée à la pandémie du coronavirus, il devrait subir une autre déconvenue à cause de la sécheresse qui menace la production agricole du pays. Les céréales qui sont l'importation la plus importante du Maroc d'Ukraine, représentent 12 % de importations céréalières totales du pays, et avec ses réserves actuelles, le Royaume ne pourrait pas tenir plus de 5 mois, selon la Fédération nationale des minoteries. Ceci alors que les Marocains sont réputés pour être de grands consommateurs de pain, mais aussi de grands gaspilleurs qui achètent plus qu'ils ne consomment, et jettent leur restes. Concernant les céréales, « les taxes ont été abrogées, ça c'est une très bonne chose sauf que les prix ont flambé à l'international et le consommateur doit vraiment diminuer sa consommation », a indiqué Bouazza Kherrati. « Nous sommes les vrais gaspilleurs de pain puisque nous consommons 1250 pains par personne par an au Maroc alors que l'Egyptien n'en consomme que 300, l'Algérien 500, le Tunisien 400 », ajoute le militant à titre de comparaison. Outre le prix du pain, d'autres produits sont susceptibles de connaitre des augmentations de prix, à l'instar de tous les aliments transformés nécessitant dans leur fabrication des céréales et qui entrent dans la consommation des ménages comme les pates et les différents types de galettes de blé, et spécifiquement pendant le mois de Ramadan attendu dans moins d'un mois. Mais aussi, les prix des viandes, et particulièrement la volaille qui a déjà augmenté sur le marché. Et pour cause, les aliments utilisés pour nourrir les volailles et les élevages d'animaux en tous genre, vont subir des conséquences à deux niveaux: directement à cause de la sécheresse au Maroc, et indirectement de la crise en Ukraine et en Russie. « La nourriture de la volaille, c'est normal qu'elle augmente, parce que tous les produits de base qui la composent sont importés », a indiqué Dr. Kherrati, interrogé à ce sujet. Et pour cause, l'industrie de l'alimentation animale est tournée à 90% vers l'aliment pour la volaille. En outre, elle est composée de plusieurs aliments et fabriquée à base de céréales comme l'orge, le Sorgho, les tourteaux d'oléagineux de soja et de tournesol, de farine de poisson et minéraux. Et, la majorité de ces ingrédients comme le maïs, soja, sorgho, les minéraux et vitamines, et additifs, sont importés. Ainsi, d'autres produits d'origine animale, pourraient subir des augmentation par répercussion, et il s'agit des oeufs, du lait, des yaourts, du fromage à tartiner, par exemple. Des produits de grande consommation comme l'huile de table aussi est susceptible de connaitre une hausse de prix étant donné que les pays concernés par la crise sont de grands producteurs de graines de tournesol, surtout l'Ukraine. Une augmentation de l'huile de tournesol ou de soja, pourrait avoir des conséquences également sur le prix des aliments transformés utilisant de l'huile dans leur fabrication, comme les biscuits, les condiments comme le ketchup ou la mayonnaise. « Mais comme le sucre est subventionné, les industriels gagnent beaucoup sur le sucre », rétorque Kherati, interrogé sur l'industrie agroalimentaire, ajoutant que « ce qui nous intéresse nous, c'est le consommateur ». Ainsi, le président de la FMDC propose des solutions à l'Exécutif. « Nous proposons des solutions au gouvernement, s'il veut bien les prendre », a-t-il déclaré en ce sens. Ces propositions consistent à réduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 50% sur tous les produits de première nécessité, de revenir sur les augmentations des taxes et des impôts dans la loi de finance 2022 sur les produits de consommation) et le recours à l'article 4 de la loi 112 sur la liberté des prix et de la concurrence, pour fixer les prix des carburants pour 6 mois, a-t-il détaillé. Ces réductions de taxes concernent « certains produits de base dont la taxe atteint 20%, les huiles de tables c'est 10% alors que d'autres produits alimentaires c'est 7%. Alors nous demandons la réduction de ces taxes de 50% et cela aura un impact très positif », estime le militant, ajoutant que « si les taxes sont réduites de 50%, le consommateur aura au moins un souffle pour tenir jusqu'à ce que la crise soit surmontée ».