L'idée de lancer une industrie locale est en cours de discussion. Des entreprises ont manifesté leur intérêt à mettre un pied dans cette activité, mais exigent quand même que l'Etat leur garantisse un niveau de commandes minimal. 10juin 2009, le premier cas de grippe porcine a été identifié au Maroc. Avant cette date, naïvement, on se croyait prémunis alors que des pays des quatre coins du monde étaient touchés par cette pandémie que l'Organisation mondiale de la santé qualifie de catastrophique. Quelques semaines plus tôt, on pouvait faire fi des déclarations rassurantes de Yasmina Baddou, ministre de la Santé, qui se faisait une fierté de disserter sur les mesures de contrôle aux aéroports et de l'efficacité prouvée des portiques installés sur place. Seulement voilà, le Maroc n'est pas à l'abri. Chaque jour, on parle de nouveaux cas qui font grossir petit à petit la liste des personnes touchées par le virus A H1N1. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir quels sont les moyens dont dispose le Maroc pour éviter le pire. Et là, ce n'est pas seulement de Tamiflu dont il s'agit, ce médicament prescrit aux personnes atteintes par la grippe mexicaine, mais également de stocks que possède le Maroc en matière de masques de protection, de désinfectants… «Et vous oubliez l'essentiel : les ressources humaines, les capacités litières et les espaces qui peuvent accueillir des personnes atteintes par ce virus», nous rappelle ce médecin au CHU de Casablanca. A valeur d'aujourd'hui, le Maroc dispose d'un million de doses de Tamiflu. Il s'agit là d'une quantité de médicaments héritée d'un stock rassemblé par le Maroc pour faire face à la grippe aviaire. «Ce médicament a une durée de vie de quatre ans. Il est toujours bon à consommer», précise Dr Noureddine Chaouki, directeur de l'épidémiologie et de la lutte contre les maladies au ministère de la Santé. Une autre commande d'un million de doses sera traitée durant le mois d'août. «Pour disposer des 4 millions de doses de Tamiflu nécessaires, nous avons lancé une commande que notre fournisseur nous livre par tranche », ajoute-t-il. Une information que met en doute une source proche du dossier, précisant que seulement 250.000 doses ont été commandées. Contactés à ce sujet, les responsables au laboratoire Roche se réservent de tout commentaire. «Nous n'avons pas le droit de communiquer à ce sujet. C'est le président de la commission chargée du dossier de la grippe porcine qui doit y répondre (ndlr : Dr Chaouki)». Des masques made in Maroc ? En effet, si la question du Tamiflu n'est pas encore réglée, celle des masques de filtration ne l'est pas non plus. Ces derniers ne sont pas disponibles en pharmacie. Un tour dans quelques officines de la capitale économique le prouve. «Vous n'êtes pas la première personne à formuler cette demande. Depuis que le premier cas a été officiellement annoncé, les gens viennent à la pharmacie pour chercher à en acheter, mais personnellement, nous n'avons encore rien reçu», lance ce pharmacien du centre ville de Casablanca. En effet, selon nos informations, le ministère de l'Intérieur dispose déjà d'un stock de sécurité de 5 millions d'unités. D'un autre côté, un appel d'offres pour l'achat de 19 millions de masques chirurgicaux a été lancé fin mai 2009 ; l'ouverture des plis a eu lieu, il y a quelques jours seulement. «Cet appel d'offres a été infructueux. Et pour cause, aucun soumissionnaire ne peut prétendre fournir tout ce stock dans un délai maximal de 30 jours comme l'exigent les termes dudit appel », commente une source proche du dossier. Une information que nous n'avons pas pu recouper, même au niveau de Noureddine Chaouki. «Je ne peux pas répondre à cette question, je n'ai pas l'information », réagit-il. Concernant les masques professionnels FFP2, l'appel d'offres avait porté sur un lot de 5 millions d'unités. Ces derniers sont généralement importés de Chine, qui a des commandes qui courent jusqu'en 2010, nous confie une source dans le secteur du para-médical. Mais en parallèle à cet appel d'offres, un deuxième serait en outre lancé pour la fabrication locale des masques d'hygiène (chirurgicaux). «Rien n'est encore décidé. La commission chargée d'étudier ce dossier n'a pas encore rendu son verdict », nous informe Noureddine Chaouki. En effet, l'idée consiste à mettre en place des chaînes de production pour «préparer le Maroc à faire face à n'importe quelle autre maladie émergente à l'instar de la grippe porcine. Ces entreprises, une fois choisies, pourront travailler sur la préparation de commandes pour la session d'automne», ajoute-t-il. Pour garantir une activité régulière, ces entreprises exigent de la part de l'Etat de garantir des grosses commandes à traiter. «Mais il faut savoir que c'est un processus très compliqué. Déjà, il faudra importer la matière première qui n'est pas disponible localement, former les gens et tout cela, pour investir dans une activité qui n'est pas sûre», s'alarme un importateur de matériel médical. «Les discussions sont en cours pour examiner ce projet dans les détails. Pour le moment, rien n'est encore décidé, je vous le répète », précise le directeur de l'épidémiologie. Les choses se préciseront davantage dans les jours à venir pour savoir si le Maroc aura sa propre industrie de fabrication de masques ou si ce n'était qu'un simple caprice difficile à réaliser dans la pratique. Quand la sensibilisation fait défaut Un cas, puis deux, puis une dizaine de cas de contamination par le virus H1N1 ont été signalés. Les discours rassurants, qui puisaient toute leur légitimité dans le fait que le Maroc était jusque-là épargné par la grippe porcine, ne tiennent plus. Et pourtant, les télévisions marocaines n'ont pas accordé à ce malheureux événement le traitement qu'il mérite, se contentant dans un exercice quotidien lassant de dresser l'inventaire des cas confirmés et de rassurer sur l'état de santé de ceux qui sont déjà hospitalisés. Et la prévention dans tout cela ? Et la sensibilisation ? Elle n'y avait pas sa place. En attendant que la campagne de communication en cours de finalisation au niveau du ministère de la Santé soit lancée, c'est silence radio sur nos écrans. Cette campagne s'articulera autour d'un spot télé et radio, d'une campagne d'affichage urbain sur les grands axes des villes avec points d'entrée ainsi que sur des flyers distribués auprès des voyageurs et personnes en transit sur le sol marocain. Mais n'oublions pas que le ministère de la Santé n'est pas le seul département concerné dans cette affaire. Au niveau pandémique, le Royaume est classé en phase 5, certes inférieur au stade 6 caractérisé par la transmission d'homme à homme du virus, mais ce niveau est passible d'augmenter si le virus se propage plus rapidement que prévu. «Le Marocain moyen ne se soucie pas toujours de son hygiène. Combien y en a-t-il parmi nous qui se lavent les mains plusieurs fois dans la journée, qui toussent ou éternuent dans un mouchoir en papier qu'ils jettent tout de suite après et qui ne trouvent pas normal de boire dans le verre de quelqu'un d'autre ? Il ne faut pas se leurrer. Ils sont très peu nombreux», s'alarme un médecin au CHU de Casablanca.