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Aziz Akhannouch : «Face à la crise, il faut soutenir la demande, maintenir l'offre et s'éloigner de l'austérité»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 13 - 04 - 2020

Fidèle à sa démarche participative, le Rassemblement National des Indépendants avait lancé il y a quelques jours une plateforme électronique pour recueillir les propositions des citoyens sur l'après-crise du coronavirus. Dans cette tribune, le président du parti, Aziz Akhannouch montre la voie en expliquant la démarche suivie et les retombées escomptées.
La pandémie du Covid-19 a dérégulé le monde. Même les économies les plus grandes qu'on croyait insubmersibles, puissantes, ont été mises à mal, bousculées, terrassées.
C'est la première fois que les gouvernants et les décideurs à travers le monde ont délibérément choisi d'aller vers la crise pour protéger les vies humaines.
Grâce à la vision clairvoyante de SM le Roi, le Maroc a agi vite et avec beaucoup de détermination. Les bonnes décisions et les plus judicieuses ont été prises au bon moment.
Notre Souverain a, comme à son habitude, été d'abord un grand chef d'Etat, épris d'humanisme, en donnant d'abord et avant tout la priorité à la protection des vies des Marocaines et des Marocains. Il a également fait preuve d'une grande détermination managériale, en faveur d'arbitrages économiques courageux.
Aujourd'hui, les Marocaines et les Marocains peuvent être fiers et rassurés d'avoir un leader humain qui dans une situation critique a su faire preuve de discernement avec un sens aigu des vraies priorités, en se focalisant rapidement et avant toute chose sur le soutien aux franges les plus vulnérables, les plus en détresse.
Dans cet élan de mobilisation guidée par SM Roi, l'Etat marocain et ses institutions ont fait montre de solidité, de résilience et de réactivité, continuant ainsi à fonctionner normalement malgré une situation historiquement inédite et fortement perturbée.
La meilleure preuve en est la réactivité et l'efficacité de toutes les entités qui sont en ligne de front et particulièrement les médecins et les soignants, les pharmaciens, les autorités locales, le personnel de l'éducation et de l'enseignement, les commerçants, les transporteurs et bien d'autres, dont il faut saluer l'engagement et le professionnalisme.
Tout cela vient démontrer que le Maroc a toutes les capacités et les atouts pour pouvoir transformer cette période de crise en gisement d'opportunités, dans les mois voire années à venir. Car le monde de demain aura changé de visage : il y aura incontestablement un avant et un après-Covid-19.
Dans le nouveau monde de l'après-Covid-19, les paradigmes vont changer, le paramètre temps sera décisif. Pour redémarrer rapidement l'activité des entreprises et des structures de production, un minimum de trois mois sera probablement nécessaire.
En Chine, par exemple, les grandes entreprises et les groupes ont repris leurs activités à des niveaux très bas dans un premier temps. Les PME, elles, sont loin de sortir de l'œil du cyclone…
Le redémarrage de notre économie sera laborieux dans un environnement mondial lui-même encore en grande fragilité. Car quand bien même la propagation de l'épidémie serait stoppée et les contaminations circonscrites, le virus, lui, sera toujours là. L'humanité ne pourra être définitivement à l'abri que quand et seulement quand un vaccin sera développé et mis à disposition à grande échelle ; ce qui, malheureusement, ne pourra pas se faire avant plusieurs mois.
Il ne faut donc pas se faire d'illusion. Dans les mois à venir, il ne faudra pas s'attendre à un véritable retour à la normale tant que le vaccin ne sera pas disponible. Il nous faudra donc gérer la situation en veillant d'abord à la santé des citoyens, en évitant la propagation du virus, et ensuite en tentant d'en limiter, le plus possible, les répercussions sociales et économiques.
Pour endiguer la crise économique, le Maroc doit agir et agir vite. A la veille de la sortie de la pandémie, nous sommes à la croisée des chemins et n'avons pas droit à l'erreur. Nous devons faire les bons choix et pour cela, il faudra s'inspirer des enseignements de la crise sanitaire.
Nous avons vu comment notre industrie a fait la démonstration de ses capacités, compétences et potentiels, pour réagir vite et fabriquer localement des produits et des biens nécessaires.
Nous avons vu aussi comment le Maroc, et contrairement à d'autres pays, a pu assurer l'autosuffisance alimentaire et l'approvisionnement normal des marchés. Cela n'aurait jamais été possible si SM le Roi n'avait pas, depuis des années, veillé personnellement à ce que notre agriculture soit dotée de tous les moyens nécessaires à sa modernisation et son développement, notamment à travers le Plan Maroc Vert.
Nos entreprises seront incontestablement en difficulté. L'écosystème étant imbriqué, les difficultés et les défaillances seront forcément contagieuses et se propageront. Pour organiser la sortie de crise, l'Etat n'a donc d'autre choix que de s'endetter, de prendre des risques et d'accompagner les acteurs jusqu'à ce qu'ils soient remis sur pied.
Le Maroc a, dès le départ, choisi de parer à l'urgence en soutenant la demande : entre autres, le pouvoir d'achat des ménages, la restructuration de l'échéancier des crédits à la consommation et des emprunts contractés par les entreprises. Ceux qui pensent que ces engagements reportés devront être payés immédiatement, suite au déconfinement, font fausse route. Car il faudra certainement du temps pour permettre aux bénéficiaires de faire face à leurs engagements, quitte à reporter ces échéances à plus tard ou in fine, en rallongeant les maturités des emprunts.
Mais cette crise implique également un dysfonctionnement au niveau de l'offre, comme la production a été mise à l'arrêt ou au ralenti, du fait de l'état d'urgence. Dans les mois à venir, nous devons absolument réfléchir à un dispositif pour maintenir sous perfusion la demande et le pouvoir d'achat. Les aides directes le permettront momentanément, mais les entreprises devront progressivement reprendre le relais, réintégrer leurs employés, leur payer leurs salaires, tout en leur assurant des conditions de travail sécurisantes.
C'est là le seul scénario viable et possible pour que la sortie de crise économique se déroule dans les meilleures conditions et dans un climat d'ordre social. En effet, les opérateurs économiques auront eux aussi besoin d'un accompagnement et d'un soutien sans faille de la part de l'Etat. Or, le discours donnant la priorité aux recettes de l'Etat et posant l'équation aujourd'hui en termes de dualité entre le sauvetage de l'Etat ou celui des entreprises, doit absolument cesser. Ceux qui prônent aujourd'hui une politique d'austérité font une grossière erreur.
SM le Roi a clairement montré la voie : Nous sommes dans un nouvel élan de générosité et le seul moyen d'aider les entreprises à redémarrer est de les accompagner, de les soutenir. Cet élan de générosité, stimulé par les décisions royales, est un signal fort, une balise qui doit guider nos décideurs politiques et économiques et les éclairer quant au futur immédiat.
Le nouveau monde d'après le Covid-19 sera d'ailleurs marqué par la déconstruction de ces dogmes en matière de déficit public, car le pragmatisme qu'impose la situation l'emportera. Les grandes économies ont d'ailleurs toutes prévu des dépassements importants par rapport aux niveaux habituels de leur déficit budgétaire.
Le moment n'est pas à l'austérité : Ce n'est pas le niveau d'endettement à l'instant T qui est important mais la trajectoire d'endettement à moyen et long termes. Devoir s'endetter pour surmonter un choc externe, subi, est normal !
Le Maroc a heureusement de bons fondamentaux et des finances publiques saines grâce à des années de gestion raisonnée et clairvoyante. Cela nous donne de la marge de manœuvre pour mobiliser plus de fonds, au besoin.
Toutefois, un plan de relance vertueux n'est pas simplement tributaire d'injection de monnaie nouvelle. Cette crise sanitaire est singulière, car elle challenge les recettes macroéconomiques de relance, telles qu'expérimentées dans le passé. En effet, pour que l'effort d'endettement de l'Etat permette un effet de levier salutaire, il s'agira d'insuffler une confiance inébranlable dans la relation tripartite {Etat – Entrepreneur – Citoyen}.
Dans quelques semaines, le citoyen qui repartira à son travail, dans un contexte de déconfinement, devra être rassuré par rapport à sa santé et retrouver des conditions sécurisantes et décentes en termes de protection et de rémunération. Son employeur, l'opérateur économique, lui, doit pouvoir retrouver ses ressources humaines et ses chaînes d'approvisionnement pour faire redémarrer l'activité dans les meilleures conditions. Et tout cela nécessitera que l'Etat instaure rapidement et maintienne, sur le long terme, un climat de confiance entre tous les acteurs.
Des mesures volontaristes devront permettre d'accompagner l'ensemble des opérateurs économiques et je pense en particulier à l'un des secteurs les plus touchés par cette crise et qui le serait pour encore longtemps : celui du tourisme, qui contribue fortement à notre économie et à la création d'emplois. Afin de dépasser cette période charnière, difficile pour le secteur, l'Etat devra probablement passer plus de temps à son chevet, avant qu'il ne retrouve sa vitalité. Il est plus que jamais nécessaire d'écouter avec attention les propositions des opérateurs, lesquelles se doivent à leur tour d'être innovantes, afin d'élaborer des politiques publiques pertinentes pour le redressement de ce secteur sur les 12 prochains mois.
SM le Roi a eu, dès le départ, la vision juste: mobiliser la générosité envers les citoyens qui vont demain se mobiliser, à leur tour, pour aider les entreprises. L'expérience du Maroc dans sa lutte contre cette pandémie du Covid-19 nous laisse aussi entrevoir des pistes d'amélioration, des mutations intéressantes et prometteuses pour l'avenir.
La crise du Covid nous a appris que nos médecins ont un énorme potentiel. Ce qu'ils ont fait et font encore pour lutter contre la pandémie et sauver les vies de leurs concitoyens est extraordinaire. Cela prouve que notre corps médical et soignant est digne de confiance et que surtout, à l'avenir, la réforme de notre système de santé ne pourra se faire que par eux et avec eux. Pour cela, renforcer le budget de la santé publique est un enjeu stratégique pour l'Etat. Mieux gouverner, mieux dépenser les ressources disponibles, l'est tout autant.
Nous avons vu aussi comment notre école s'est adaptée au mode d'apprentissage à distance. Depuis la fermeture des établissements scolaires, des millions d'apprenants ont pu continuer leur cursus grâce aux technologies. Cela veut dire que nous pouvons à l'avenir accélérer la réforme de notre système d'éducation en prenant le virage numérique. Pourquoi ne pas penser demain à ce que les écoles, dans le monde rural surtout, fonctionnent en alternance entre l'apprentissage présentiel et les cours à distance. Evidemment, cela nous conduit à la question de la généralisation des services de télécommunications et à la nécessaire extension de la couverture des réseaux internet. Voilà, là aussi, un chantier à ouvrir rapidement pour les opérateurs télécoms, car dans le monde et le Maroc de demain, l'accès au réseau et à la connexion deviendra un droit vital et sera probablement l'âme de vie de la société de demain.
Quelle politique d'urbanisme pour nos villes, demain, est également une question qui se pose avec acuité. L'épisode sanitaire que nous traversons nous renvoie vers notre approche de la conception de nos villes. L'état d'urgence et le confinement ont montré combien il est important d'avoir des groupements urbains dotés de tous les équipements et services de proximité, nécessaires à la vie, au lieu d'avoir une agglomération avec un seul et unique noyau comme centre-ville.
Les quartiers périphériques, les petites villes satellites, par exemple, doivent et peuvent être mis à niveau pour devenir des centres urbains à part entière et autonomes. Ils doivent être conçus comme des espaces de vie en communauté et d'épanouissement et être dotés d'installations, d'aires de distraction et de détente, etc.
Dans le monde de l'après-Covid et parallèlement à l'urgence de faire redémarrer notre économie, d'autres questions vont se poser et nécessiteront des réponses à moyen et long termes, car la face des activités humaines et économiques s'en trouvera métamorphosée.
L'intervention salutaire de l'Etat, à court terme, doit avoir pour objectif principal d'instaurer les bases d'une reprise économique. L'objectif principal, à l'horizon d'une année, doit être de préserver la santé financière des acteurs économiques, les protéger d'une asphyxie grâce au soutien de l'Etat. Ce soutien leur permettra de saisir les opportunités futures pour renouer avec la croissance, de faire face à leurs engagements, de penser l'avenir avec optimisme afin de déployer des plans d'investissements ambitieux. Dans ce climat de confiance, vertueux, les opérateurs, les employés, les ménages, sauront contribuer à leur tour aux finances de l'Etat, qui retrouvera ses équilibres macroéconomiques, à plus long terme.
La réflexion doit être engagée sans tarder pour apporter des réponses à toutes ces questions car il s'agit de l'avenir immédiat de notre pays. Des espaces d'échange, de débat, des plateformes, telles que celle-ci, devraient se multiplier afin de permettre à toutes les voix de s'exprimer et de se faire entendre.


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