La version finale de la loi organique des finances est fin prête et aura très probablement le feu vert du prochain conseil de gouvernement. Le timing du dépôt du projet n'est pas fortuit puisqu'il intervient trois jours après le renvoi du projet de la loi des finances 2014 du fait d'un vote négatif des conseillers. La majorité, qui mène actuellement une course contre la montre afin de respecter les délais de publication, compte ainsi faire d'une pierre deux coups: d'une part, rattraper le retard accusé au niveau de l'élaboration des lois organiques prévues par la Constitution et, de l'autre, diminuer l'influence de la 2e chambre qui a été écartée par la constitution du vote du budget. Le projet finalisé par le département de Mohamed Boussaid met en avant le réaménagement du calendrier d'examen et de vote du projet de loi des finances à travers «l'introduction d'une phase de préparation du cadre de programmation pluriannuelle de référence dans lequel la loi des finances doit s'inscrire, ainsi qu'une phase de concertation avec le Parlement avant la fin du mois de juillet», indique la mouture finale du projet. Plusieurs domaines ont été tracés par la loi lors de cette étape préliminaire de discussion du budget tels que le contexte international, l'évolution de l'économie nationale ainsi que l'exécution de la loi des finances de l'année en cours. Les informations communiquées au Parlement «sont enrichies par l'élaboration de 14 nouveaux rapports et 2 annexes afin d'améliorer la qualité du débat», note la loi. En ce qui concerne la problématique question des amendements formulés par les députés et le recours à l'article 77 de la Constitution, la loi organique projetée impose la simplification de cette procédure «à travers une nouvelle définition de la charge publique et la révision des modalités de vote des prévisions de dépenses de la loi des finances en vue de les inscrire dans la nouvelle démarche axée sur les résultats à travers l'orientation du vote autour des départements ministériels et de leurs stratégies». Pour éviter les mauvaises surprises, le gouvernement lancera une opération de préfiguration de la réforme avec les quatre départements que sont le ministère des Finances, l'Agriculture, l'Education nationale et le Haut commissariat aux eaux et forêts. Cette préfiguration vise principalement à tester les nouveaux référentiels nouvellement adoptés en matière de performance. Renforcer la transparence Dans ce registre, les nouvelles mesures obligent chaque département à préparer un rapport ministériel de performance joint au projet de loi de règlement de l'année considérée, comparant pour chaque programme les réalisations avec les prévisions initiales. Ces rapports sont consolidés au niveau du rapport annuel de performance présenté au Parlement à l'occasion de la préparation du projet de loi de règlement. Le projet propose également de se baser sur le principe d'objectifs et de résultats via la réforme de la nomenclature budgétaire pour passer «d'une approche normative des dépenses à une présentation par programme et projet/action, tout en évoquant la dimension régionale», souligne la loi organique projetée. Pour répondre positivement aux attentes du Parlement, le gouvernement a inséré plusieurs dispositions qui visent à garantir un suivi efficace de l'exécution du budget. Le projet propose ainsi de réduire le nombre de catégories des comptes spéciaux du Trésor et de rationaliser la création et la gestion des services de l'Etat gérés de manière autonome (SEGMA) et des comptes spéciaux du Trésor. Au niveau de la comptabilité budgétaire, et en plus de l'institution de la comptabilité d'exercice, une comptabilité d'analyse des coûts a été également introduite en vue de «suivre le coût global des services publics et des efforts menés pour la maîtrise de l'ensemble des dépenses y afférentes», indique le projet final. D'autres mesures sont à chercher dans la limitation des crédits de personnel et l'interdiction d'inscrire les dépenses de fonctionnement ou personnel dans le chapitre relatif à l'investissement. Mounia Ghoulam, députée Istiqlal, membre de la commission des finances Les ECO : Pourquoi le gouvernement a-t-il mis tant de retard avant de déposer un projet de nouvelle loi organique des finances au SGG ? Mounia Ghoulam : Le projet a mis beaucoup de retard dont on n'a pas cessé de demander les raisons. Il est aujourd'hui inconcevable que le Parlement vote une nouvelle loi de finances avec une loi organique qui date de 1998. Cela fait déjà trois ans que cette réforme devait avoir lieu et enfin il aura fallu s'y mettre juste après l'adoption de la nouvelle Constitution. Il y a six mois, les discussions avaient repris et une commission mixte a été établie entre les différents groupes parlementaires et le gouvernement. Grosso modo, le projet est bon, mais je pense qu'au fil des discussions parlementaires, des amendements sont à même de le rendre plus efficace. Quels sont les éléments clés d'efficience au niveau du Parlement, que le nouveau projet apporte ? Au niveau de la forme, à savoir de la préparation, de la présentation au Parlement et de l'exécution, des améliorations ont été apportées. Par ailleurs, le rôle de contrôle d'exécution et de suivi des lois de finances par l'institution législative a été renforcé. On parle désormais d'une gestion pluriannuelle des finances de l'Etat. Un budget triennal ou quadriennal donnera un nouvel élan à l'économie, à travers une meilleure visibilité pour les acteurs économiques. C'en sera fini de l'attentisme et des fluctuations qu'une loi de finance annuelle charrie habituellement. À votre avis, les parlementaires sont-ils suffisamment outillés pour suivre et contrôler l'exécution d'une loi de finances pluriannuelle ? Quand il s'agit de moyens humains, les parlementaires n'ont pas les outils nécessaires pour discuter et suivre les différentes lois. Mais je pense qu'avec la nouvelle loi organique des finances, la donne va changer. À titre d'exemple, le nouveau projet prévoit que les quelque 18 rapports sur la loi de finances doivent être soumis aux parlementaires pour une meilleure lisibilité des dispositions budgétaires. Par ailleurs, le budget ne sera plus distribué par rubrique, mais par objectif. Plus de souplesse pour les ordonnateurs Composée de 79 articles, la loi organique tant attendue met en avant la nouvelle vocation des ordonnateurs qui bénéficieront «de plus de responsabilité, d'une marge de manœuvre élargie et de règles simplifiées pour le redéploiement des crédits». En contrepartie de la levée de plusieurs entraves devant les ordonnateurs, l'Etat activera la reddition des comptes et l'évaluation des réalisations en termes d'objectifs de performance. Des audits de performance seront réalisés par l'IGF et seront obligatoirement dévoilés devant les parlementaires. Le souci de la convergence des budgets sectoriels a également été souligné dans la version finale de la loi qui a mis en place «une programmation triennale glissante actualisée annuellement, afin de renforcer le cadre de gestion des finances publiques et d'améliorer la cohérence entre les stratégies sectorielles, tout en préservant l'équilibre financier de l'Etat».