Au lendemain de l'énorme pavé jeté dans la mare par Donald Trump, les opérateurs économiques, particulièrement les exportateurs, s'interrogent sur l'impact des nouveaux tarifs douaniers. Quoiqu'il semble relativement épargné, le Maroc subira, à coup sûr, les conséquences de la guerre commerciale qui fait rage dans le monde. Les nouveaux droits de douane, qui s'échelonnent entre 10 % et 49 %, sont calculés en fonction des pays et du degré de « réciprocité commerciale » vis-à-vis des produits américains. Leur entrée en vigueur se fera en deux temps : le 5 avril à 04H01 GMT pour les droits de douane d'au moins 10% sur tous les produits entrant aux Etats-Unis, et le 9 avril à 04H01 pour les droits de douane majorés. Comme dans beaucoup de pays, le gouvernement marocain n'a pas encore réagi à la nouvelle mesure, dont les retombées ne sont pas encore tout à fait claires, quoique les exportateurs s'impatientent et exigent des explications. Ceux-ci veulent une rencontre avec les ministres concernés pour obtenir davantage d'éclaircissements à même de les aider à mieux appréhender la situation. Lire aussi | Droits de douane: Trump lance son offensive contre l'UE et la Chine Si on se réfère au modus operandi des autorités marocaines sur les questions à caractère géopolitique, il ne faut pas s'attendre à des déclarations publiques ou à des réactions immédiates. Le sujet est très complexe, avec des ramifications multidimensionnelles, où le caractère purement économique n'est pas le seul paramètre en jeu. Le Maroc plus ou moins épargné Seul pays africain à signer un Accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le Maroc hérite du tarif minimum de 10 %, ce qui pourrait être perçu comme un traitement privilégié, puisque l'administration américaine a relativement épargné ses alliés traditionnels ou les pays pratiquant l'équité tarifaire pour l'entrée des produits US. Pour preuve, les voisins immédiats du Maroc, en l'occurrence la Tunisie, l'Algérie et la Libye, écopent de droits supplémentaires très élevés, respectivement de 28, 30 et 31%. Autre pays du continent dans le viseur de Trump, l'Afrique du Sud se voit imposer un tarif de 30 %, alors qu'elle a toujours bénéficié des largesses des administrations américaines successives. Lire aussi | Droits de douane: que signifie la réciprocité voulue par Donald Trump? Autre point de repère, des pays « hostiles » aux exportations américaines subissent des tarifs massifs, à l'image du Cambodge (49 %), du Vietnam (46 %), de l'Irak (39 %), de la Chine (34 %) ou de la Suisse (31%). Classés jusqu'à hier au rang des partenaires économiques les plus proches, le Canada et l'Union européenne se voient reprochés leurs barrières tarifaires excessives et se voient infligés des droits majorés de 31 et 25%. Pris sous cet angle, les tarifs appliqués au Maroc peuvent être considérés comme une opportunité, puisque les produits des concurrents commerciaux sur le marché américain se trouvent sévèrement pénalisés, spécialement dans l'agroalimentaire (Afrique du Sud) et le textile (Cambodge, Tunisie et Vietnam). La grande inconnue reste les phosphates et dérivés, qui s'accaparent une part non négligeable des exportations marocaines. Quid des échanges avec le pays de l'Oncle Trump En effet, les engrais minéraux et chimiques arrivent en première position, avec 3,35 milliards de dirhams (MMD), représentant 20,8% des exportations totales du Maroc vers les Etats-Unis, d'après des données officielles. Lire aussi | Trump déclare la guerre commerciale au monde Les produits de l'Office Chérifien des Phosphates (OCP) destinés au marché américain sont actuellement soumis à un droit compensateur de 16,60 %, imposé par le Département du Commerce en novembre 2024, auxquels s'ajoutent les nouveaux 10 % applicables à partir du 5 avril 2025. Ces deux taxes sont distinctes et s'additionnent. Ainsi, les produits de l'OCP seront soumis à la fois au droit compensateur de 16,60 % et au tarif universel de 10 %, ce qui signifie qu'ils seront taxés à un total de 26,60 % lors de leur entrée sur le marché américain. En deuxième position des secteurs exportateurs, on retrouve l'industrie automobile avec une part de 11,4 % (1,85 MMD), suivie des semi-conducteurs (10,6 %, 1,73 MMDH) et l'agroalimentaire réparti entre agrumes (9,6%) et poissons transformés (5,1%). L'année 2025 marque deux décennies de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange (ALE) entre le Maroc et les Etats-Unis, signé en juin 2004 et entré en vigueur en 2006. Cet accord, l'unique dans son genre avec un pays africain, a redéfini les relations stratégiques entre les deux nations. Lire aussi | Trump menace de taxer à 200% le champagne et les vins français et européens Depuis l'entrée en vigueur de l'ALE, les échanges ont quadruplé, atteignant des niveaux sans précédent. Ils dépassent désormais les trois milliards de dollars. Les exportations marocaines vers les Etats-Unis, notamment dans les secteurs textiles et agricoles, ont bénéficié d'un accès préférentiel à 98,78 % des positions tarifaires américaines. Parallèlement, les produits agricoles américains ont été intégrés avec des démantèlements progressifs s'étalant sur plusieurs décennies, offrant un équilibre progressif des avantages.