La première phase de la réforme de la flexibilité s'est bien déroulée, selon les autorités monétaires. Le contexte économique a été favorable.
Par Badr Chaou
Les opérateurs marocains ont, au final, bien digéré la réforme de la flexibilité du taux de change mis en place mi-janvier 2018. On peut dire que le contexte économique marocain a été favorable au nouveau régime de change, caractérisé par un bon niveau de réserves en devises ainsi que des fondamentaux solides. Du moins, c'est ce que nous a confié le Directeur général de l'Office des changes, Hassan Boulaknadel. «La résilience économique marocaine au cours de l'année 2018 a pu absorber cette réforme de la flexibilité du Dirham avec une certaine fluidité», note-t-il. Un argument conforté par Yasser Temsamani, économiste et chercheur, affilié à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Sciences Po Paris : «la baisse de la facture énergétique pour le Maroc a permis de faire sortir moins de devises et d'encourager l'appréciation du Dirham, sans bien évidemment dépasser le cadre des limites fixées par la première phase de flexibilité». «La fourchette de fluctuation restant tout de même étroite donne suite à un faible risque, menant à une moindre couverture, donc moins de ruée vers la devise étrangère. Cela a permis entre autres d'éviter une dépréciation du Dirham», poursuit Yasser Temsamani. Autre paramètre qui aurait encouragé l'appréciation du Dirham : la transaction entre Saham Assurances et Sanlam, qui aurait injecté environ un milliard de dollars dans les réserves en devises du pays.
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Les banques autosuffisantes La première phase de flexibilité a été marquée par une position de change confortable des banques, qui n'ont pas eu recours à l'intervention de la Banque centrale depuis le 20 mars 2018. «Les cessions des exportateurs couvrent largement les besoins des importateurs qui, eux, vont céder suffisamment de devises pour faire face aux besoins du système bancaire. Cela se reflète sur la position de change des banques qui s'est appréciée, ce qui leur a permis d'être autosuffisantes. De même, cela a encouragé les investissements directs étrangers (IDE)», a indiqué, pour sa part, Mounir Rizki, directeur des opérations monétaires et de change à Bank Al-Maghrib, lors d'une conférence organisée par la Chambre britannique de commerce, sous le thème : «Flexibilité du Dirham et réglementation des changes, quel premier bilan ?». Il n'y a donc plus besoin de raisonner en termes de réserves de change du Royaume, au moment où les banques vont disposer de plus d'avoirs en devises, et amélioreront leurs positions au quotidien pour avoir moins recours aux interventions de la Banque centrale.
A quand la prochaine phase ? «Cette première phase visait à permettre aux opérateurs d'assimiler la flexibilité du taux de change et à dissiper les craintes des opérateurs sur une dépréciation du Dirham», poursuit Rizki. La question qui se pose désormais est de savoir à quel moment la deuxième phase de la flexibilité du Dirham prendra effet. L'objectif à terme étant d'avoir une libéralisation complète du régime de change. Les autorités se montrent pour le moment discrètes sur la date exacte, ou du moins sur la période d'entame de la seconde phase d'élargissement de la bande de fluctuation. «Nous passerons à la seconde phase dès que les conditions et prérequis économiques nous le permettront», fait savoir Hassan Boulaknadel. Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, a indiqué lors d'un point de presse, vouloir être sûr que les opérateurs ont bien assimilé la réforme, avant de passer à la deuxième phase. BAM temporise donc, et ce malgré l'insistance du FMI et de la Banque mondiale qui ont suggéré aux autorités monétaires du pays de passer à la deuxième étape de la réforme sans plus tarder. ◆