Notre pays a fait preuve de capacités exemplaires de mobilisation de ses forces vives et de mise en place précoce de mesures d'anticipation, combinant de manière volontariste, audacieuse et innovante ses atouts humains, financiers, technologiques et industriels, avec une chaîne de solidarité exceptionnelle pour la lutte contre le nouveau coronavirus. Plus qu'une crise sanitaire, le caractère inédit et brutal de la pandémie du Covid-19 génère au niveau mondial une incertitude globale sur le marché du travail en termes de perte d'emplois et de revenus et de recrudescence du chômage, avec une remise en question des dérives de la globalisation. * Collectivités territoriales : quelle contribution à la relance de la vie sociale et économique ? Continuité des services de proximité, reprise des transports collectifs, gestion des espaces publics, ouverture des activités économiques et de loisirs, perturbation des finances publiques nationales et locales, relance des systèmes de production sont autant d'enjeux majeurs qui font partie intégrante du « casse-tête » infiniment complexe de sortie du confinement pour la relance progressive de la dynamique économique et sociale post-Covid-19, notamment sous la supervision des ministères de l'Intérieur et de la Santé. La réussite de la stratégie de l'Etat pour le retour à la normalité est tributaire de la mise en place d'un dispositif concerté avec les collectivités territoriales, intelligemment territorialisé et conjuguant flexibilité, pragmatisme, progressivité et adaptabilité aux spécificités locales. Ainsi, une approche différenciée du déconfinement doit prévaloir au vu d'indicateurs sanitaires et sociaux transparents, en prenant appui sur une organisation, au plus près des territoires, de la reprise de la vie économique et sociale, celle-ci doit désormais cohabiter intelligemment avec le virus jusqu'à l'atteinte de « l'immunité collective ». A ce titre, les collectivités territoriales doivent coordonner leurs efforts avec les autorités sanitaires et les autorités locales quant au respect des directives nationales en la matière, lesquelles doivent tenir compte de l'évolution des paramètres de propagation du virus au niveau territorial et prévoir des actions de nettoyage des locaux et de mise à disposition gratuite des produits de désinfection au niveau des lieux publics et de l'ensemble des établissements communautaires dédiés aux services de proximité. Chaque territoire devrait dès à présent disposer d'un plan de sortie aussi bien en ce qui concerne l'ouverture des espaces publics, les activités de commerce de proximité que la régulation des flux de déplacements urbains pour canaliser la déferlante prévisible des utilisateurs des transports en commun. D'autant plus que le principal enjeu pour les transports de masse pendant la période de déconfinement résidera justement dans le strict respect des mesures de distanciation sociale et du port systématique de masques dans des espaces normalement surchargés, en évitant l'engorgement au niveau des stations et ce, concomitamment avec le déploiement d'efforts de nettoyage permanents du matériel roulant, des mobiliers urbains, des stations et gares de voyageurs, etc. Le port obligatoire du masque pour tous et partout, précocement décrété par les pouvoirs publics, doit être particulièrement observé et contrôlé par les forces de l'ordre, en particulier comme condition nécessaire pour l'accès aux moyens capacitaires de transport en commun tant urbains (bus, tramway...) qu'inter-villes (autocars, trains...). Une corrélation pertinente entre l'augmentation des flottes/fréquences de transport et la diminution du nombre de passagers par équipement pour éviter leur entassement sera nécessaire aux fins de garantir le respect rigoureux des gestes barrières et minimiser le risque de résurgence de nouvelles vagues de propagation du virus particulièrement au niveau des zones denses les plus impactées par le virus. * Rompre avec les dogmes du « business as usual » Il est à craindre que cette crise ne serve pas à tirer des leçons quant aux dommages causés par nos systèmes de mobilité sur la pollution atmosphérique liée aux particules fines et ses conséquences sur l'augmentation des effets néfastes du changement climatique et la vulnérabilité sanitaire des citoyens particulièrement au niveau des grandes agglomérations. Des approches innovantes bas-carbone « Air – Climat – Energie » sont à privilégier à travers notamment la mise en œuvre de modes de production et de consommation plus économes en énergie, moins dépendants des produits pétroliers et plus résilients face au dérèglement climatique, en donnant la priorité aux investissements en infrastructures vertes, orientés vers l'atteinte d'objectifs d'amélioration de la qualité de l'air, d'efficacité énergétique et de résilience aux risques sanitaires, alimentaires, climatiques et d'injustices territoriales et sociales. Force est de constater que la brutalité de la crise du Covid-19 a mis à rude épreuve la fragilité, au niveau planétaire, des modèles de sociétés face aux incertitudes et aux « signaux faibles », venant nous rappeler aujourd'hui encore l'obsolescence des idéologies ultralibérales ainsi que le rôle essentiel des services publics et de leur accessibilité, en particulier la santé et l'éducation qui ne peuvent désormais s'accommoder d'une logique purement marchande. Alors que le Maroc conçoit son nouveau modèle de développement, il est crucial de lever les nombreux dysfonctionnements dont souffre la vie politique du pays, notamment à travers la réforme en profondeur de la gouvernance et du fonctionnement des appareils politiques, la pratique réelle d'une véritable démocratie représentative et du dialogue multi-acteurs à même d'obtenir l'adhésion des citoyens aux choix de politiques publiques et de restaurer leur confiance dans les institutions et les services publics. L'ampleur et la simultanéité de ces défis sociétaux rendent nécessaire un engagement collectif fort et coordonné, avec un sens élevé de la responsabilité et des urgences sociétales, et suggèrent d'exploiter pleinement le pouvoir de l'intelligence collective et le potentiel de collaboration en bonne intelligence entre le gouvernement, les territoires, le secteur privé et la société civile, en consacrant la reconstruction post-Covid-19 comme un avantage inespéré pour l'accélération des grandes transitions territoriale, démocratique, écologique, numérique, solidaire, etc. La réponse à ces défis doit inspirer l'ensemble des forces vives du pays pour opérer un changement de paradigme drastique et saisir l'opportunité historique de l'après Covid-19 pour réinventer de nouvelles politiques publiques centrées sur l'humain, en promouvant l'innovation sous toutes ses formes (technologique, sociale, publique, territoriale, organisationnelle...) et en privilégiant une offre éducative, sanitaire, environnementale et culturelle orientée vers l'épanouissement des individus et respectueuse des équilibres sociaux et de la préservation de nos ressources naturelles. Par Mohammed BENAHMED, Président de l'Alliance Maroc Innovation et Emergence, Expert international en développement territorial durable