* La récolte de la saison serait, dans le meilleur des cas, en deçà de la moyenne. * Le retour des pluies ne va permettre de récupérer qu'une partie des terres. * L'irrigué serait impacté par les mesures de rationnement d'eau. Cela fait plus d'un mois qu'un climat sec règne sur le territoire national. Les mois de décembre et janvier étaient connus pour leur niveau élevé d'humidité, et c'est la période qui détermine en gros l'issue de la campagne agricole. Or, la pluie n'a pas été au rendez-vous. Les services de la météo annoncent un déficit de plus de 50% par rapport à une année normale. A la Direction de la production végétale relevant du ministère de l'Agriculture, on explique que «ce n'est par le déficit hydrique qui a aggravé la situation, mais la mauvaise répartition de l'apport en eau dans l'espace et dans le temps qui en est responsable ». Mohand Laenser a repris ses fonctions aussitôt après son retour du pèlerinage. Devant le Conseil du gouvernement, il a exposé la situation. L'Etat n'a pas encore reconnu que la saison était compromise ; mais il prévoit des mesures d'intervention si la situation s'aggrave. Ces mesures ont trait notamment à la sauvegarde du cheptel par le transport et le soutien de l'aliment composé et le renforcement des cultures printanières. La possibilité de rééchelonnement des dettes des agriculteurs est à l'étude. Déjà à la mi-janvier, le ciel restait dégagé. Aucun signe de perturbations atmosphériques. Pour Mohamed Lfah, ingénieur agronome, « le retour des pluies ne va arranger que partiellement les choses, plusieurs champs étant déjà perdus. Les exploitants les ont transformés en parcours pour leur bétail ». Pour Ahmed Ouayach, président de la Confédération de l'agriculture marocaine, « chaque jour qui passe sans pluie aggrave davantage la situation. Dans le meilleur des cas, la récolte de la saison ne pourrait dépasser les 40 à 50 millions de quintaux ». Il a précisé toutefois que « cette vague de sécheresse touche presque tous les pays méditerranéens, y compris le sud de la France ». Ouayach a jugé que «les mesures envisagées par le gouvernement sont insuffisantes et l'expérience des autres années l'a prouvé. Il est temps d'entamer les réformes et d'établir une feuille de route pour le secteur qui prend en considération le climat semi-aride du pays. Il est question de se reconvertir vers les branches à forte valeur ajoutée comme l'arboriculture. Le Maroc a un avantage comparatif dans plusieurs cultures ; seulement, il fallait utiliser des techniques d'irrigation les plus économes d'eau avec un niveau de mécanisation soutenue ». Le président de la Comader a rappelé que « la sécheresse affecte la trésorerie des agriculteurs qui sont contraints pour subsister de vendre leur bétail à des prix réduits. Ils devraient ainsi passer à un nouveau cycle de surendettement ». « L'Etat, a-t-il souligné, doit initier une politique adéquate de rééchelonnement des dettes. La dernière opération qui a concerné 100.000 agriculteurs n'a pas été généralisée et plusieurs exploitants ont été exclus de cette initiative sans aucun motif évoqué ». ll a souligné par ailleurs que « le Crédit Agricole est une banque comme les autres. Il a des objectifs de résultats ; c'est au gouvernement d'annoncer la réduction ou le rééchelonnement de la dette des petits agriculteurs. Ouayach a averti que « si le gouvernement ne réagit pas, on sera obligé de réagir». Dans le même sens, Benbarek Fenniri, président de l'Association ovine et caprine (ANOC), a affirmé que « le secteur de l'élevage passe par une période très difficile. Les parcours naturels sont maigres et l'aliment de bétail a atteint des prix très inquiétants. Par ailleurs, le prix des ovins ou des caprins a chuté en l'espace de quelques semaines de plus de 60% et cette situation risque de s'aggraver davantage avec le manque de pluies ». Il a regretté que « les nuages de ces derniers jours avaient rendu espoir, mais les précipitations ont fait défaut. Le réchauffement du climat risque de faire empirer les choses. Même s'il pleut, les pâturages ont besoin de beaucoup de temps pour se régénérer. Dans les jours à venir, l'absence d'intempéries va se solder par une catastrophe. On risque de perdre une partie du cheptel. Chez les provendiers, les usines ont augmenté leur production ; mais ces producteurs d'aliment de bétail sont eux aussi confrontés à la hausse des intrants. «Les prix du maïs et du soja, qui sont les composants essentiels de l'aliment de bétail, ont connu une flambée sur le marché mondial. Les droits de douane en cours sont pénalisants. Sans oublier les autres facteurs de production qui ont connu à leur tour un renchérissement conséquent comme le prix de l'énergie. Pourtant, les provendiers maintiennent toujours leurs prix à un niveau abordable par les exploitants», a indiqué Youssef Alaoui, président de Cicalim et de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA). Alaoui a précisé toutefois que « la sécheresse ne va pas automatiquement faire augmenter la demande sur l'aliment composé, car la trésorerie des exploitants est déjà affectée. Ils préfèrent abandonner une partie de leur activité ou réduire le volume de leur production. Le prix du poulet départ ferme est vendu à 8,5 DH/kg, ce qui est en dessous du prix de production. On a demandé aux autorités de tutelle de baisser les droits de douane sur les matières premières pour constituer un stock adéquat. Mais nos doléances sont restées sans suite ».