En deuxième lecture au Parlement, le projet de la loi organique des finances nécessitera 5 ans de rodage. La globalisation des crédits donnera plus de flexibilité aux départements. Après son adoption, le 8 juillet dernier par les députés et le 22 octobre par les conseillers, le projet de loi organique des finances est aujourd'hui transmis pour une deuxième lecture à la première Chambre. À cette étape cruciale de ce qu'on qualifie de constitution budgétaire, le projet de texte sera soumis au regard scrutateur du Conseil constitutionnel, la semaine prochaine. L'annonce est de Faouzi Lekjaa, directeur du Budget au ministère des Finances qui intervenait jeudi soir lors d'un débat organisé à Rabat par Transparency Maroc en partenariat avec la Fondation allemande Heinrich Böll qui vient de s'installer au Maroc en mai dernier. Les deux entités s'intéressent de près à la problématique de la transparence et la démocratie budgétaires comme pré-requis à toute politique de développement inclusif profitant à toutes les strates de la société. Un débat qui tombe à point nommé sachant que la réforme entame sa dernière ligne droite. La réforme de la loi organique des finances ouvre d'énormes perspectives à l'amélioration de la gestion budgétaire et l'efficacité aussi bien de la dépense publique que des ressources. Pédagogue, Lekjaa en a présenté les tenants et les aboutissants avec le menu détail. Plantant le décor, il a précisé qu'une expérience pilote avait été menée depuis déjà 10 ans au niveau du ministère de la Santé et que la mise en œuvre de la réforme devrait prendre encore 5 ans après l'adoption de la loi pour que la machine soit bien huilée. Le Maroc ne déroge pas à la règle de progressivité adoptée par plusieurs pays développés. Déjà quatre ministères ont incorporé la nouvelle réforme en attendant que cinq autres départements puissent le faire en 2015. En d'autres termes, la terre qui recevra les graines du changement a bien été retournée et préparée. Ce besoin de mûrissement d'une loi fondamentale pour la gouvernance des finances publiques a été corroboré par Ali Bouabid, de la Fondation Abderrahim Bouabid, qui estime que l'on ne peut parler de constitution financière qu'après 5 ans de son application. Car, ajoute-t-il, puisse-t-on avoir une bonne réforme de la loi organique, seule la confrontation avec la réalité montrera le degré d'assimilation de ses fondamentaux. Dès lors, la question de «comment passer d'une administration de moyens à une administration de résultats ?», devient légitime, selon A.Bouabid. Lekjaa l'exprimera à travers le passage désormais obligé, depuis l'adoption de la nouvelle Constitution, d'une logique normative à une logique basée sur les résultats. D'où l'un des plus importants piliers de la réforme après la programmation pluriannuelle du Budget, à savoir la globalisation des crédits. Plus explicitement, avoir la possibilité de regrouper les actions et donc les lignes budgétaires relevant d'un programme précis afin de faciliter la tâche aux ordonnateurs principaux que sont les ministres où encore les sous-ordonnateurs dont le nombre est de plus d'un millier. Cette souplesse dans la programmation budgétaire permet aussi une reddition presque automatique des comptes puisque pour chaque projet ou chantier, il sera possible de connaître l'état d'avancement, les réalisations et les freins. Enfin, la réforme de la loi organique permettra enfin d'avoir une comptabilité nationale digne de ce nom. Elle rendra possible une meilleure lisibilité des dépenses, ligne par ligne, ainsi que leurs évolutions en temps réel. Tout cela devrait être consultable par tout citoyen intéressé si toutefois la législation sur l'accès à l'information pourrait le permettre. Cette simplification profitera à tout le monde à commencer par les experts même du ministère qui souvent, comme le reconnaît Lekjaa, trouvent du mal à se retrouver dans les innombrables ramifications du texte budgétaire. Sur un autre registre, la nouvelle loi grave dans le marbre un principe d'or selon lequel l'endettement ne peut servir à autre chose que l'investissement. Seule dérogation à cette règle lorsqu'il faut faire face à des contraintes liées à une détérioration de l'équilibre économique et budgétaire établi par la loi de Finances (art 20). Le rôle du Parlement n'est pas en reste. Il doit être renforcé grâce à une concertation avec les parlementaires avant même la préparation du projet de loi de Finances. Ils auront ainsi les outils nécessaires et suffisamment de temps pour affûter leurs arguments et préparer leurs amendements. De cette manière, le débat sur les finances publiques reprendra la place qui lui échoit. Concernant les 75 comptes spéciaux ou «caisses noires» comme d'aucuns les nomment, Lekjaa est resté imperturbable. Pour lui, ces comptes ne dérogent guère aux procédures normales de la loi de Finances. La seule différence est qu'ils permettent une meilleure flexibilité budgétaire au profit de la bonne tenue de certains organismes importants au même titre que les Segma. La seule différence avec les autres rubriques de la loi de Finances c'est qu'il est possible de reporter les soldes d'une année à l'autre. Projet et rapport de performance Le projet de loi organique des finances verrouille en amont comme en aval le travail des différents départements ministériels. Il stipule que chaque projet de budget sectoriel soit accompagné par un projet de performance dont il sera par la suite comptable. Par ailleurs et à l'occasion de chaque loi de règlement des lois de finances antérieures avec un seuil de 2 ans, chaque département doit présenter un rapport de performance. L'ensemble des rapports de performance sectoriels seront synthétisés dans un seul rapport global. Pour plus de transparence budgétaire, le projet de loi interdit que les dépenses de fonctionnement soient introduites dans ceux de l'investissement. Enfin le projet banalise le recours à une loi de Finances rectificative quand c'est nécessaire. Avant, ce recours était considéré comme une hérésie financière, voire un aveu d'échec de la part du gouvernement.