■ Retard des pluies depuis près de 45 jours et la météorologie nationale qui n'annonce pas de précipitations pour les jours à venir. ■ Le climat semi-aride du pays engendre toujours l'alternance des années de sécheresse avec les années humides. ■ Le Maroc risque de revoir à la baisse ses perspectives de croissance, avec un impact sur la facture alimentaire et le renchérissement de certains produits agricoles... Le Maroc risque de revoir à la baisse ses perspectives de croissance, et pour cause la pluie n'est pas au rendez-vous. Qui dit intempéries dit campagne agricole qui reste intimement liée aux conditions atmosphériques. Cela fait pratiquement plus d'un mois et demi que les précipitations font totalement défaut sur l'ensemble du territoire national, surtout dans une période très cruciale pour la céréaliculture, véritable baromètre de la saison agricole puisqu'elle s'adjuge 70% des superficies utiles. Un climat d'attentisme et d'inquiétude règne dans le monde rural. Le même souci est partagé par tous les Marocains, y compris les plus hautes autorités de l'Etat. Sur ordre du Souverain, des prières rogatoires ont été accomplies le vendredi 6 janvier. Les dernières organisées remontent à 2007 où la saison a cumulé les piètres récoltes de la décennie. En tout cas, les services de la météorologie nationale n'annoncent aucun changement au moins pour la semaine à venir. Au-delà, les choses deviendront compliquées et la saison risque d'être compromise. «Il y a des raisons sérieuses pour s'inquiéter. Déjà le démarrage de la campagne a été difficile puisque les pluies ont pris 20 jours de retard. Et aujourd'hui, le déficit pluviométrique est en train de se creuser. Dans tous les cas, on aura au plus une campagne moyenne et encore faut-il que les précipitations soient au rendez-vous dans les prochaines étapes», a souligné Ahmed Ouayach. Le président de la Confédération marocaine de l'agriculture (COMADER) a expliqué que «la situation diffère d'une région à l'autre. Le Gharb qui a été impacté l'année dernière par les inondations présente un état végétatif normal, contrairement à d‘autres régions où on frôle la catastrophe». Pour certains professionnels, «les cultures peuvent être sauvées dans le bour, favorable surtout aux exploitants qui ont procédé aux semis avant les dernières précipitations, c'est-à-dire au cours du mois de novembre». «Pour les agriculteurs qui ont labouré durant la première quinzaine de décembre, la situation est assez délicate du fait que les graines ne peuvent pas germer en l'absence de pluie et de la gelée qui complique davantage les choses», a expliqué Abderrahim Miftah, ingénieur agronome dans la région de Meknès. L'absence des pluies a dissuadé quelques fellahs de préparer leurs terres pour les cultures printanières. Malgré ces inquiétudes, l'espoir demeure. «On a assisté à un scénario similaire lors de la campagne 2002-2003 où les pluies avaient fait défaut pratiquement pendant deux mois. A l'époque, tout le monde parlait de saison compromise et de récoltes de moins de 20 millions de quintaux. Mais l'arrivée des précipitations par la suite et leur bonne répartition dans l'espace et dans le temps ont contredit tous les pronostics : la campagne s'est soldée par une récolte de 54 millions de quintaux», a confié un responsable d'une coopérative agricole dans la région de Settat. La situation actuelle vient nous rappeler que le Maroc est soumis à un climat semi-aride caractérisé par une alternance entre les saisons de sécheresse avec celles d'humidité. L'apport en eau a un effet immédiat sur les réserves des barrages qui ont diminué pour la première fois depuis trois ans en atteignant 11,15 milliards de m3 le 10 janvier 2012 soit un taux de remplissage de 70,7% contre 11,73 milliards de m3 durant la même période une année auparavant, soit un taux de remplissage de 74,5%. Pour un responsable au département de l'eau, «les réserves actuelles en eau sont importantes et assurent la visibilité en matière d'irrigation aussi bien pour cette saison que pour la prochaine; mais si la sécheresse s'accentue l'option de rationalisation des apports en eau pour l'irrigation n'est pas à écarter». L'autre impact défavorable engendré par l'absence des pluies est relatif à l'état maigre des parcours naturels. Ce qui a entraîné un renchérissement des prix de certains produits, notamment de l'aliment de bétail, qui ont connu une flambée entre 40 et 60% en quelques semaines seulement. Le prix de l'orge est passé de 2,5 DH le kilo en octobre à 4 DH le kilo actuellement, celui du maïs est autour de 3,5 à 4 DH pour un prix ne dépassant pas les 3 DH il y a deux mois. Le son a grimpé à 3 DH contre 2,20 après Aïd Al-Adha. La botte de bataille qui se négociait à 5 DH juste après les moisons, est vendue aujourd'hui au moins à 15 ou 16 DH. Interrogés sur ce sujet, tous les professionnels prédisent une augmentation des prix si les pluies tardent encore à venir. Cette situation a contraint certains éleveurs à se débarrasser d'une partie de leur cheptel et par conséquent une baisse des prix du bétail de parcours. «La flambée des prix de l'aliment de bétail rend l'exploitation difficile. Déjà en temps normal, les marges sont réduites. Actuellement, il est difficile de s'en sortir. Les tournées dans les souks hebdomadaires nous permettent de constater que les prix des bovins perdent 500 DH par tête et les ovins de 1.000 à 2.000 DH par tête», a affirmé un marchand de bétail à Had Soualem. Il est clair que le gouvernement Benkirane devrait faire face à une situation difficile cette année. Une mauvaise campagne devrait automatiquement induire un manque de valeur ajoutée et moins de création d'emplois surtout dans le milieu rural. Les importations céréalières devraient grimper et alourdir le déficit commercial et impacter les avoirs en devises. ■