Le secteur du tourisme au Maroc va boucler trois mois d'arrêt d'activité et depuis les propositions de la Confédération nationale du tourisme et à l'exception du scénario de relance économique proposé par la CGEM au CVE, le secteur continuer de naviguer à vue. Avant la relance, il faudrait un plan d'urgence pour sauver l'offre Maroc. En perte de vitesse depuis quelques années faute de compétitivité, de diversification de l'offre touristique et en l'absence d'une véritable vision, le secteur du tourisme marocain aurait reçu le coup de massue avec cette pandémie. Comme en témoignent les dernières données relatives au secteur communiquées par les autorités publiques : baisse de 15 % des recettes touristiques pour les quatre premiers mois de 2020 et de 61% rien que pour le mois d'avril. L'enquête menée par la CGEM auprès des entreprises révèle pour sa part une baisse de 71,41 % du CA et de 78,18 % des emplois. Pour un secteur qui pèse pour environ 11.000 entreprises et compte près de 122.000 emplois, les conditions d'une reprise sont loin d'être réunies. Bientôt deux mois depuis que la filière est à l'arrêt en raison de l'état d'urgence sanitaire et de la suspension des liaisons aériennes, les professionnels de l'écosystème devront patienter quelques semaines encore puisqu'à en croire les annonces faites par le ministère des Finances devant la première chambre. Le plan de relance global devant prendre en considération les spécificités de chaque secteur. Le projet de relance proposé par la CGEM au CVE repose sur 508 mesures formulées par 25 fédérations dont la confédération nationale du tourisme. Parmi les mesures proposées pour sauver le secteur et le préparer à la relance, l'on peut citer l'autorisation d'un versement décalé à la fin de l'année (délais à proroger le cas échéant) des taxes de séjour et de promotion touristique du premier trimestre dont le paiement arrive à échéance à fin avril ou encore l'accélération du remboursement des crédits de TVA lié à l'investissement. Les professionnels d'un tout autre avis Selon un professionnel, l'offre Maroc repose sur tout un écosystème dont des maillons faibles n'ont pu profiter d'aucune aide parmi la batterie de mesures dictées par le CVE en raison des conditions d'éligibilité qui seraient à revoir. « Le cas le plus basique est celui par exemple de la location de voitures de tourisme qui compte 3.000 entreprises pour 12.000 emplois. Cette activité n'est pas concernée par l'arrêt temporaire pour des raisons sanitaires, mais ses entreprises sont menacées d'asphyxie financière et leurs salariés ne peuvent prétendre à l'indemnité financière. Pour les entreprises les quelques mesures comme le report des cotisations sociales ne sont pas suffisantes pour sauvegarder la pérennité des emplois et des activités. La mise à mal d'un des maillons de la chaine de production menace l'offre Maroc dans son ensemble. Maintenant qu'on nous parle d'un plan, excusez-nous mais les acteurs ont un terrible passif avec les plans et les visions. On verra bien ». Les professionnels sont d'ailleurs unanimes que plus qu'un plan de relance, il faut impérativement des mesures d'urgence pour sauver l'écosystème de la faillite et trouver « quoi » relancer. « Les autorités peuvent s'inspirer des propositions de la CNT, de la CGEM et même d'autres pays comme l'Italie qui était le genou à terre à cause de la pandémie et qui pourtant a mis le secteur touristique à la tête de ses priorités de relance. Ce secteur est d'autant plus vital que d'autres du fait qu'il est un grand employeur, permet des reconversions rapides et recrute des profils aussi différents que diversifiés notamment les jeunes, principale population souffrant de chômage. Le secteur est également l'un des principaux pourvoyeurs en devises, surtout maintenant que les métiers mondiaux du Maroc sont en stand by ». Et un secteur qui en plus des facteurs endogènes, devra faire face aux facteurs exogènes comme la fermeture de frontières ou encore la féroce compétitivité qui s'annonce entre différentes destinations post-Covid-19. La méthodologie pointée du doigt Pour ce professionnel de l'hôtellerie, la démarche entreprise au début de cette crise sanitaire a quelque peu inquiété les acteurs notamment de taille petite et moyenne de se voir écartés des discussions en cours pour sortir le secteur d'une paralysie sans précédent. « Le silence de la tutelle au début de la pandémie a sapé le moral des professionnels qui avaient besoin que le canal de communication soit ouvert en permanence avec la ministre. En effet, le choix que toutes les décisions soient opérées à travers le CVE, où siège la CGEM comme porte-parole des différents secteurs économiques, n'exempte pas la tutelle de son rôle vis-à-vis des opérateurs. Particulièrement communiquer les données et informations pour aider à la prise de décision réfléchie et documentée dans un contexte délicat». S'il salue le projet de loi 30-20, proposant des dispositions spéciales pour les contrats de voyage, il estime que le secteur a besoin de bien plus. Le marché domestique, éternelle roue de secours ? Avec les effets en cascade du Covid-19 sur le pouvoir d'achat national, il est opportun de se demander qui pensera partir en vacances, d'autant que le risque sanitaire persiste encore. Le ministre des Finances a mesuré les effets liés au Covid-19 à un 1 Md de DH par jour et entre 5 et 7 point de PIB perdus en deux mois de confinement. Pour motiver les touristes nationaux, la CNT a proposé une palette d'initiatives qui vont de la multiplication des liaisons aériennes internes à la mise en place des offres packagées... Sans vouloir être défaitiste, notre professionnel souligne que ce que le secteur n'a pas réussi des décennies durant, est difficilement réalisable particulièrement sous la contrainte de la crise sanitaire et l'état d'urgence. « Provoquer une disruption dans la contrainte est-ce réaliste ? Le touriste national a depuis longtemps été « déclassé » par les opérateurs touristiques nationaux, alors que la diversification des marchés et des offres est un b.a.-ba. La preuve par cette crise qu'il ne faut pas mettre tous ses œufs dans un seul panier », regrette notre source. « Dans l'immédiat, nous gardons l'espoir de voir la crise sanitaire contenue au Maroc pour oser espérer un semblant de reprise d'activité au mois d'août assortie du label sanitaire et des mesures de sécurité. Mais le tourisme est un cycle long et c'est pour cela que les mesures de soutien et de relance doivent s'étaler au moins jusqu'à 2021, en attendant la reprise du marché mondial », explique notre source. Autant dire que le secteur affrontera des jours encore plus difficiles si des mesures urgentes ne sont pas prises dans l'immédiat, pour sauver l'industrie touristique.