Le changement climatique a des impacts multisectoriels, ce qui accentue les vulnérabilités des Etats. De ce fait, il constitue un facteur d'instabilité dont la portée ne peut cependant être appréciée qu'au regard des capacités locales d'adaptation. Le changement climatique est une problématique complexe à traiter pour les décideurs politiques. En effet, la multiplicité des enjeux contenus dans le changement climatique, implique des répercussions sur les décisions et les opérations, allant de la planification, à la stratégie de sortie aux différents niveaux correspondants. Le Groupe Intergouvernemental sur l'évaluation du climat (GIEC), ou IPCC (Intergovernmental Panel on Climat Change, en anglais) a pour mission depuis sa création en 1988, de fournir des informations claires et objectives sur les causes scientifiques du réchauffement climatique, de ses impacts, et sur les moyens à entreprendre pour réduire les émissions de gaz a effet de serre. Le GIEC a publié en 2007 les trois volumineux tomes de son quatrième rapport d'évaluation sur le changement climatique, fournissant aux décideurs politiques une matière rigoureuse et actualisée sur ce qui relève du changement climatique et de ses effets. Parmi les principales conclusions du 4ème rapport du GIEC (2007), les modifications du climat vont conduire très probablement (degré de confiance supérieur à 90 %) à l'accroissement du nombre de vagues de chaleur ou de froid selon les régions, et de précipitations très intenses pouvant engendrer des inondations catastrophiques. La plupart des gens, lorsqu'ils pensent au changement de climat, imaginent une augmentation progressive des températures et seuls des changements marginaux en ce qui concerne les autres conditions climatiques, continuant sans fin, voire même se stabilisant un jour quelconque dans le futur. La sagesse ordinaire veut que, soit la civilisation moderne s'adaptera, quelles que soient les conditions climatiques rencontrées et la mise en marche du changement climatique ne submergera pas la capacité d'adaptation de la société, soit nos efforts, tels que ceux figurés dans le protocole de Kyoto, seront suffisants pour atténuer les impacts. Le GIEC (2007) indique, documents à l'appui, que la menace d'un changement climatique progressif et ses impacts sur les réserves en nourriture et autres ressources importantes pour la population humaine, ne sera pas grave au point de représenter une menace pour la sécurité. Les optimistes affirment que les bénéfices tirés de l'innovation technologique seront capables de prendre le pas sur les effets négatifs du changement climatique. La théorie d'un changement climatique progressif dans le futur (GIEC, 2007) présuppose que l'agriculture va continuer à se développer et que les périodes de récoltes vont s'allonger. L'Europe du nord, la Russie et l'Amérique du Nord vont prospérer au niveau agricole tandis que l'Europe du sud, l'Afrique, l'Amérique Centrale et l'Amérique du Sud vont souffrir de sécheresses grandissantes, de la chaleur, de pénurie d'eau et d'une production diminuée. Dans l'ensemble, la production mondiale de nourriture augmente, selon de nombreux scenarii de climats spécifiques. Cette vision du changement climatique peut être une dangereuse attitude d'auto-tromperie, alors que nous sommes de plus en plus confrontés aux récits de catastrophes climatiques -plus d'ouragans, de moussons, d'inondations et de périodes de sécheresse- un peu partout dans le monde. Les événements liés au climat ont un impact énorme sur la société, car ils influent sur les réserves alimentaires, les conditions de vie dans les villes et les agglomérations, de même que sur l'accès à l'eau potable et à l'énergie. De nos jours, avec plus de 400 millions de personnes (2003) vivant dans des régions arides, subtropicales, souvent surpeuplées et économiquement pauvres, le changement de climat et les effets qui en découlent, représentent un risque sérieux pour la stabilité politique, économique et sociale. Dans les parties moins prospères du monde, où les pays manquent de ressources et de capacités requises pour s'adapter rapidement à des conditions de vie plus sévères, le problème s'en trouvera très probablement exacerbé. Pour certains pays, le changement de climat pourrait se transformer en une gageure telle, que le résultat en serait une émigration massive de gens désespérés à la recherche d'une vie meilleure, dans des endroits qui ont les moyens de s'adapter. Parce que les principaux scenarii du réchauffement global progressif pourraient entraîner des effets tels que ceux décrits ci-dessus, un nombre croissant de patrons, d'économistes, de décisionnaires et d'hommes politiques sont inquiets au sujet des perspectives du changement à venir et travaillent à limiter les effets de l'activité humaine sur le climat. Toutefois, il se peut que ces efforts s'avèrent insuffisants ou bien ne soient pas réalisés assez tôt. Puisque la prospérité économique est liée à l'utilisation de l'énergie et aux émissions de gaz à effet de serre, on impute souvent au progrès économique d'être à l'origine d'un changement du climat. Aujourd'hui, d'autres signes suggèrent que le changement de climat peut se produire indépendamment de l'activité humaine, comme l'attestent les événements climatiques survenus avant l'avènement de la société moderne (Schwartz et Randall, 2009). Il est important de comprendre les impacts humains sur l'environnement ; autant ce qui est susceptible d'accélérer que de ralentir, voire même d'inverser la tendance en matière de changement climatique. Les carburants alternatifs, le contrôle des émissions de gaz à effet de serre et les mesures de préservation sont des efforts qui valent la peine. De plus, l'humanité doit se préparer aux effets inévitables d'un «brusque changement du climat», qui surviendra probablement indépendamment de l'activité humaine. Au lieu de décennies ou même de siècles de réchauffement progressif, des indices récents témoignent de la possibilité qu'un scénario climatique plus dramatique peut en fait se dérouler. C'est la raison pour laquelle GBN (Global Business Network) travaille avec l'OSD (Office of the Secretary of the Defense) pour développer un scénario de brusque changement climatique vraisemblable qui puisse être utilisé pour étudier les répercussions de ce changement sur les réserves alimentaires, la santé et la maladie, le commerce et les échanges, ainsi que leurs conséquences pour la sécurité nationale. De récentes recherches suggèrent qu'il est possible que le réchauffement progressif entraîne un ralentissement abrupt de la circulation thermohaline océanique, ce qui pourrait entraîner des hivers beaucoup plus rudes, une réduction drastique de l'humidité au sol et l'apparition de vents plus violents dans certaines des régions qui fournissent actuellement une partie importante de la production mondiale de nourriture. Dans le cas d'une préparation inadéquate, le résultat pourrait être une baisse significative de la capacité de l'écosystème de la Terre à supporter la population humaine. Ces recherches indiquent qu'à partir du moment où la température dépasse un certain seuil, des conditions météorologiques défavorables pourraient brusquement se développer, entraînant des changements persistants dans la circulation atmosphérique, ce qui provoquerait dans certaines régions des baisses de température de l'ordre de 2,75°C à 5,5°C en l'espace d'une seule décennie. Des faits climatiques datant du Paléolithique apportent la preuve que les perturbations climatiques pourraient s'étaler sur un siècle, comme cela est déjà arrivé lorsque le courant océanique s'était effondré il y a 8200 années, ou, dans un cas extrême, pourrait durer jusqu'à mille ans, comme ce fut le cas durant l'ère du «Dryas Récent», qui a débuté il y a environ 12 700 ans. La théorie de «brusque changement du climat» développée par Peter Schwartz et Doug Randall, se base sur le réchauffement de la planète (augmentation des températures moyennes à la surface de la Terre), mais prévoit un Scénario de refroidissement de certaines régions du globe qui n'a pas été abordé par le GIEC. Cette nouvelle théorie, publiée dans le cadre d'un rapport commandé par le Ministère de la défense des Etats-Unis en Octobre 2003, est à la base de la construction d'une série de Scénarios de tensions et de conflits militaires futurs ayant des implications sur la Sécurité Nationale des Etats-Unis, mais également d'autres régions plus vulnérables à travers le Monde. La protection actuelle du climat a pour effet de renforcer les politiques de prévention en matière de sécurité. Cependant, un changement climatique effréné (canicule, sécheresse, inondation, Tsunamis,…) déstabilisera un grand nombre de sociétés incapables de s'adapter. Des conflits suscités par la concurrence pour l'eau, la nourriture et les terres, des flux de migration croissants et l'exacerbation des relations entre ceux qui sont à l'origine du changement climatique et ceux qui en sont les victimes menacent dorénavant la sécurité et la stabilité à l'échelle mondiale. La politique de sécurité classique se trouve aujourd'hui démunie face au risque sécuritaire international provoqué par un changement climatique effréné. Une politique climatique ambitieuse, axée sur la résolution des problèmes et orientée vers le développement constitue ainsi une politique de prévention de la sécurité qui est impérativement nécessaire. C'est une raison, parmi d'autres, pour laquelle les efforts de protection du climat ne doivent plus être considérés comme étant du seul ressort des décideurs politiques des secteurs de l'environnement et de l'énergie (Bauer, 2008). En effet, et pour preuves, il est important de souligner les analyses et les conclusions du constat dressé par le Conseil Consultatif sur le Changement Climatique du Gouvernement Fédéral Allemand (WBGU, voir encadré 1) dans son rapport principal présenté en juin 2007: «Welt im Wandel: Sicherheitsrisiko Klimawandel» à Berlin (Le changement climatique dans un monde en mutation: un risque pour la sécurité). Une politique résolument axée sur la protection du climat n'est ainsi pas une fin en soi, mais demeure une nécessité pour éviter que les projections dangereuses de conflits ne se multiplient dans les années et les décennies à venir. Au cas où les efforts de protection du climat déployés au plan international seraient voués à l'échec et qu'un réchauffement mondial moyen de 2° C ou plus ne pourrait être empêché, il faudrait craindre que des risques d'une ampleur inconnue à ce jour ne viennent compromettre la stabilité et la sécurité dans le monde. A ce titre, le WBGU a décrit les interactions complexes se produisant entre le changement climatique et son impact potentiellement déstabilisant sur les espaces naturels et les sociétés à la lumière de quatre constellations de conflits (Figure 1) qui doivent être replacées dans le contexte des efforts de protection du climat mis en œuvre à l'échelle internationale et d'un ordre politique mondial en pleine mutation. Il serait insensé de taxer ces risques pour la sécurité humaine et pour la stabilité, aussi bien régionale qu'internationale, d'alarmisme sur fond d'égocentrisme. Les interactions présentées dans le rapport entre les conditions climatiques, la production alimentaire, les disponibilités en eau douce, les catastrophes dues aux ouragans et aux inondations et la migration sont bien l'illustration de la façon dont le développement des êtres humains dépend des conditions de vie naturelles. Il faut en outre garder à l'esprit qu'un grand nombre de pays particulièrement touchés par le changement climatique souffrent dès aujourd'hui de structures publiques faibles et d'un manque de capacités d'action. Pour les couches de population pauvres plus particulièrement touchées par le changement climatique dans les régions rurales des pays en développement d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, le déclin de la production alimentaire sous l'effet de l'évolution du climat constitue, à côté de la dégradation des ressources en eau douce, un facteur de menace particulièrement préoccupant. Dans son rapport sur les changements climatiques et la sécurité internationale datant de mars 2008, le Secrétaire Général du Conseil de l'EU et Haut Représentant de l'EU pour la PESC a identifié sept menaces pour la sécurité internationale, en l'occurrence (Solana, 2008 ; Anonyme, 2008): 1. Conflit à propos des ressources, 2. Préjudices et risques pour les villes côtières et leurs infrastructures, 3. Pertes de territoires et litiges transfrontaliers, 4. Migrations dues à des facteurs environnementaux, 5. Situation de fragilité et radicalisation, 6. Tensions liées à l'approvisionnement énergétique, 7. Pressions sur la gouvernance internationale. Quelques exemples généraux des formes de conflits liées aux changements climatiques et susceptibles de se produire dans différentes régions du monde sont décrits dans plusieurs rapports et articles. Il importe de souligner que nombre de ces menaces peut surgir également dans un contexte national impliquant des régions du même Etat. Le rapprochement entre la sécurité des nations et l'environnement (Taithe, 2007) est né de la capacité croissante de l'homme à influer (exemple nucléaire) sur les écosystèmes et le climat. Dans le même temps, le concept de sécurité s'élargissait, pour prendre en compte des dimensions non-militaires, au risque de se diluer. La sécurité environnementale est le fruit de cette évolution, et recoupe deux familles de risques. Elle désigne en premier lieu la sécurité de l'environnement pour lui-même (atmosphère, espèces, écosystèmes...), et en second, l'influence de l'environnement sur la sécurité des individus, des Etats et du système international (Le Prestre, 1998). Le changement climatique et les dégradations de l'environnement, par leurs caractéristiques (imputation et responsabilité diffuses, phénomène global aux effets différenciés), induisent de nouvelles logiques de perception et d'intervention, peu familières aux visions traditionnelles de la puissance et de la sécurité (Allard, 2005). Ce constat exprime les limites des approches classiques en termes d'impact direct et indirect du changement climatique sur la sécurité globale défini par le PNUD par exemple. En effet, dans son rapport de 1994 sur le développement humain, le PNUD suggère que la sécurité globale devrait inclure sept différentes aires de menaces , à savoir : la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité environnementale, la sécurité personnelle, la sécurité des communautés et la sécurité politique (Figure 2). Une atteinte à la sécurité environnementale d'un pays pourra, par exemple, le conduire à coopérer avec son agresseur/pollueur (Thaite, 2007). Le Japon a ainsi choisi d'apporter une aide financière et technique (désulfurisation) à la Chine. Les centrales à charbon chinoises émettent en effet massivement du dioxyde d'azote, à l'origine des pluies acides sur la région qui s'accompagnent de graves incidences écologiques et humaines. Sur la base de ces nouvelles analyses, l'objet de cet article consiste à déterminer en quoi les conséquences du changement climatique peuvent être des facteurs d'instabilité pour les Etats, et comment les aborder dans le cadre d'une approche préventive et prédictive. Dans un souci de cohérence et de crédibilité des perspectives climatiques évoquées dans l'ensemble de cette contribution, seuls les évènements dont la vraisemblance est jugée supérieure à 66 % par le GIEC ont été retenus. Une première approche pour tenter de cerner les effets directs du changement climatique sur la sécurité des Etats consiste à confronter les transformations climatiques les plus probables aux composantes traditionnelles (Figure 2) de la définition d'un Etat, à savoir: territoire, population et gouvernement. Atteinte aux territoires des Etats Les atteintes aux territoires des Etats sont à priori les plus évidentes, puisque le tracé de leurs frontières est menacé, que ce soit par la montée des océans (échéance autour de 2080 selon GIEC) ou par l'accélération de l'érosion. La fonte progressive du manteau continental et la multiplication de fortes précipitations favoriseront en effet l'alluvionnement et donc l'érosion le long des rives fluviales et dans les deltas (le plus souvent mis en valeur pour l'agriculture). Le territoire de petits Etats insulaires risque même de disparaître entièrement, à l'image des Maldives. Que dire également quand plus d'un cinquième du territoire d'un Etat est menacé par la montée des eaux et les inondations, à l'instar du Bangladesh? De plus, les caractéristiques climatiques d'une Nation peuvent être bouleversées, influant sur la distribution des cultures, les écosystèmes ou encore les régimes hydrologiques. La désertification notamment, gagne par exemple de nombreuses Provinces du nord-est de la Chine, cinq fois plus rapidement en surface dans les années 1990 que dans les années 1950 (Nautilus Institute, 1999). Cependant, si le changement climatique favorise la désertification, sa part est difficile à dissocier d'autres actions humaines et de facteurs d'aridité, telles la déforestation ou la surexploitation des ressources en eau douce. Atteinte aux populations des Etats Les populations des Etats sont également affectées par le changement climatique. L'accroissement d'événements climatiques extrêmes, tels que les sécheresses ou les cyclones (probabilité supérieure à 66 %), menace l'habitat et les moyens de subsistance des individus. La santé des populations n'est cependant pas uniformément touchée. Certaines zones bénéficieront du réchauffement, tandis que d'autres, en Afrique par exemple, subiront une morbidité accrue (Malaria notamment). La fréquence supérieure des événements climatiques extrêmes sera la cause de morts, blessés et facilitera la prolifération d'épidémies, essentiellement dans les pays en voie de développement. Ces changements de conditions de vie favoriseront les déplacements des populations touchées, essentiellement dans le même Etat ou la même région. Aux facteurs climatiques s'ajouteront, entre autres, la pression démographique et la surexploitation des ressources naturelles. Atteinte aux moyens d'action des gouvernements Les moyens d'action des gouvernements seront restreints par le changement climatique, qu'ils soient militaires (submersion de la base américaine de Diego Garcia, détérioration des bases maritimes et aériennes de la côte Est des Etats-Unis), économique et sociaux. L'économie d'un pays sera d'autant plus affectée que la part du secteur primaire (agriculture) y est importante. Les coûts d'adaptation constitueront un frein au développement et concurrenceront d'autres sources croissantes de dépenses publiques (santé, infrastructures, etc.). Le changement climatique produira également des effets indirects sur la sécurité des Etats, provenant de la fragilisation des Pays en développement, dont les mesures d'adaptation sont bien évidemment variées et même imprévisibles. Bien que la gouvernance du climat de l'après-Kyoto soit encore a déterminer (négociations sur l'aide à apporter aux PED et les pays pauvres), il est probable que le coût des politiques de coopération croîtra, celles-ci s'organisant autour de projets d'adaptation et de diminution des émissions de gaz a effet de serre, d'aide et de prévention des catastrophes naturelles. De plus, les migrants internationaux transposeront dans d'autres Etats les conséquences du changement climatique sur leurs pays d'origine. Exemple d'Atteinte au territoire (perte de territoire) Les régions rurales de la côte du Nord-Est marocain sont de plus en plus vulnérables aux effets des changements climatiques, notamment l'élévation du niveau de la mer, les ondes de tempête, et les inondations littorales. La vulnérabilité du littoral marocain peut compromettre de nombreux projets touristiques et les habitations des villages côtiers. Pour certaines parties des côtes du nord-est du Maroc, en particulier au niveau des provinces de Nador et de Berkane, l'érosion gruge le rivage terrestre à raison d'un mètre par an (Khattabi, 2008). Le niveau de la mer est projeté s'élever dans la zone côtière de Berkane et Nador qui est très vulnérable -vu sa position en basses altitudes-aux impacts de cette élévation qui peut constituer une menace importante pour les personnes, l'infrastructure côtière et le patrimoine naturel. Les maisons qui étaient construites à 20 mètres de la Méditerranée sont aujourd'hui menacées par l'élévation du niveau de la mer; les dégâts causés par l'agitation des flots sont visibles sur la photo: des cages d'escalier délabrées mènent à des plages qui ont pratiquement disparu. Témoignage de l'élévation du niveau de la Méditerranée dans la région Berkane ( M. O'Neill, 2008) ; cette maison était située à 20 m de la plage, la plage séparait la maison de la mer. Exemple d'Atteinte aux populations: Crues et inondations historiques au Maroc Des crues historiques ont gravement marqué notre mémoire. Nous ne pouvons guère oublier celle qui a dévasté Sefrou le 25/9/1950 lorsque la ville a été inondée avec une lame d'eau de 6m de haut faisant une centaine de victimes et amenant Feu Sa Majesté Mohammed V à se rendre sur place pour marquer sa solidarité avec la population sinistrée ; ou celle qui a ravagé la Vallée du Ziz le 5/11/1965 laissant 25000 habitants sans abri et qui a permis à Feu Sa Majesté Hassan II, par à un discours émouvant, de déclencher un élan de solidarité sans précédent entre le peuple marocain tout entier et ses frères de Tafilalet et qui a, somme toute, accéléré la réalisation du Barrage Hassan Addakhil ; ou encore celle de la Moulouya survenue le 23 mai 1963 et qui était d'une telle violence qu'elle a emporté l'assise rive gauche du barrage Mohammed V (la crue avait un débit de pointe de 7200 m3/s et un volume de 570 millions de m3 soit l'équivalent de la capacité de la retenue). Peut-on oublier la désolation que laissaient derrière elles les violentes crues du Sebou et qui mettaient à l'épreuve le Gharb une année sur deux, ou peut-on ignorer le désarroi d'une population qui regarde impuissante le Sebou sortir de son lit tous les deux ans? Le phénomène des inondations a ainsi commencé à être ressenti plus fortement durant les deux dernières décennies en raison, d'une part, de la croissance démographique, de l'essor économique et du développement urbain, agricole, industriel et touristique qui entraînent une occupation croissante des zones vulnérables et, d'autre part, de l'aggravation des phénomènes extrêmes (sécheresse et crues) suite aux changements climatiques engendrant de forts orages localisés à l'origine de crues rapides et violentes. La mémoire collective retiendra à jamais les événements catastrophiques de l'Ourika en 1995, d'El Hajeb en 1997, de Settat et Mohammedia en 2002 et de Tan Tan, Nador, Al Hoceima et Khénifra en 2003. Il ne s'agit hélas pas de cas isolés, d'autres zones ont été répertoriées comme fortement exposées au risque des inondations. Sa Majesté le Roi Mohammed VI, sensible à la souffrance des populations touchées par les manifestations imprévisibles du climat (inondations et sécheresses) a tenu à manifester sa solidarité avec son peuple en se déplaçant au plus près des sinistrés comme Il l'a fait suite aux inondations, en novembre 2002, de la région Centre pour s'enquérir de plus près des dégâts occasionnés et exprimer sa solidarité aux populations. Exemple d'Atteinte aux moyens d'action du gouvernement: cas de la sécheresse L'histoire du Maroc rappelle la période 1776-1782 pendant la quelle le pays a été affecté par une terrible sécheresse, génératrice de famine. Entre 1797 et 1800, une épidémie de peste très meurtrière succèda à la sécheresse et la conjonction de ces deux calamités affaiblit terriblement le pays, qui perdit peut-être alors la moitié de sa population. Ce paragraphe de l'histoire rappelle que la sécheresse peut engendrer des menaces susceptibles de déséquilibre de la nation entière, surtout lorsqu'elle est accompagnée de famine et d'épidémies. La moitié de la population a été décimée et la décadence économique a été inévitable. Impact de la sécheresse de 1998-2000 L'exemple de la sécheresse de 1998-2000 a eu également des effets extrêmement négatifs sur le secteur agricole et toute l'économie nationale. La gravité de ces effets a dépendu de l'ampleur de la sécheresse et de sa durée, de la nature et de l'importance respective des systèmes d'exploitation, ainsi que du degré de préparation et de la capacité d'adaptation des communautés touchées. En analysant à long terme les périodes de sécheresse entre 1940 et 1995, le Maroc a recensé six vagues de sécheresse entre 1980 et 1995. Celle de 1998-2000 a affecté environ 1 million d'hectares de terres à culture et entraîné l'importation de quelque 5 millions de tonnes de blé en 2001, pour un coût dépassant 500 millions de dollars (FAO, 2006). En Mauritanie également, les deux années de sécheresse consécutives de 1996 et 1997 ont causé la sous-alimentation de milliers d'enfants, nécessitant la mise en place de centres d'alimentation thérapeutique et de banques de céréales afin de constituer des réserves. L'insuffisance des précipitations a entraîné de mauvaises récoltes, affectant également les pâturages et conduisant à une hausse des prix des produits alimentaires et des aliments du bétail. On relève, parmi les conséquences négatives de la sécheresse, le recul de la productivité agricole, la détérioration des ressources naturelles, la dégradation de l'environnement et des difficultés humaines et socioéconomiques. Le «risque majeur» réside dans la survenance possible d'un événement d'origine naturelle (ou anthropique) pouvant mettre en jeu un grand nombre de personnes, occasionner des dommages importants et dépasser les capacités de réaction immédiate du gouvernement et de la société. Cette définition empruntée au «Dossier Départemental des Risques Majeures» de Paris datant de janvier 2009, résume convenablement la charge sémantique qu'englobe la gestion des risques dus au changement climatique. Il s'agit de la confrontation d'un aléa avec des enjeux en cause. Ce risque majeur reste caractérisé par sa fréquence (faible ou récurrente) et sa gravité, qui peut malgré tout être énorme pour des évènements peu fréquents. Les risques majeurs auxquels peut faire face toute nation peuvent être classés en trois grandes catégories, à savoir : les risques naturels, les risques sanitaires, et les risques technologiques ; ces deux derniers types de risques n'étant pas abordés dans notre analyse. Les risques naturels comprennent les risques dus à des paramètres météorologiques extrêmes, aux inondations (crues ou effondrement de barrage), ainsi que les mouvements (séisme, volcanisme) ou glissements de terrains. Seuls seront traités ici les inondations et les risques météorologiques particulièrement liés au changement climatique. Le risque météorologique Les risques des phénomènes météorologiques se produisent à des intensités et/ou des durées exceptionnelles dans un endroit donné, et peuvent mettre en difficulté l'Homme et son environnement quotidien. Dans ce type de menace, on recense généralement: les tempêtes, les orages et phénomènes associés, les chutes de neige et de verglas, les fortes pluies, les périodes de températures extrêmes (vague de froid ou de chaleur). Les conséquences sont généralement indirectes. Il peut s'agir d'effondrement des réseaux électriques ou de télécommunications, de dégâts matériels sur les infrastructures (risques d'incidents ferroviaires: gels de caténaires, rupture de rails…), de chutes d'arbres, d'interruption des réseaux de fourniture d'énergie et de communication ou encore d'apparition de nombreuses difficultés de circulation sur les routes... Le risque inondation L'inondation est une submersion plus ou moins rapide d'un terrain, en général suite à l'augmentation du débit d'un cours d'eau provoquée par des pluies importantes et durables, ou suite à l'effondrement d'un ouvrage hydraulique de taille importante. Les conséquences prévisibles en cas d'inondation majeure, concernent en premier lieu le nombre de victimes humaines, auquel s'ajoutent les conséquences associées pour les zones urbaines et rurales (sécurité individuelle, présence d'eau dans les rues, coupures électriques, perturbations dans les transports, inondation des bâtiments agricoles, les champs de culture, la mortalité de cheptel, les dégâts aux infrastructures routières ferroviaires, réseaux de fournitures d'énergie électrique, réseaux de distribution d'eau potable, d'évacuation des rejets liquides, réseaux de communication, etc.). Le drame de la ville de Mohammedia (2002) illustre malheureusement l'ampleur des dommages que peut générer l'interaction complexe de risques naturels et de risques technologiques de type industriel (Il n'est pas à priori évident qu'une inondation (eau) puisse être à l'origine d'un incendie). Le manque de prise en charge et de gestion prévisionnelle de ce type de menace ne permet pas d'éviter ou d'atténuer les effets et dommages de telles catastrophes. Exemples d'impacts du risque météorologique et du risque inondation a- Effet de vague de froid sur la santé publique: le cas d'Anfgou au Moyen Atlas (2007) Toute le monde se rappellera du drame d'origine climatique ayant frappé une frange de la population du petit village d'Anfgou au courant de l'hiver 2007. Le petit douar d'Anfgou, situé à 1600 mètres d'altitude dans la province de Khénifra au milieu des montagnes du Haut Atlas oriental, a été soumis pendant près de deux mois à une vague exceptionnelle de froid ayant atteint le record de -16° C. Le bilan de mortalité en raison des basses températures fut lourd. La vague inhabituelle de froid a fait 27 victimes dont 25 enfants dont l'âge varie entre 3 et 14 mois, et deux mères de 16 et 17 ans (chiffres arrêtés le lundi 8 janvier 2007). Les symptômes de cette grippe aiguë, qui a touché essentiellement les enfants en bas âge, étaient les mêmes pour toutes les victimes: fièvre, toux, vomissements, diarrhées, etc. Cette situation fut dramatique en raison de l'absence de dispensaire et de médicaments en temps opportun. Il est important de souligner qu'un précédent évènement climatique de même nature s'était produit en 1980, à la suite d'une brusque chute des températures en hiver dans les régions montagneuses du Haut et du Moyen Atlas ; quelques 80 personnes avaient trouvé la mort également. b- Risque inondation: Dégâts engendrés par la crue du 10 octobre 2008 dans le Haut Sebou Le bassin du Haut Sebou, qui était la scène de phénomène hydrologique exceptionnel a enregistré la plus grosse crue de son histoire, soit 2600 m3/s. L'onde de crue a atteint des hauteurs exceptionnelles de 7 à 12 m le long de l'oued Sebou. La crue est proche de la crue décamillénalle adoptée comme crue du projet, soit 3000 m3/s. Le volume drainé par cette crue a été de 57 Mm3 soit 90% de la capacité de stockage du barrage Allal Al Fassi. Plusieurs zones situées le long de l'oued Sebou et ses principaux affluents comme Maasser et Mdez ont été submergées au passage de la crue. La province de Sefrou a été la plus touchée. Les dégâts suivants y ont été enregistrés : * Démolition du pont Mdez situé sur la route reliant Sefrou à Adrej. * Coupure de la route Fès-El Menzel au niveau du pont Azzaba sur Sebou. Le niveau de l'eau a dépassé de 2 m le niveau du tablier. * Inondation de la station hydrologique Mdez sur oued Sebou. L'observateur a été évacué vers l'hôpital. * Inondation de la station hydrologique Ain Timedrine sur oued Sebou. * Coupure de la route Fès-Taza. Au niveau de la province de Boulemane, la crue de l'oued Maasser d'un débit de 1000 m3/s a emporté une micro centrale hydroélectrique ONE. Au niveau de la ville de Fès, la station de pompage de l'ONEP sur l'oued Sebou a été submergée. L'approvisionnement de la ville de Fès à partir de cette station a été interrompu. Les ouljas situées dans la vallée du Sebou en aval de la ville de Fès ont été totalement submergées. Plusieurs productions agricoles ont été endommagées.