Omar Raissouni, directeur du contrôle fiscal à la Direction générale des impôts (DGI), précise la législation en vigueur habilitant l'administration fiscale à apprécier le bien-fondé des prix de transfert appliqués entre une société-mère implantée au Maroc et ses filiales se trouvant hors du territoire national. La libéralisation des échanges, l'absence d'éléments pertinents de comparabilité et la tentation des multinationales à délocaliser la substance fiscale sont autant de facteurs qui jettent plus de complexité au contrôle fiscal des prix de transfert au Maroc. Finances News Hebdo : Eu égard aux échanges qui se mondialisent de plus en plus, caractérisés par leur complexité et accentués par l'existence de paradis fiscaux, quels sont les moyens dont dispose l'administration des impôts pour le contrôle fiscal des prix de transfert pouvant servir illégalement à une entreprise de transférer ses bénéfices à une autre société située hors du Maroc (société-mère et filiales) pour se soustraire à l'impôt ? Omar Raissouni : Effectivement, du fait de la mondialisation, la problématique des prix de transfert se pose de plus en plus pour les administrations fiscales. A cet égard, le Maroc dispose d'une législation qui lui permet de faire face à ces pratiques. L'article 213 du Code général des impôts accorde et, en même temps, encadre le droit d'appréciation dévolu à l'administration fiscale. Ainsi, s'agissant de la politique de fixation des prix de transfert par les entreprises apparentées et qui sont susceptibles de donner lieu à un transfert indirect des bénéfices à l'étranger, le paragraphe II de l'article 213, prévoit que lorsque les liens de dépendance entre des entreprises situées au Maroc ou hors du Maroc sont établis, les bénéfices indirectement transférés par divers moyens sont rapportés au résultat fiscal et/ou au chiffre d'affaires déclarés. F.N.H. : Aujourd'hui, quelle est l'ampleur du transfert indirect des bénéfices des filiales installées au Maroc vers des sociétés-mères situées à l'étranger ou des sociétés-mères installées au Maroc vers des filiales à l'étranger ? Le cas échéant, pouvez-vous concrètement chiffrer ce manque à gagner pour l'Etat? O. R. : Le contrôle fiscal des prix de transfert est légalement encadré par les dispositions de l'article 213-II, qui fixe les conditions et le prérequis de la remise en cause de la détermination desdits prix. Dans ce cadre, chaque année, le programme des vérifications fiscales comporte un certain nombre de dossiers susceptibles de présenter une problématique de prix de transfert et la plupart de ces dossiers se règlent par la voie d'accords transactionnels avec, à la clé, des droits à payer portant sur des montants significatifs. F.N.H. : Les entreprises (multinationales ou locales) peuvent être tentées de délocaliser la substance fiscale vers d'autres pays où les taux de taxation sont moins élevés en manipulant les prix de transfert. Compte tenu de cette tentation, estimez-vous que le Maroc est compétitif fiscalement par rapport aux pays à développement similaire du point de vue des impôts prélevés sur les sociétés ? O. R. : La problématique de la manipulation des prix de transfert, notamment pour des considérations fiscales, existe partout dans le monde. L'approche marocaine en la matière est pragmatique et se décline au cas par cas, compte tenu de l'analyse de la situation particulière de chaque entreprise contrôlée. S'agissant de la tentation de délocalisation, les entreprises (multinationales et locales) prennent en considération d'autres facteurs, parfois plus déterminants que l'aspect fiscal, notamment le coût et la qualification de la main-d'œuvre, l'existence d'infrastructures, la proximité géographique, etc. Quant à la charge fiscale, comparé aux pays à développement similaire, le Maroc, de par le taux et les modalités de détermination de la base imposable à l'impôt sur les sociétés (délai de report des déficits, nature et taux des amortissements autorisés, etc.) peut être considéré comme étant dans une situation intermédiaire par rapport aux dits pays. F.N.H. : Enfin, en cas de redressement fiscal, l'administration fiscale ne se trouve-t-elle pas dans une situation inconfortable ? Et pour cause, comment déterminer des prix de transfert justes en garantissant la pleine concurrence. Sachant qu'il est souvent ardu de trouver des éléments de comparabilité pertinents, tout en évitant de pénaliser l'entreprise qui se frotte à la réalité des affaires. O. R. : Certes, il n'est pas toujours aisé de fournir des éléments de comparabilité pertinents, en l'absence d'une base de données en la matière. Il n'en demeure pas moins que l'administration s'emploie toujours à rechercher et analyser les données comparables et informations en sa possession avant de fonder sa présomption de transfert de bénéfices et d'entamer un dialogue avec l'entreprise concernée dans le cadre de la procédure contradictoire qui est strictement encadrée par la loi.