Ecrit par I. Bouhrara | A l'instar des autres banques centrales, Bank Al-Maghrib est face à un choix cornélien : limiter l'inflation générée par les mesures prises pour contrer les impacts économiques et financiers du COVID-19 par une hausse du taux directeur au risque de ralentir la reprise économique fragilisée par la guerre en Ukraine, ou retarder le rehaussement des taux directeurs au prix d'une inflation galopante qui porterait atteinte à l'épargne nationale et au pouvoir d'achat des ménages. En détails le pronostic de Valoris Securities. La prochaine décision du Conseil de Bank Al-Maghrib, qui se réunira le mardi 21 juin, tient les milieux économiques et financiers en haleine. Qui de la reprise économique ou l'épargne nationale, BAM choisira-t-elle de sauver ? En effet, il s'agit là d'un véritable choix cornélien : qui de la raison ou des sentiments l'emportera au final ? Puisque la Banque centrale a, depuis le déclenchement de la pandémie, pris un ensemble de mesures pour aider le secteur bancaire et l'économie nationale à garder la tête de l'eau, en renfort à la stratégie de l'Etat face au choc Covid-19. Et l'une des mesures qui est la plus scrutée est celle du taux directeur qui a baissé de 2% à 1,5% lors du conseil de BAM du 18 juin 2020 et demeuré inchangé depuis. Le prochain conseil du 21 juin est donc très attendu pour voir comment la banque centrale va réagir face à un contexte très critique et incertain et qui se corse pour un pays comme le nôtre dépendant de l'importation des matières énergétiques mais aussi alimentaires, sans écarté le scénario bien évidemment d'une nouvelle baisse également. Pour anticiper sur cette question, et dans le cadre de ses travaux de recherche, Valoris Securties a publié en ce mois de juin un « Focus Eco3 portant justement sur la prochaine décision du Conseil de BAM. « FOCUS ECO » portant sur la prochaine décision du Conseil de BAM. La note qui retrace le contexte international et international marqués par une inflation galopante, des prix à la consommation en hausse mais des perspectives de croissance en 2022 qui se dégradent à travers le monde, revient sur le nœud gordien : Limiter l'inflation générée par les mesures prises pour contrer les impacts économiques et financiers du COVID-19 par une hausse des taux au risque de ralentir la reprise économique fragilisée par la guerre en Ukraine, ou retarder le rehaussement des taux directeurs au prix d'une inflation galopante qui porterait atteinte à l'épargne nationale et au pouvoir d'achat des ménages ? Pour Valoris Securities, malgré l'enchainement des hausses des taux directeurs des économies en voie de développement depuis avril 2022, l'économie marocaine semble bénéficier d'une situation particulière par rapport à d'autres pays émergents, compte tenu de deux principales raisons. D'abord, à la différence de plusieurs pays ayant décidé d'adopter une hausse des taux directeurs pour limiter l'inflation, l'économie marocaine est plus corrélée à la zone Euro (n'ayant toujours pas augmenté ses taux) qu'au US Dollar. Aussi, le taux d'inflation reste-t-il tout de même légèrement inférieur au taux annuel prévu par BAM et demeure en dessous de plusieurs pays de la zone méditerranée. Sur la base des statistiques du HCP, le taux d'inflation à fin avril 2022 a atteint 4,5% (contre un taux d'inflation 2022 annuel estimé par BAM à 4,7%). En parallèle, d'autres pays de la région affichent des taux d'inflation plus élevés à fin avril 2022 notamment la Tunisie 7,5%, l'Espagne 8,3%, l'Egypte 13,1%, la Roumanie 13,8%, l'Italie 6,2%… Il faut néanmoins ne pas perdre de vue que la banque centrale est comme le nom l'indique ne doit pas perdre de vue l'évolution du secteur bancaire. En 2021, ce dernier a financé près de 3⁄4 du PIB, illustrant son poids significatif au sein du financement de l'économie nationale. « En parallèle, ce même secteur peine à retrouver son dynamisme après COVID-19. Nous remarquons d'ailleurs que l'encours bancaire peine à dépasser un rythme de croissance de 4% en glissement annuel en 2022. D'ailleurs, cette faible reprise de l'encours du secteur est attribuée essentiellement aux crédits de trésorerie, représentant près de 40% de l'encours bancaire additionnel du secteur entre Mars 2021 et Mars 2022, tandis que le taux de contentieux est à 8,7%, soit à un niveau supérieur à Décembre 2019 », soutient Valoris Securities dans son Focus Eco. De ce faite et compte tenu des éléments précédents, une hausse du taux directeur lors de la prochaine réunion du Conseil de BANK AL-MAGHRIB lui semblerait peu probable. D'abord en raison du poids significatif du financement bancaire pour l'économie, rendant toute décision de rehaussement des taux pénalisante pour l'ensemble des agents économiques. Autre argument avancé est la détérioration des prix de vente à l'export d'un bon nombre de secteurs économiques nationales, sans oublier le renchérissement du coût du transport qui viendrait aggraver aussi la détérioration des marges de ces entreprises marocaines, déjà fragilisée par les retombées de la crise du COVID-19. Dans sa décision, BAM prendra en ligne de compte également le soutien des recettes MRE qui limite pour l'instant toute détérioration du Dirham, allégeant ainsi la pression exercée sur la banque centrale. Aussi, la fragilité de la reprise du rythme de distribution des crédits du secteur bancaire, qui pâtit toujours d'une hausse des créances en souffrance, est un élément qui plaide en faveur du maintien du taux directeur inchangé. Ainsi, la hausse des taux ne pourrait qu'accentuer le poids des impayés avec le risque de porter atteinte à la solidité des bilans des banques marocaines, rappelle le Focus Eco et que toute hausse des impayés devrait être suivie d'un resserrement des banques en terme de distribution des crédits, ce qui amplifierait la dégradation de la situation économique et sociale du pays : hausse du chômage & faillite des entreprises... De même que le taux d'inflation au pic des craintes quant aux conséquences de la guerre russo-ukrainienne (au mois d'avril 2022) n'a pas franchi le taux d'inflation annuel estimé par Bank Al-Maghrib à 4,7% lors de son dernier Conseil, en parallèle à un maintien du taux directeur du principal partenaire économique du Maroc (Zone Euro), jusqu'au mois de juillet 2022.