* Un projet initié par la Fondation Abderrahim Bouabid pour créer un espace de travail et d'échange avec les parlementaires sur le meilleur moyen d'accompagner cette réforme, se met en place doucement. * Les mesures entreprises depuis 2001 par les différents départements ministériels avancent à des rythmes différents. * Malgré l'importance de cette réforme, le Parlement a été faiblement impliqué. * La meilleure consécration de la transparence est une loi organique qui permet de soumettre l'action de l'Etat à un contrôle législatif. La Fondation Abderrahim Bouabid, en qualité de think tank, mène depuis 2009, avec l'appui de la Commission européenne et du PNUD, une action d'accompagnement à un groupe cible de parlementaires multipartisans, sous la forme d'une expertise dans le domaine de la gouvernance budgétaire. Cette action qui vise à renforcer les capacités du Parlement et notamment à l'aider à développer une vision en propre des enjeux relatifs la révision de la Loi organique des finances annoncée par le gouvernement, a donné lieu à une nouvelle rencontre entre la Fondation et les parlementaires dans le cadre de ce projet. Ainsi, en réponse aux attentes des parlementaires, le projet conduit par la Fondation Abderrahim Bouabid, a pour objectif de participer au renforcement de l'implication du Parlement dans la discussion des orientations, des enjeux et du cadre de la réforme budgétaire. Le projet d'accompagnement est ordonné autour de 2 séquences comportant, pour chacune d'entre elles, un ensemble d'activités visant notamment à permettre aux parlementaires de mieux appréhender le contexte, les enjeux, et d'évaluer les résultats des «mesures» prises par l'exécutif, en vue de leur permettre d'être une force de proposition dans le cadre de la mise en uvre de la réforme de la Loi organique. Il faut noter que l'USFP et le PJD sont les partis les plus assidus et ont mobilisé des parlementaires dans le cadre de ce projet. Or, tous les partis devraient y être impliqués vu l'importance de ce chantier qu'est la réforme de la Loi organique qui va renforcer le rôle des représentants du peuple dans le contrôle de la dépense publique. Or actuellement, la réalité est autre comme l'explique Abdelali Doumou, député parlementaire de l'USFP. : «Nous pensons que l'intérêt de la réforme de la gouvernance des finances publiques est fondamental. Parce que c'est la base de la politique économique et sociale. Et nous avons vécu, au cours de la dernière décennie, une amélioration de cette gouvernance qui s'établit par un essor au niveau de l'investissement public, donc une corrélation directe en l'amélioration de la gouvernance des finances publiques et le niveau de développement d'un pays. Il y a eu des réalisations, que ce soit de la part du ministère des Finances ou de la Trésorerie générale donc des initiatives du côté des administrations publiques», souligne Doumou. En effet, dans le cadre de son projet de réformer prochainement la Loi organique des finances, l'Etat a entrepris une série de mesures d'accompagnement touchant au cadre budgétaire, engagées depuis 2001. Ainsi, dans la perspective d'approfondissement des pratiques démocratiques, la réforme du cadre budgétaire offre une fenêtre d'opportunités à un positionnement plus fort et plus tangible du Parlement dans la vie démocratique marocaine, et ce notamment au travers d'une contribution active et constructive au débat sur la réforme de la Loi organique des finances. Etat d'avancement disparate La Fondation Abderrahim Bouabid a procédé dans ce sens à un diagnostic de la situation actuelle et de l'état d'avancement de ces mesures au niveau des différents départements ministériels. «Nous avons réalisé un diagnostic de l'état d'avancement des mesures entreprises par les administrations publiques pour se préparer à la réforme de la Loi organique. Le constat est que cet état d'avancement est très disparate. Il y a, en effet, des ministères qui sont relativement prêts pour la réforme et d'autres qui ne le sont pas du tout Or, l'Etat est entier ! On ne peut pas appliquer cette réforme à un ministère et pas à un autre, ce qui va donc poser un sérieux problème. La deuxième chose à relever est que contrairement aux pays démocratiques, ces mesures entreprises par différents départements depuis 2001 n'ont pas bénéficié d'un portage politique fort au niveau du gouvernement. On a considéré que cétait des mesures d'aménagement techniques et de changement de méthode de travail. Il n'y a pas eu de portage politique, notamment pour dire que c'est là un chantier extrêmement important et qu'il faut que l'ensemble des ministères se mette à niveau pour accueillir cette réforme », assure Ali Bouabid, délégué général de la Fondation Abderrahim Bouabid. De même que le processus engagé depuis 2001, principalement tourné vers des enjeux de «mise à niveau» des administrations publiques, n'a que faiblement impliqué le Parlement. Il devrait, dans le cadre du calendrier de l'exécutif, aboutir prochainement à une refonte de la Loi organique des finances qui refléterait les positions du gouvernement sur le sujet. Sans préjuger de la vision gouvernementale relative à cette réforme, l'on peut d'ores et déjà indiquer que les finalités éminemment politiques de cette réforme interpellent directement le Parlement, au titre d'un renforcement de la «démocratie budgétaire», dans deux directions. D'abord codifier les principes d'une gestion publique plus éthique, efficace et transparente : performance, responsabilité, souplesse de gestion, transparence, accès à l'information Et ensuite, renforcer le rôle du Parlement comme acteur dans la définition, le suivi et l'évaluation de la réalisation des objectifs de politiques publiques. Le Parlement manque de moyens « Nous savons que la consécration des finances publiques est une Loi de Finances et son effectivité. Et je dirais que jusqu'à présent, ce qu'on discute dans une Loi de Finances et ce qu'on vote au Parlement, sont les souhaits et les objectifs affichés par l'ensemble des secteurs ministériels. On discute d'intentions de dépenses émises et élaborées par les différents départements sectoriels, donc nous n'avons pas d'éléments sur l'opportunité de ces dépenses et nous n'avons pas non plus d'instruments pour assurer le suivi et l'effectivité d'une dépense. On ne le sait qu'a posteriori l'année d'après quand on constate l'ampleur du report des crédits sur le budget de l'année suivante. C'est à ce moment seulement qu'on réalise que 40 à 50 % du budget n'ont pas été dépensés et qu'il a été reporté sur le budget suivant. Le plus important à signaler est qu'il n'y a aucun cadre qui permet d'évaluer le degré de performance », poursuit Doumou. Le député relève que les parlementaires manquent de ces instruments et de ce cadre légal qui permet une meilleure transparence des finances publiques et un meilleur contrôle du Parlement sur l'exercice fiscal et qui permet aussi à l'opinion publique, à travers les représentants de la nation, de s'impliquer dans les débats concernant les priorités et les options politiques à suivre. «La meilleure consécration de la transparente est une Loi organique qui permet de soumettre l'action de l'Etat à un contrôle législatif », conclut-il. Ce projet initié par la Fondation Abderrahim Bouabid vient donc donner un espace de travail et d'échange avec les parlementaires sur le meilleur moyen d'accompagner cette réforme. Dans les pays démocratiques, la réforme budgétaire a pu constituer, au-delà d'une simple réforme technocratique visant à moderniser l'administration, l'occasion d'élever la qualité du débat public à travers une implication en amont du Parlement sur les enjeux politiques de cette réforme. C'est tout le mal qu'on souhaite au Parlement marocain.