Hassan Boulaknadel, Directeur général de l'Office des changes La résilience de l'économie marocaine a permis d'absorber la réforme de la flexibilité du Dirham. Les tensions commerciales entre les Etats-Unis et le reste du monde sont pour le Royaume un facteur de vigilance.
Propos recueillis Badr Chaou
Finances News Hebdo : Comment se porte le Dirham aujourd'hui ? Hassan Boulaknadel : Quand on analyse de près l'évolution du Dirham durant l'année 2018, on remarque qu'il a fluctué à l'intérieur de l'ancien corridor. Cela traduit la résilience que présente l'économie marocaine par rapport à la flexibilité du Dirham, qui a été entreprise au tout début de l'année dernière. J'en veux pour preuve l'évolution de la plupart des secteurs exportateurs, à leur tête le secteur automobile qui représente aujourd'hui pas moins de 25% du total des exportations du Royaume. Mais il y a aussi les autres métiers mondiaux du Maroc, entre autres l'aéronautique et le textile qui ont tous deux bien progressé. L'agroalimentaire et le tourisme ont réalisé de bons chiffres également. Cet ensemble démontre que l'économie marocaine a eu des fondamentaux solides au cours de l'année 2018, qui lui ont permis d'absorber cette réforme de la flexibilité du Dirham avec plus de fluidité.
F.N.H. : Quels impacts pourraient avoir, sur le long terme, les politiques protectionnistes qu'entreprennent actuellement certains pays ? H. B. : Bien entendu, le Maroc ne vit pas en autarcie. Il évolue dans un environnement qui présente certains facteurs de risques, dont le protectionnisme économique. Le travail des responsables consiste à anticiper au mieux ces facteurs et de s'y préparer. En cela, les tensions commerciales entre les Etats-Unis et le reste du monde demeurent un facteur de préoccupation non seulement pour l'économie marocaine, mais pour l'ensemble des économies du monde. Un certain degré de vigilance doit être mis en place pour pouvoir être à l'écoute des indicateurs économiques liés aux divers risques internationaux en vue de réagir de la manière la plus rapide et efficace qui soit. Je pense que la diplomatie économique marocaine fait en sorte d'élargir la palette des pays avec lesquels le Maroc entretient des échanges commerciaux. Cette diversification des relations économiques permettra d'atomiser le risque lié à la concentration.
F.N.H. : Avec la baisse du niveau des réserves de change au Maroc, une levée à l'international est-elle appropriée ? H. B. : Aujourd'hui, l'effritement des réserves de change internationales n'est pas une évidence parce qu'on reste au-delà de cinq mois de réserve, ce qui est un bon niveau de confort en devises. Par contre, la sortie à l'international demeure une décision du gouvernement. Elle a pour objectif notamment de marquer la présence du Maroc à l'international et profiter éventuellement de la faiblesse des taux d'intérêt sur les marchés internationaux. Cela permettra également l'allégement de la dette interne et la mise à disposition de plus de liquidité aux opérateurs économiques marocains afin de générer plus de croissance interne.
F.N.H. : Concrètement, quelle est la valeur ajoutée de la nouvelle réglementation des changes ? H. B. : Avec la nouvelle réglementation marocaine, le compte capital pour les non-résidents est complètement libre, ce qui fait que les investisseurs étrangers sont relativement confiants par rapport à la réglementation des changes au Maroc. Nous sommes actuellement sur une moyenne de 35 milliards de DH d'investissements étrangers par an, et on constate que le nombre d'investisseurs étrangers se consolide d'année en année. Les apports de la nouvelle réglementation ont largement contribué à cette embellie à travers notamment la possibilité donnée aux banques de financer le cycle d'exploitation des sociétés implantées dans les zones franches afin qu'elles (banques, ndlr) puissent aussi fructifier leurs réserves de change. Nous avons aussi relevé le délai de rapatriement des devises de 60 à 90 jours pour les sociétés qui font des prestations de services à l'international. De même, nous avons permis plus de flexibilité en termes de réglementation des changes pour les sociétés titulaires de marchés à l'international, qui bénéficient maintenant de la possibilité d'ouvrir des comptes à l'étranger afin de mener à bien l'exécution de leurs marchés.
F.N.H. : Les banques commerciales ont aujourd'hui la possibilité de prêter des devises étrangères aux zones franches et offshores. Celles-ci sont actuellement sujettes au débat lié à la présence du Royaume dans la liste grise des paradis fiscaux de l'EU. Que pouvez-vous nous dire par rapport à cela ? H. B. : Concrètement, ce ne sont pas les zones franches qui sont pointées du doigt, ou remises en question. Ce sont plutôt les zones offshores qui comprenaient certains établissements bancaires offshores. Le Maroc a fait disparaître le statut des banques dans les zones offshores. Il a donc fallu les remplacer par la zone onshore, pour pouvoir justement ne pas couper l'accès au financement et à la liquidité aux sociétés qui sont installées dans ce périmètre-là. ◆