L'heure est à l'agrégation des ressources et des dépenses étatiques. L'absence de consolidation budgétaire et comptable grippe toute stratégie de performance, de responsabilisation et de reddition des comptes, selon Noureddine Bensouda, trésorier général du royaume. Le régime comptable en place à base de caisse incite « à créer de nouveaux établissements publics pour échapper à tout contrôle étatique», selon Bensouda. «Pour rendre des comptes, il faut avoir des comptes». Noureddine Bensouda, trésorier général du royaume est on ne peut plus clair. Les beaux discours sur la bonne gouvernance, l'harmonisation des politiques sectorielles, l'équité fiscale, la transparence budgétaire…passent d'abord par la mise en place d'un système de consolidation budgétaire et comptable. Un modèle qui fait encore défaut dans le meilleur pays du monde. D'autant plus vrai que la tenue de la comptabilité de l'Etat n'est pas constitutionnalisée. Et de là on peut facilement comprendre que les déclarations du gouvernement Benkirane sur la transparence et la reddition des comptes ne sont en réalité que des promesses en l'air. Comment pourrait-on juger et responsabiliser alors que dans la réalité des choses on ne connaît pas exactement qui fait quoi en matière de gestion budgétaire. Les comptes spéciaux du Trésor( CST) qui échappent à tout contrôle parlementaire en sont le meilleur exemple. Ils dérogent même à la règle budgétaire fondée sur trois principes fondamentaux que sont la transparence, l'unicité budgétaire et la non affectation. Par consolidation, Bensouda, intervenant mercredi à Casablanca lors d'une rencontre organisée par la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc (CFCIM), entend la mise en vigueur d'une vision harmonisée du système financier public caractérisé par la multiplicité des acteurs au nombre de 2 060 entités. Ils sont répartis entre Etat (34 ministères), collectivités territoriales (1 737 entités), établissements et entreprises publiques (288 sociétés) et organismes de retraite et de prévoyance sociale( 4). Partant de là, la diversité concerne également le budget de l'Etat divisé en trois compartiments que sont le budget général, les comptes spéciaux du Trésor au nombre de 71 et les services de l'Etat gérés de manière autonome (SEGMA) au nombre de 202. Face à cet éparpillement et fractionnement des registres, l'harmonisation du réseau comptable s'impose davantage pour une meilleure évaluation des politiques publiques. «Si vous ne pouvez pas mesurer, vous ne pouvez pas gérer». Cette devise que chérit le trésorier général s'avère être la clé de voûte de toute stratégie de coordination des politiques et programmes publics. D'où la nécessité, selon Bensouda, de passer d'une comptabilité publique à base de caisse qui ne permet pas une comptabilisation en temps réel, de même qu'une mesure aussi bien du résultat que de la situation patrimoniale à une comptabilité d'exercice. Sur ce chapitre du patrimoine étatique, l'invité de la CFCIM a annoncé que son département vient d'achever le premier bilan de l'Etat pour l'année 2010. Un bilan qui rend compte entre autres de la situation patrimoniale (barrages, ports…). Le domaine des Habous, tenez-vous bien, n'en fait pas partie… ! Le régime comptable en place est à l'origine du foisonnement des structures et de «la dispersion de l'information financière». Il incite même, ce qui est d'ailleurs le cas, «à créer de nouveaux établissements publics pour échapper à tout contrôle étatique», éclaire-t-il. Plus encore, des prélèvements obligatoires sont effectués courant de l'exercice comptable alors qu'ils ne sont pas prévus dans la mouture de la loi de Finances. L'absence de consolidation place l'Etat au titre de garant même en cas de défaillances financières des collectivités locales par exemple. Ce qui ne manquerait pas de créer des chevauchements au niveau des attributions budgétaires. Surtout lorsqu'on sait que les sources de recettes étatiques se chiffrent à 473 réparties entre collectivités territoriales (124) et budget de l'Etat (349), lequel est subdivisé comme suit : budget général (101), CST (127) et SEGMA (121). Enjeux de la consolidation budgétaire et comptable Passage d'un système financier public fondé sur la logique de moyens et de répartition des crédits vers un nouveau système qui privilégie la performance, les résultats, la responsabilisation et la reddition des comptes. Meilleure articulation entre les natures de recettes. Normalisation des nomenclatures des recettes. Harmonisation des référentiels comptables. Consécration de la consolidation dans la loi organique de finances, la loi organique sur les régions. Renforcement du contrôle exercé par le citoyen et par le Parlement sur l'emploi des deniers publics.