Le Fonds monétaire international reconfirme l'éligibilité du Maroc à la ligne de précaution et de liquidité. Pendant que le gouvernement jubile, certains dénoncent une perte de souveraineté. Le Maroc est-il sous tutelle ? Le gouvernement peine à cacher sa joie. Et pour cause, le Fonds monétaire international vient de reconfirmer l'éligibilité du Maroc à la ligne de précaution et de liquidité (LPL) suite à la troisième revue de cette ligne conduite par le Fonds durant le mois de décembre dernier. Cette facilité dont a bénéficié le Royaume auprès du FMI en août 2012, s'élève à 6,2 milliards de dollars, utilisables en cas de besoin pendant une durée de deux ans. Comme l'on s'y attendait, dès l'annonce de cette nouvelle par le FMI le vendredi 31 janvier, le ministère des Finances s'est fendu d'un communiqué pour le moins jubilatoire. «L'éligibilité du Maroc à la LPL reflète la confiance de cette institution dans les politiques économiques et les réformes structurelles menées par les pouvoirs publics en vue de reconstituer les marges de manœuvre budgétaire et extérieure, et de favoriser une croissance plus forte et inclusive. Dans ce cadre, le Conseil d'administration du Fonds a salué les mesures prises récemment par le gouvernement pour renforcer le cadre budgétaire et maîtriser les équilibres macroéconomiques», souligne la tutelle. Aussi, ajoute-t-elle, «la reconduction de cette facilité constitue une assurance pour notre pays contre d'éventuels risques de dégradation accrue de l'environnement international et, ce faisant, contribuera à renforcer davantage la confiance des investisseurs et des partenaires financiers étrangers dans les perspectives économiques et financières du Maroc». Cette décision du FMI est-elle surprenante ? Pas le moins du monde pour qui suit l'actualité. Car, une semaine auparavant, soit le 24 janvier, la patronne de l'institution financière, Christine Lagarde, avait déjà annoncé la couleur. En marge du 44ème Forum de Davos, elle a, en effet, eu à rencontrer le Chef du gouvernement marocain, Abdelilah Benkirane. Rencontre au cours de laquelle elle s'est félicitée des réformes économiques en cours au Maroc, pays qui est un «modèle à suivre pour la région». Mieux, elle a mis en évidence la capacité d'anticipation dont a fait preuve le Maroc dans une conjoncture difficile, «sans pour autant attendre les recommandations d'institutions financières internationales». La messe était donc dite. Perte de souveraineté ? Néanmoins, si certains applaudissent actuellement la reconduction de cette facilité du FMI, synonyme, entre autres, de la résilience de l'économie marocaine dans un contexte défavorable, d'autres ont un avis tranché. Selon eux, le Maroc est simplement en train de perdre sa souveraineté, jugeant de facto la posture du Fonds pour le moins intrusive. En faisant miroiter au gouvernement marocain ces 6,2 milliards de dollars, il l'obligerait tout autant à initier un certain nombre de réformes structurelles. S'ils conviennent que ces réformes sont nécessaires, ils accusent par contre le gouvernement d'être soumis au diktat du FMI, lequel tire les ficelles afin d'obliger Benkirane et son équipe à une certaine austérité pour redresser des finances publiques en déliquescence. Face à ces accusations, le gouvernement botte évidemment en touche et s'estime souverain dans ses décisions. Or, comme on le sait, dans le langage diplomatique, les recommandations des institutions financières tiennent pour des exigences. D'ailleurs, difficile d'imaginer que le Fonds, qui demande, entre autres, les réformes du système de subvention, des retraites et du système fiscal afin d'assurer la pérennité des finances publiques, est étranger aux choix économiques actuels du gouvernement. Cela, d'autant que le gouvernement a amorcé un virage à 180 degrés concernant notamment le système de compensation, avec la suppression de la subvention de l'essence super et du fuel oil n°2 et une baisse progressive de celle du gasoil. Conséquence : les prix de vente au public de l'essence super et du fuel oil n°2, sont fixés, du 1er au 15 février 2014, respectivement à 12,75 DH/litre (au lieu de 12,02 DH/L) et 5.742,72 DH la tonne (au lieu de 4.944,42 DH/T). Mieux, dans le sillage de cette réforme, a été adopté récemment le projet de loi organique relative à la Loi de Finances qui devrait permettre l'application de nouvelles règles afin d'améliorer la transparence des finances publiques. Dans les bacs, il y a aussi la réforme du système des retraites et un assouplissement probable de la politique de change. Il faudra donc s'attendre, durant les prochains mois, à ce que le gouvernement annonce de nouvelles réformes structurelles... comme le «recommande» le FMI. On saura peut-être alors si le Maroc est sous tutelle ou non.