Le ministre de l'Economie et des Finances estime que le Maroc est bien loti, puisque l'octroi d'une ligne de précaution et de liquidité est un signe de confiance dans notre économie. Les réformes attendues, notamment la LOF, devraient permettre transparence, efficience et reddition des comptes en matière de gestion publique. D'autres mesures sont en cours pour réduire le train de vie de l'Etat, mais également rendre ses choix d'investissement plus rentables. - Finances News Hebdo : Comment la très attendue Loi Organique de Finances va-t-elle contribuer à plus de transparence dans la gestion des finances publiques ? - Nizar Baraka : En fait, il y a une interactivité entre les deux. Ce qui rassure, c'est qu'aujourd'hui le Maroc est entré dans une nouvelle phase constitutionnelle où, je dirais, la transparence occupe une place primordiale dans la nouvelle Constitution, qu'il s'agisse de l'accès à l'information, de la liaison entre la responsabilité et la reddition des comptes, ou de l'amélioration de la gouvernance. Ce sont là autant de principes qui sont ancrés dans le nouveau texte constitutionnel et qui voient leur réalisation à travers un certain nombre de lois organiques. Parmi ces lois qui peuvent jouer un rôle essentiel pour cadrer et renforcer la transparence des politiques publiques, figure la Loi organique de Finances. Cette loi vient avec un certain nombre de mesures nouvelles qui vont favoriser cette transparence. Tout d'abord, nous nous inscrivons dans une logique de passage d'un budget de moyens à un budget de programme. Cela signifie que nous allons nous inscrire dans une logique de gestion axée sur le résultat où l'on aura une vision pluriannuelle des programmes du gouvernement; on saura quels sont les objectifs assignés et on aura des indicateurs de performance qui permettent de s'assurer que les objectifs ont été atteints ou pas. Cela va nous permettre d'avoir une meilleure évaluation des politiques publiques et d'avoir un meilleur contrôle par le Parlement de la véracité et des chiffres et des objectifs assignés par le gouvernement. De l'autre côté, cette vision et cette nouvelle Loi Organique de Finances vont apporter une nouvelle dimension tout aussi importante qu'est la territorialisation du budget, puisqu'on va désormais s'inscrire dans une démarche où le budget sera régionalisé. Cela permettra de mesurer l'effort de l'Etat réalisé dans telle ou telle région, dans le cadre de la nouvelle régionalisation avancée, et cela va nous permettre de nous inscrire dans une logique de contractualisation entre l'Etat et les régions. Enfin, dans le cadre de la réforme de la Loi Organique de Finances, il nous sera désormais permis de renforcer le contrôle parlementaire, puisque le Parlement aura accès à plus d'informations liées à la masse salariale, la compensation, la dette, etc., pour être au fait de la comptabilité de l'Etat et des finances, mais en même temps pour nous accompagner à travers la loi de règlement et dans la maîtrise des objectifs que le gouvernement s'est fixés. - F. N. H. : Il y a eu un engagement pour qu'il y ait un test blanc de la LOF lors de l'élaboration de la Loi de Finances 2013. Ce calendrier est-il toujours valable ? - N. B. : Pour être franc, nous avons considéré qu'une Loi organique de cette envergure méritait de ne pas être uniquement du fait du gouvernement. En effet, de la même manière que la Constitution était élaborée avec l'ensemble des partenaires politiques, nous avons considéré qu'il était essentiel que la réforme de la Loi Organique de Finances puisse faire l'objet d'un véritable partage et d'une démarche participative de l'ensemble des forces vives de la nation. C'est la raison pour laquelle nous avons créé une commission au sein de la Commission des Finances au niveau de la Chambre de députés qui réunit l'ensemble des représentants des différents partis politiques pour nous accompagner dans cette démarche. Nous avons fait de même au niveau de la Chambre des conseillers pour impliquer les syndicats dans cette approche. La finalité est d'investir et d'exploiter l'expérience des parlementaires également dans leur manière d'appréhender le budget et, grâce à cela, la réforme pourra être en phase avec les attentes des parlementaires puisqu'ils sont le principal partenaire de l'exécutif dans la discussion des Lois de Finances. Dans cette démarche participative, nous serons amenés à reporter la mise en oeuvre du projet de LOF pour l'année 2014, puisque nous tablons sur son adoption l'année prochaine ! - F. N. H. : Aujourd'hui, nous vivons une véritable crise des finances publiques au Maroc. Peut-on savoir de quelle marge de manœuvre dispose votre ministère dans un climat marqué par l'austérité chez notre principal partenaire et qui se traduit nécessairement par le recul de la demande étrangère ? - N. B. : Il faut rappeler que pour les finances publiques, en terme de vision en tout cas, il y a un objectif clair arrêté : nous inscrire dans une logique de maîtrise du déficit budgétaire. Nous avons atteint un déficit de plus de 6% en 2011 et notre objectif est de le ramener à 3% à l'horizon 2016. Dans ce cadre-là, nous avons considéré comme essentiel d'avoir une démarche pragmatique qui intègre l'aspect recettes et l'aspect dépenses. Concernant l'aspect recettes, nous travaillons sur les préparatifs des Assises de la fiscalité qui se tiendront en février prochain. Ces assises vont nous permettre d'identifier le système fiscal qu'il nous faudra atteindre et qui soit à la fois plus efficient; qu'il permette l'élargissement de l'assiette fiscale et également une équité fiscale. Nous avons également considéré qu'il était essentiel de travailler sur l'aspect relatif aux recettes de monopole et à l'Etat actionnaire, pour avoir plus de pertinence dans le choix de participations de l'Etat et avoir une meilleure revalorisation des dites participations. Et à travers les domaines privés de l'Etat, on a considéré qu'il y avait là la possibilité de mieux valoriser son patrimoine pour un meilleur impact économique et social, mais également un meilleur impact financier sur le budget de l'Etat. Enfin, bien évidemment, nous avons considéré que la politique incitative envers les secteurs économiques devrait intégrer toutes les composantes, et à ce titre, choisir la composante la plus efficace. En effet, nous ne pouvons plus avoir des avantages fiscaux, des avantages au niveau du foncier, etc.... pour ainsi dire avoir une démarche plus globale qui s'inscrit dans une logique d'efficacité. Ainsi, nous avons 32 milliards de DH de dépenses fiscales avec une efficacité discutable. Par ailleurs, et toujours concernant l'aspect dépenses, nous avons considéré que parmi les points essentiels, figure bien évidemment la question de la compensation qui devrait nous permettre de plafonner ces dépenses de compensation de manière progressive et jusqu'à un certain niveau. Il ne s'agit nullement de supprimer la compensation, mais de la maintenir à un niveau qui soit soutenable pour le budget de l'Etat et que les dépenses d'appui à la consommation ne dépassent pas l'investissement, autrement nous serions dans une logique antiéconomique. D'un autre côté, nous sommes résolus à réduire le train de vie de l'Etat selon une approche globale tout en améliorant la relation des transferts des établissements publics par le biais du développement du partenariat public-privé et via une meilleure gouvernance de ces établissements et entreprises publics. Enfin, nous nous sommes fixé comme objectif d'adopter une logique de meilleurs choix des investissements afin qu'ils aient la meilleure rentabilité économique et financière qui soit. Il y a lieu de souligner que nous avons des investissements qui ont déjà été réalisés, mais qui n'ont pas été valorisés, notamment certaines zones industrielles ou agropoles etc. - F. N. H. : Il y a une actualité qui semble diviser l'opinion publique marocaine. Quels sont les tenants et aboutissants de cette ligne de crédit consentie par le FMI ? - N. B. : D'abord, c'est une ligne de garantie de 6 milliards de dollars et non pas un crédit. Et nous sommes très fiers de l'avoir obtenue, et pour cause, c'est d'abord une preuve de confiance dans l'économie nationale, dans les institutions politiques de ce pays et c'est une preuve de confiance dans les politiques économiques menées au Maroc. D'autres pays se retrouvent aujourd'hui avec des programmes d'ajustement structurel comme l'Egypte ou la Jordanie. - F. N. H. : Justement, l'année 2013 ne serait-elle pas le prélude à un ajustement structurel au Maroc ? - N. B. : Non, c'est exactement l'inverse ! - F. N. H. : Mais avec une dette de 63 % du PIB, cela ne vous semble pas devoir se produire? De vivre le même scénario que celui de l'UE ? - N. B. : On est à 53% ! Et je rassure : cette ligne, comme écrit dans l'accord, ne sera utilisée qu'en cas de chocs majeurs liés aux chocs exogènes comme un désastre, une vraie chute de l'Euro ou encore une baisse drastique de la demande extérieure adressée au Maroc, ou bien une hausse vertigineuse des cours des matières premières. Donc, cette ligne de crédit est une véritable garantie pour nous puisque cela va nous permettre de sortir sur le marché international dans de meilleures conditions ! Dossier réalisé par S. E. & I. B.