Le Maroc opère le virage de la démocratie budgétaire, ce qui est conforté par l'adoption du budget citoyen et une batterie de mesures pour garantir l'information budgétaire. Transparency Maroc a essayé de savoir si la future Loi organique des Finances garantira après, son adoption, la transparence budgétaire, gage de démocratie. Depuis plus d'une décennie la tendance mondiale converge vers le passage d'une logique de moyens voire normativiste à une obligation de résultat et de transparence concernant le budget des Etats. Le Maroc, à l'instar des autres pays, s'est fortement engagé sur cette voie notamment depuis l'adoption de la nouvelle Constitution qui fait de la transparence et de la reddition des comptes des points cardinaux. C'est dans cette mouvance que sera incessamment adoptée la nouvelle Loi organique des Finances (LOF) dont l'objectif principal est, entre autres, de garantir l'efficacité des dépenses publiques, la transparence et la démocratie budgétaire. Cela dit, Transparency Maroc a saisi la balle au rebond par le biais d'une rencontre récemment organisée dans la capitale pour s'interroger sur l'apport du nouveau projet de LOF en matière de bonne gouvernance et de transparence. «La complexité de l'actuelle nomenclature budgétaire fait que même les experts du ministère de l'Economie et des Finances trouvent des difficultés pour lire le budget de l'Etat», clame Faouzi Lakjaa, directeur du Budget. A ce titre, la future LOF qui devrait rapidement être soumise à l'appréciation de la Cour constitutionnelle aura la tâche de faciliter la lisibilité du Budget. Ce qui est crucial aux yeux du citoyen, cible des politiques publiques, mais aussi pour les parlementaires qui doivent avoir moins de difficultés pour se retrouver dans le dédale du document budgétaire. Par ailleurs, Faouzi Lakjaa a martelé lors de son intervention que la technicité du budget ne doit en aucun cas déteindre sur l'obligation de transparence. Celui-ci a aussi profité de la tribune que lui offrait Transparency Maroc, pour égrener les principales nouveautés de la future LOF concernant la transparence et la bonne gouvernance. Net progrès Il ne fait aucun doute que la future LOF constitue une révolution en matière de recherche de performance et de reddition des comptes. A ce titre, ce document a comme régle d'or l'impossibilité d'utiliser les ressources de l'endettement pour des dépenses de fonctionnement. Avec l'adoption de cette loi, les recettes liées à l'endettement seront exclusivement consacrées à l'investissement. Le rôle du Parlement en matière de contrôle de l'exécution des dépenses publiques sera accru. Les différents départements ministériels seront ainsi tenus de présenter au Parlement un rapport de performance et de reddition des comptes. Toujours sur le volet de la reddition des comptes, l'audit de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des Finances sera automatique. A en croire le directeur du Budget, avec l'amélioration de la lisibilité du budget, le citoyen sera capable de connaître avec exactitude le montant des crédits alloués pour la réalisation d'un projet se situant dans sa localité ainsi que son état d'avancement. Ce qui est impossible avec l'actuelle architecture budgétaire. L'autre élément non moins important révélé par les experts du Budget, est que la future LOF s'appuiera sur une logique triangulaire, gage de plus de transparence : programme, objectifs, indicateurs. Un goût d'inachevé Pour autant, cette nouvelle réforme quand bien même elle marquerait un grand pas vers la démocratie budgétaire, suscite des inquiétudes auprès de certains experts qui jugent qu'elle pouvait encore aller plus loin. Pour sa part, Ali Bouabid, membre de la Fondation Abderrahim Bouabid, estime que l'on ne peut juger de l'efficacité d'une réforme que si elle est effectivement mise en oeuvre. Or, il se trouve qu'en raison de la différence du degré de maturité des ministères, un minimum 5 ans se sera nécessaire pour savoir si tout l'appareil administratif est en mesure d'appliquer la nouvelle LOF. L'autre source d'inquiétude concerne les indicateurs et les objectifs pour mesurer les résultats d'une politique publique. A ce titre, Ali Bouabid suggère que l'Exécutif ne devrait pas, à lui seul, fixer ces paramètres car il serait juge et partie. D'où l'intérêt d'associer le Parlement sur ce volet. Les Comptes spéciaux du Trésor, plus connus sous l'appellation des «caisses noires», suscitent aussi le débat dans le sillage de la future LOF. Certains intervenants ont rappelé leur légalité ainsi que leur utilité. Ce qui est d'autant plus important si l'on sait que, par exemple, l'INDH et le Fonds de développement agricole fonctionnent sur le principe des comptes spéciaux. Pour autant, ce qui irrite l'opinion, d'après Ali Bouabid, est le manque d'explications par rapport à l'existence de certains comptes spéciaux. Enfin, l'autre lacune que recélerait la future LOF, est l'impossibilité pour les gestionnaires de passer d'un titre à un autre au niveau des dépenses. Par exemple, il est interdit d'allouer des crédits initialement consacrés au poste de fonctionnement pour les orienter vers l'investissement. Ce qui remet en selle le débat sur l'opportunité des dépenses publiques et l'autonomie des gestionnaires.