Six mois après l'entrée en vigueur de la réforme de flexibilité du Dirham, le marché interbancaire des devises a pris ses marques et d'auto-suffit. Si les analystes sont unanimes que le bilan pour l'instant est positif, il n'en demeure pas moins qu'il est encore tôt de juger étant donné que la réforme profite d'une conjoncture favorable. Lors du dernier Conseil de Bank Al Maghrib (BAM), le Wali, Abdelatif Jouahri, s'est félicité que la Banque centrale n'a plus reçu de demande d'achat de devises depuis le 20 mars dernier. Faut-il en conclure que le marché interbancaire des devises s'est mis en place rapidement et qu'auto-gère ? Il faut signaler que toutes les banques étaient préparées pour ce changement du régime de change, avant l'entrée en vigueur de la réforme. La première phase de cette réforme a consisté à élargir les bandes et s'est plutôt bien déroulée dans la mesure où le Dirham a continué à évoluer dans l'ancienne fourchette. « Cette fourchette est passée de plus au moins 0,3 % à plus ou moins 2,5 %. Et le dirham s'est même apprécié en quelques périodes comme ce fût le cas début juillet, où il se situait à 0,1 en dessous du milieu de la fourchette », analyse un directeur de marché auprès d'une banque de la place. Donc les craintes d'une pression sur le dirham qui se solderait par sa dépréciation se sont vite dissipées. « C'est même le contraire qui s'est passé, le Dirham est à son meilleur niveau d'appréciation depuis le début de la réforme. Cela a permis une continuité par rapport à l'ancienne cotation, ce qui a rassuré les banques et les opérateurs économiques mais également les investisseurs étrangers qui se posaient beaucoup de questions », précise notre source. Faut-il rappeler que cette réforme a été accompagnée par un certain nombre de mesures, dont la mise en place d'un système d'adjudication sur le change où la Banque centrale était présente au quotidien pour servir d'éventuels besoins. Il y a eu également la mise en place d'un marché interbancaire qui permet d'échanger les devises entre les banques avec des règles bien précises. C'est ce qui permet de déterminer la juste valeur du Dirham, en tenant compte à la fois, du marché international, notamment l'évolution de l'Euro/Dollar et des conditions locales de liquidité, c'est-à-dire la disponibilité de devises chez les banques. « Avec la mise en place de ce marché interbancaire des devises, les banques sont obligées de s'échanger des devises entre elles avec des règles bien précises et avec des fourchettes très réduites pour déterminer la juste valeur du Dirham et c'est très important. Parce qu'auparavant, les banques traitaient chacune avec ses clients et si elle était sollicitée par une autre banque, elle pouvait choisir de ne pas la coter. Or, avec cette réforme, nous sommes obligés de donner des prix fermes entre nous. Par conséquent les cours de référence publiés par la Banque centrale, ne sont plus fixés par elle mais bien par le marché interbancaire lui-même », note ce spécialiste. Autant dire que le premier bilan des premiers six mois de cette première phase de réforme est positif surtout qu'il n'y a pas eu de risque sur le Dirham. Des réunions mensuelles Depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime, le comité de pilotage, composé des directeurs des salles de marché au niveau des banques et de la Banque centrale, se réunit chaque mois pour suivre l'évolution de la réforme, anticiper sur les besoins du marché en termes de devises et voir s'il y a des points à améliorer. Quant au marché des adjudications, notre source rappelle que « BAM a augmenté progressivement le montant qu'elle offre lors des séances des adjudications, qui est passé de 20 à 100 millions de dollars par jour. L'offre de BAM a atteint deux milliards de dollars par mois. Mais les banques n'ont eu recours à cette liquidité qu'à hauteur de 5% des montants offerts par la banque centrale durant les six premiers mois ». La conclusion qu'il faut en tirer est que le marché s'auto-suffit effectivement pour répondre aux besoins de la clientèle. Cela dit, il faut nuancer cela car il est trop pour tirer des conclusions, précisent les professionnels. Et pour cause, le marché n'a pas encore observé d'autres conditions économiques moins favorables, comme une flambée du cours du baril ou une période de sécheresse où le Maroc serait amené à importer plus de blé, etc. Dans des conditions pareilles il y a une plus forte demande en devises. Six mois donc sont insuffisants pour juger cette réforme. « On peut imaginer que le Dirham s'apprécie, les banques veulent vendre de la devise et BAM peut faire l'opération inverse en demandant de racheter les devises auprès des banques. Mais elle ne le fait pas parce que nous sommes toujours en période d'observation », commente notre source. Quant à la bande de fluctuation actuelle, elle n'est qu'une première étape qui permet certes d'avoir plus de marge de manœuvre pour la détermination de la valeur du Dirham par rapport au marché, par l'offre et la demande, mais cela reste insuffisant pour absorber des chocs éventuels exogènes. « Une bande de 5% reste limitée par rapport à d'autres pays qui ont décidé de franchir le pas vers un régime plus flottant. Mais je pense que la Banque centrale prendra le temps de bien analyser le développement de cette première phase de réforme avant de décider des prochaines étapes », souligne ce directeur de la salle des marchés. A noter que si la volatilité est restée relativement faible à l'intérieur de la bande actuelle, c'est parce qu'il faut garder à l'esprit que la convertibilité du DH n'est pas totalement libre puisque le Dirham reste ancré à un panier Euro/Dollar. « Il faudra certainement s'attendre à plus de volatilité lorsqu'on adoptera un régime plus flottant. Le jour où il n'y aura plus de panier ou une convertibilité plus libre, là il faut s'attendre à plus de volatilité », soutient-il. Force est de constater également que les mois de juin et juillet, marqués chaque année par les remontée de dividendes vers les multinationales, donc des transferts étrangers qui exercent une pression sur la devise, bizarrement cette année, le marché s'est bien comporté, le Dirham ne s'est même pas déprécié. Et avec le mois d'août avec l'arrivée des MRE, cela constitue une manne importante en devises pour que le marché profite encore de cette bonne conjoncture. LIRE EGALEMENT BAM : LE TAUX DIRECTEUR MAINTENU À 2,25%