La transparence ! La transparence est une composante essentielle, à côté de la reddition des comptes, de la bonne gouvernance. En matière budgétaire, elle revêt une importance particulière dans la mesure où il s'agit de la gestion de deniers des contribuables. «La transparence budgétaire se définit comme le fait de faire pleinement connaître, en temps opportun et de façon systématique, l'ensemble des informations budgétaires», écrit-on dans un document de l'OCDE portant justement sur les bonnes pratiques en matière de transparence budgétaire. A examiner de près le projet de loi de finances et la panoplie des documents qui l'accompagnent, une dizaine au total, on est en mesure de relever quelques entorses à cette règle sacro-sainte de transparence qui mesure le degré de fiabilité, de clarté et de sincérité des informations confectionnées et fournies au parlement. Certes, il faut souligner de prime abord que le gouvernement a fait un effort supplémentaire cette année en mettant à la disposition de la représentation nationale, outre les documents fournis traditionnellement, deux autres publications de taille : l'une tient aux ressources humaines, l'autre à la dette publique. Et au fur et à mesure que l'examen du projet de loi avance, le gouvernement apporte des informations additionnelles soit à la demande des députés soit à sa propre initiative. Mais il n'est pas acquis que l'information donnée abondamment soit nécessairement la bonne ! Il ya même le risque inverse de voir que «trop d'information tue l'information». D'autant plus que cette masse de documents servie en une seule livraison exige du temps pour la consulter et plus de temps encore pour en découdre le sens et en déchiffrer la philosophie. On ne le sait que trop : une statistique, nonobstant la neutralité dont elle cherche à se draper, est susceptible de plusieurs lectures et de plusieurs interprétations. Elle peut montrer tout sauf l'essentiel ! Mais venons-en au fond de la problématique, celle de la transparence budgétaire. D'abord, le maintien des «comptes spéciaux de trésor» (CST) constitue la première entorse non seulement à la transparence, mais aussi à l'unité et à l'universalité budgétaires. En effet, l'existence de ces fonds, particulièrement les «comptes d'affectation spéciale» (55 au total, totalisant une enveloppe de 48 milliards DH), brouille bien les cartes et ne permet pas une lecture facile du budget, comme le préconisent justement lesdits principes de l'OCDE. «Le budget est le document primordial en matière de politique gouvernementale. Il doit être exhaustif, et couvrir l'ensemble des dépenses et des recettes de l'Etat, de façon à ce que l'on puisse mettre en balance les différentes options en présence». Avec ces CST, cette mise en balance n'est pas possible, ou du moins n'est pas aisée à effectuer. Les parlementaires ont besoin d'un document simplifié, traçant d'un côté l'ensemble des recettes et d'un autre côté l'ensemble des dépenses. En outre, certaines dépenses sont doublement comptabilisées et donnent par conséquent une idée tronquée des dépenses publiques. C'est le cas de l'investissement public. Ainsi, les subventions d'équipement fournies par le budget aux entreprises et établissements publics (EEP) figurent à la fois dans les dépenses de l'investissement du budget général et dans les dépenses d'investissement des EEP. Ce qui entraîne un gonflement de l'investissement public. La même entorse est observée au niveau de l'affectation au profit des collectivités locales de leur part dans le produit de la TVA, qui est de 30%. Cette affectation se fait d'une façon directe sans qu'elle transite par le budget et respecter ainsi le règle dite de l'imputation. En définitive, le Maroc a encore du pain sur la planche s'il veut améliorer son score dans le classement mondial en matière de transparence budgétaire et s'il veut présenter un budget plus clair, plus lisible, plus visible et plus sincère. La réforme de la loi organique des fiances (LOF) dont le chantier est ouvert est une occasion idoine pour réaliser ce vœu qui est prescrit dans la nouvelle constitution. La prochaine LOF qui doit absolument être adoptée au cours des premiers mois de 2013 doit préciser clairement les modalités à même d'assurer cette transparence tout en donnant plus de prérogatives budgétaires au parlement et en passant d'une logique de moyens (en cours) à une logique de résultats *Professeur à la FSJES, Université Mohamed V Agdal Rabat.