En tant que loi structurante, la LOF nécessitera du temps et d'importants moyens pour atteindre les objectifs assignés. Il faut compter entre trois à cinq années pour sa mise en place complète à cause, entre autres, des exigences qu'impose cette loi et tous les intervenants désormais directement concernés, notamment les parlementaires. Et encore, puisse-t-elle opérer le changement de culture administrative et parlementaire attendu. La LOF devrait être confrontée à la réalité marocaine lors de l'élaboration de la LF 2015. La logique de résultat et la transparence des finances sont des changements majeurs de la culture administrative que cette LOF devra ancrer. Dit comme ça, cela semble couler de source ! Mais l'adoption de la LOF en janvier dernier n'est qu'un maillon d'une longue chaîne de réformes qui devra aboutir à terme au renforcement de la Loi de Finances comme principal outil de mise en œuvre des politiques publiques, de la transparence des finances publiques et à la simplification de la lisibilité budgétaire. Ce dernier point semble primordial puisque cette LOF et en conformité à la Constitution, doit impérativement accroître le rôle du Parlement dans le contrôle financier, dans l'évaluation des politiques publiques et dans l'amélioration de la qualité du débat budgétaire. Il s'agit bel et bien d'une loi structurante qui ne manquera pas de provoquer un chamboulement du mode de gouvernance des finances publiques. Il s'agit désormais de changer de mode de gouvernance des finances publiques, ce qui nécessite inéluctablement un changement de la culture administrative ambiante. Identifiée comme étant une priorité dans le sens où le nouveau cadre constitutionnel imposait la revue de la loi, puisque la Constitution renforce le rôle du Parlement, ce qui doit se traduire également sur la LOF. Si, en 2012, l'expérimentation de la LOF dans l'élaboration de la Loi de Finances 2013 était un objectif du gouvernement, le test à blanc devrait probablement attendre la LF 2015, puisque le retard dans l'adoption du texte aurait empêché de confronter la LOF à la réalité marocaine dès l'élaboration de la LF 2014, encore moins celle de 2013. La LOF implique le fait que tous les départements ministériels devront élaborer leur projet de performance qui accompagnera le projet de Loi de Finances, indicateurs et objectifs consignés. Et chaque département dit préparer en aval un rapport de performance joint au projet de Loi de règlement de l'année considérée, pour pouvoir comparer les réalisations aux prévisions. Ces données doivent être mises à la disposition des parlementaires. «Il s'agit d'un premier exercice, car comme toute loi structurante, elle n'aura ses pleins effets que dans trois ou cinq ans», assure un haut cadre du ministère de l'Economie et des Finances. Et d'ajouter que «désormais, on passe d'une logique de la programmation de crédit à une logique de programme et de mission qui inclut une logique de résultat et de performance. Donc, il va falloir définir les missions, les programmes et les indicateurs de performance. C'est un travail de longue haleine qui nécessite l'adaptation de la structure administrative, celle des institutions de contrôle... L'expérimentation a déjà eu lieu au sein du ministère avec le Cadre de dépenses à moyen terme (ou CDMT) dans le cadre de la programmation pluriannuelle. Maintenant, il s'agira de passer dans un cadre légal qui institue cette programmation pluriannuelle. L'expérience a déjà démarré avec la réforme budgétaire de manière empirique, et sera désormais actée au niveau de la loi. Une opération de préfiguration de la réforme a déjà été lancée avec quatre départements ministériels en attendant que la LOF soit publiée dans le Bulletin Officiel afin de tester les nouveaux référentiels en matière de performance. Coresponsabilité Si la nouvelle Constitution renforce les pouvoirs du Parlement et institue la règle de coresponsabilité dans la préservation des équilibres financiers de l'Etat, c'est surtout la LOF qui mettra les parlementaires devant leur responsabilité. Cette donne va par conséquent être actée dans la LOF. L'exécutif doit instituer un dialogue permanent avec le Parlement sur les questions budgétaires en lui fournissant toutes les informations et données nécessaires pour lui permettre de jouer pleinement son rôle. Ainsi, il ne s'agira plus d'un rendez-vous annuel, mais de plusieurs rendez-vous au sein de la législature et de l'année budgétaire pour avoir un échange d'informations et d‘arguments autour des questions budgétaires. L'objectif est d'évaluer en temps «réel» l'exécution de la LF, mais aussi les réalisations en termes d'objectifs de performance. La tâche sera d'autant plus facilitée puisque des audits de performances seront réalisés par l'Inspection générale des Finances et présentés sous forme de rapport au Parlement. Mais les parlementaires doivent être informés, voire formés à ces nouvelles prérogatives pour s'assurer une certaine indépendance dans leur propre analyse de tous les documents qui leur seront fournis par l'Exécutif et qu'ils puissent enfin et réellement contribuer à la gestion des deniers publics.