* Les circulaires publiées récemment par lOffice des changes permettent dévaluer jusquà quel degré le cadre légal et réglementaire est en phase avec un contexte de plus en plus libéral. * Les ingrédients pour une convertibilité du Dirham sont là, mais pas tous. Ceci laisse entendre que la convertibilité totale du Dirham nest pas pour sitôt. Le 18 juillet 2007, le ministère des Finances et de la Privatisation avait laissé entendre dans un communiqué que, prochainement le Maroc prendra des dispositions visant lassouplissement et la facilitation des transactions avec létranger. Chose promise, chose due. Le 1er août 2007, la réglementation des changes sest vue enrichir par de nouvelles circulaires toujours avec le même leitmotiv. Des circulaires qui, malgré leur importance, ont semé le doute chez certains opérateurs. En guise de rappel, depuis le début des années 80, le Maroc avait opté pour une libéralisation progressive qui a bénéficié à pratiquement toutes les transactions avec létranger et qui sest traduite, en janvier 1993, par une convertibilité du Dirham en ce qui concerne les opérations courantes, et ce conformément aux dispositions du FMI. Au terme de larticle 8 des statuts de cet organisme, les pays signataires sengagent à adopter au minimum une convertibilité des opérations courantes. Aujourdhui, après plusieurs années de réglementation plus ou moins restrictive, il faut avouer que les choses ont bougé dans le bon sens. Et nous navons pas trouvé de personne mieux placée que Mohamed Bougroum, Directeur général de lOffice des changes, pour commenter ces nouvelles dispositions (voir entretien). Des circulaires à multiples enjeux Par la circulaire n° 1718, lOffice des changes autorise les intermédiaires agréés à procéder au réglement dacomptes et au paiement par anticipation des importations de biens ou de services ou de prestations réalisées à létranger. En ce qui concerne le paiement par anticipation des importations, les importateurs avaient la possibilité de transférer par anticipation des règlements pouvant atteindre léquivalent en devises de 20.000 DH. Aujourdhui, la nouvelle circulaire porte le montant des règlements par anticipation à 200.000 DH. La circulaire 1719 a certes suscité des interrogations de la part des opérateurs qui se sont demandé si les comptes en dirhams convertibles de promotion des exportations pouvaient être crédités de 20% du montant des cessions de devises effectuées avant lentrée en vigueur de la présente circulaire. LOffice des changes a eu écho de ces interrogations ( voir entretien). Cette circulaire concerne lexportation de biens, de ventes de marchandises à destination de létranger ou des zones franches ou places financières offshore sises au Maroc et les exportations de services, les services rendus par les résidents au profit de non-résidents, au Maroc ou à létranger, liés au tourisme, au transport et de façon générale à toute activité de services générant des recettes en devises. Lintérêt de cette disposition pour les exportateurs est de sécuriser leurs transactions en leur évitant les risques de change puisquils peuvent disposer de leurs fonds auprès des banques marocaines et économiser les frais liés aux transactions avec létranger. La circulaire n°1720 est une mesure denvergure parce quelle permet de promouvoir davantage les investissements marocains à létranger. Elle autorise les banques à transférer, pour le compte des personnes morales résidentes, des fonds nécessaires à leurs financements à létranger à hauteur de 30 millions de dirhams. A noter que ces opérations étaient jusquà présent soumises à laccord préalable de lOffice des changes, au cas par cas, ce qui entravait quelque peu la libérté dentreprendre à cause dun alourdissement des procédures. Aussi, et en vue de sécuriser les transactions commerciales à destination ou en provenance de létranger entre résidents et non-résidents, lOC a enrichi la gamme des instruments de couverture contre le risque de change, et ce par le biais de la circulaire n°1723. Les banques sont par ailleurs tenues de transmettre les états de reporting retraçant lensemble des opérations à terme de swap à la Direction des opérations monétaires et des Changes (DOMC) de BAM, mensuellement au plus tard le 10 du mois suivant larrêté comptable mensuel. Bien que certains opérateurs qualifient dinsuffisantes de telles circulaires comparativement certes à certains pays partenaires, il faut avouer quelles sont dun grand apport pour un pays comme le nôtre qui prépare lentement mais sûrement sa convertibilité totale et dont le délai dépendra de conditions à la fois internes et externes difficilement maîtrisables a priori. Convertibilité du Dirham : un processus de longue haleine Nombreux sont les opérateurs qui aspirent à une convertibilité totale du Dirham. Ils préconisent ainsi lélimination de lensemble des restrictions sur lexportation de capitaux par les résidents et labandon de lobligation de rapatriement des recettes dexportations de biens et services. Face à cette situation, les autorités, en loccurrence lOffice des changes, préconisent la prudence. En effet et bien quil paraisse opportun pour un pays de basculer vers une convertibilité totale de sa monnaie, encore faut-il sassurer que les risques ou les dangers du nouveau statut ne dépassent pas les avantages. Selon le professeur M. Germouni , «les choix économiques libéraux du Maroc, sa relative diversification sectorielle et surtout les mouvements de biens et de personnes entre le pays et létranger, semblent encourager à sorienter vers une convertibilité du billet de banque». «Celle-ci pourrait permettre notamment daugmenter les exportations sans passer par des devises fortes tout en contribuant à lutter contre le marché parallèle, et ainsi récupérer une part importante des capitaux qui lalimentent». Néanmoins, il considère que le bon comportement du Dirham sur le marché parallèle, certes indicateur intéressant, ne saurait préjuger de la tendance à venir, ni que la même évolution va se poursuivre. Même son de cloche chez A. Jirari, Directeur général de la Banque Internationale de Tanger. «Les autorités réfléchissent en profondeur sur léventualité de la convertibilité totale du Dirham et tous les raisonnements sont faits avec beaucoup de sérieux et de professionnalisme. Je dirais même que lOffice des changes et les autorités en général agissent avec beaucoup de sagesse. Mais il faut dire que beaucoup de choses ont été déléguées aux banques. Je dirais même que presque lintégralité des opérations est déléguée aux banques», affirme t-il. «Les circulaires publiées récemment par lOffice des changes montrent que les choses évoluent positivement. Lorsque les responsables sentiront que les indicateurs sont prometteurs, que le marché est dur et que les mentalités sont là pour généraliser le passage à la convertibilité totale, ils vont certainement le faire», commente-t-il. En attendant de voir se réunir tous ces ingrédients, la sagesse recommande encore de patienter.