* La situation telle quelle se présente actuellement naugure pas en faveur dune convertibilité totale du Dirham. * Au fil des ans, le contrôle des changes a été largement assoupli et la convertibilité dépasse même les exigences de larticle VIII, en ce sens quelle sétend à nombre dopérations en capital, notamment les investissements étrangers au Maroc et les financements extérieurs * Mohamed Bougroum commente les circulaires publiées en août dernier par lOffice des changes. Finances News Hebdo : Pouvez-vous nous dire brièvement comment a évolué le contrôle des changes au Maroc et quelles en sont les principales étapes ? Mohamed Bougroum : Le contrôle des changes a été institué par dahir le 10 septembre 1939 et a été appliqué jusquen 1959, uniquement sur les opérations avec les pays hors zone franc. Il visait lintégration de léconomie nationale, alors sous Protectorat, à léconomie française. Depuis cette date, lévolution du contrôle des changes a été empreinte de la situation économique du pays. En 1959, le contrôle des changes a été généralisé à lensemble des pays de la zone franc, et ce en vue de limiter les transferts effectués par la communauté étrangère établie au Maroc, essentiellement au titre des voyages, des économies sur revenus et des produits de cession dinvestissements. Cette tendance fut observée jusquen 1964. Du milieu des années soixante au début des années soixante-dix, les premières mesures de libéralisation du contrôle des changes ont été mises en place. Dès 1974, une profonde libéralisation de la réglementation a été envisagée et la réflexion sur la convertibilité du Dirham a été entamée. Néanmoins, en raison des déficits internes et externes importants enregistrés à la fin des années 70 début des années 80, et en vue de freiner la sortie de devises, des mesures restrictives ont été adoptées : réduction au strict minimum des produits libres à limportation, institution du dépôt de fonds préalable à limportation, taxe sur les voyages, etc. En revanche, depuis le début des années quatre-vingt, le Maroc a opté pour une libéralisation progressive de la réglementation des changes qui a bénéficié pratiquement à toutes les catégories de transactions avec létranger et qui a été couronnée par l'institution de la convertibilité du Dirham pour les opérations courantes en janvier 1993, et ce conformément aux dispositions de larticle VIII des statuts du Fonds monétaire International relatives à la convertibilité des opérations courantes. Valeur aujourdhui, le contrôle des changes a été largement assoupli et la convertibilité dépasse même les exigences de larticle VIII précité en ce sens quelle sétend à nombre dopérations en capital, notamment les investissements étrangers au Maroc et les financements extérieurs mobilisés par les entreprises marocaines, les investissements et placements de personnes morales marocaines à létranger, loctroi de crédits aux non résidents pour lacquisition de biens immeubles situés au Maroc, loctroi de crédits à lexportation aux clients des entreprises exportatrices, etc. F.N.H. : Peut-on savoir dans quelle mesure les nouvelles circulaires publiées par lOffice des changes au mois daoût dernier vont contribuer à lassouplissement des procédures dinvestissement à létranger ? M. B. : Il convient de rappeler quauparavant les opérations dinvestissement à létranger étaient soumises à laccord préalable de lOffice des changes. Celles-ci étaient autorisées lorsquelles sinscrivaient dans le cadre de la promotion des exportations de biens et de services ou de collecte et de drainage des recettes des Marocains résidant à létranger. Désormais et depuis le 1er août 2007, les entreprises marocaines, quel que soit leur secteur dactivité, peuvent réaliser des investissements à létranger. En effet, les personnes morales résidentes, ayant au moins trois années dactivité et dont la comptabilité est certifiée par un commissaire aux comptes externe, peuvent transférer jusquà 30 millions de dirhams par an, en vue du financement de leurs investissements à l'étranger à l'exclusion des investissements en zones franches ou places financières offshore sises au Maroc. L'investissement à réaliser à l'étranger, qui doit être en rapport avec l'activité de lentité résidente concernée et avoir pour objectif de consolider et de développer cette activité, peut revêtir la forme de création de sociétés, la prise de participation dans des sociétés existantes ou louverture de bureaux de liaison, de représentation ou de succursales. Les transferts de fonds dans ce cadre peuvent porter sur les dotations en capital, l'octroi de prêts et/ou d'avances en comptes courants d'associés aux entreprises étrangères dans lesquelles l'investisseur marocain détient une participation au capital; les dotations de fonds pour l'acquisition de locaux et/ou déquipements nécessaires pour les besoins d'exploitation de bureaux de liaison, de représentations ou de succursales, ou les dotations de fonds nécessaires à la couverture des frais de fonctionnement de bureaux de liaison, de représentations ou de succursales. En outre, les sociétés ayant investi à létranger peuvent procéder, sans laccord de lOffice des changes, au réinvestissement du produit de cession ou de liquidation de leurs investissements à létranger. La libéralisation des opérations dinvestissement à létranger sinscrit dans le cadre des actions daccompagnement de lintégration des entreprises marocaines aux marchés internationaux. F.N.H. : Le Maroc peut-il se targuer de disposer aujourdhui dun cadre réglementaire et légal en phase avec les exigences douverture et de modernisation du Royaume ? M. B. : Comme je lai déjà indiqué, la convertibilité, telle que mise en place par le Maroc, ne se limite pas aux opérations courantes mais sétend à nombre dopérations en capital, dont tout récemment linvestissement à létranger, les crédits à lexportation accordés aux clients étrangers des entreprises marocaines, les placements en devises par les banques, les entreprises dassurance et de réassurance, les organismes de retraite et les OPCVM. Les opérateurs économiques ont également accès à une gamme plus diversifiée dinstruments de couverture contre le risque de change, leur permettant de sécuriser leurs flux financiers avec létranger ainsi que leurs marges. Ceci bien entendu à côté des autres instruments auxquels ils avaient déjà accès depuis 2004, leur offrant la possibilité de se couvrir, notamment contre les fluctuations des cours des produits de base importés ou exportés dans les domaines agricole, énergétique et minier ou contre les fluctuations des taux dintérêt de leurs emprunts à létranger. Le niveau de libéralisation de la réglementation des changes, actuellement atteint, est le niveau le plus adéquat pour notre économie. Dailleurs, nous nenregistrons pas de doléances particulières de la part des opérateurs économiques sécartant du cadre actuel, ce qui prouve que le cadre mis en place répond largement à leurs attentes. F.N.H. : Les opérateurs économiques se plaignent du flou régissant lapplication de certaines circulaires, notamment la circulaire 1719. Que pouvez-vous répondre à ces appréhensions ? M. B. : Suite à la publication de la Circulaire n° 1.719 du 1er août 2007 relative aux comptes en devises ou en dirhams convertibles au nom des exportateurs de biens et services, des opérateurs se sont demandé si les comptes en dirhams convertibles, ouverts en remplacement des anciens comptes convertibles de promotion des exportations (CCP.EX), peuvent être crédités de 20% du montant des cessions de devises effectuées avant lentrée en vigueur de la circulaire sus-visée. Une correspondance a été adressée, en date du 28 septembre 2007, au GPBM, informant les banques intermédiaires agréés quelles sont habilitées à créditer les comptes en dirhams convertibles (issus de la transformation des comptes CCP.EX), de 20% du montant des devises rapatriées et cédées sur le marché des changes au cours des 12 mois avant la publication de la Circulaire n° 1.719 et nayant pas été portées au crédit desdits comptes, sachant que linscription au crédit des comptes en dirhams convertibles doit intervenir au plus tard une année à compter de la date de ces cessions. La même correspondance précise que les inscriptions au crédit des comptes en devises ou en dirhams convertibles, ouverts au nom des exportateurs de biens et de services, peuvent être réalisées en totalité ou en partie, au choix de l'exportateur au moment qu'il jugera opportun, et ce dans le délai dune année à compter de la date de cession des devises sur le marché des changes. Cette action apporte une réponse appropriée à ce que vous avez appelé «appréhensions» des opérateurs. F.N.H. : Les opérateurs plaident pour une convertibilité totale du Dirham. Est-ce que, selon vous, le cadre macroéconomique y est propice ? M. B. : Daucuns avancent que le Maroc doit franchir le pas de la convertibilité totale, cest-à-dire lélimination de toutes les restrictions sur lexportation de capitaux par les résidents et labandon de lobligation de rapatriement des recettes dexportations de biens et services. En dautres termes, louverture totale aussi bien du compte courant que du compte capital. En matière douverture du compte capital, je dois préciser que nous adoptons une démarche prudente et progressive qui nadmet pas de retour en arrière car tenant compte de lévolution de la situation du cadre macroéconomique national et de la nécessité de préserver la stabilité de notre système financier. Bien entendu, si les indicateurs macroéconomiques continuent à saméliorer, le Maroc pourra renforcer davantage le processus de convertibilité du Dirham.