En n'affichant pas de profit warning, avant la publication de résultats catastrophiques, la Samir a failli à son devoir de transparence financière de société cotée. Pire, elle a émis un emprunt obligataire, fin décembre, sur la base d'un résultat net positif. Le tout nouveau gendarme de la bourse risque de faire de la première affaire de son ère un exemple. En matière de transparence financière, les sociétés cotées sont appelées à jouer un rôle d'exemple pour les entreprises nationales. Or, l'affaire du profit warning de la Samir est une pierre d'achoppement dans ce registre. En effet, le distributeur pétrolier a montré qu'en matière de transparence, même les sociétés cotées peuvent faillir. En publiant, à la grande surprise du microcosme boursier, un résultat net négatif de 1,2 milliard de DH, la Samir a mis en péril de manière durable la confiance des investisseurs. Le problème n'est pas dans le fait de publier un résultat négatif, mais de ne pas avoir affiché un profit warning plus tôt. Cet anglicisme désigne tout simplement le fait d'informer les opérateurs du marché, et plus spécialement les détenteurs de titre Samir, que les résultats seront loin des prévisions initiales. Car il faut bien s'entendre là-dessus, les résultats sont arrêtés en fin d'exercice. Donc, dès décembre dernier, le Top management de la Samir avait une idée de la mauvaise tournure qu'allait prendre son résultat. En effet, l'évolution défavorable des cours du brut a fortement impacté les résultats de l'entreprise. Ainsi, le cours du baril de brent atteignait en juillet les 114 dollars, pour descendre à 37 dollars en décembre. L'impact sur le résultat était donc plus que prévisible, surtout lorsqu'on sait que la Samir est obligée de détenir un stock stratégique de pétrole équivalent à un mois de consommation. Interpellé à ce sujet, le top management de la Samir avance : «nous ne pouvions estimer la perte exacte, puisque la tendance des cours du brut pouvait se retourner durant la dernière semaine du mois de décembre». Un argument difficile à défendre… L'argument est très difficile à défendre, surtout lorsqu'on sait que l'actualité récente a montré une toute autre manière de faire avec le cas Managem. Ainsi, la filiale minière de l'ONA a lancé un profit warning début janvier, jouant ainsi à fond la transparence, au risque de voir son cours sanctionné. Le cours s'est effectivement déprécié de 15% dans la foulée, mais au moins, les investisseurs savaient qu'ils seraient informés en cas de fait important impactant le résultat. Au-delà d'une manière de faire contestable étayé par le cas Managem, la Samir a surtout fait une entorse à la règle en vigueur. En effet, le profit warning est une obligation légale mentionnée expressément par l'article 3 de la circulaire du CDVM 05/05 relatif aux informations importantes. Cela relève du devoir d'information envers les investisseurs quand une société fait un appel public à l'épargne. Le gendarme de la bourse étaye : «Tout émetteur doit informer le public, dans les meilleurs délais, des faits importants non connus du public et susceptibles d'influencer le cours de ses titres en bourse». La messe est donc dite. Le CDVM (Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières) a, d'ailleurs, envoyé une demande d'explication à la Samir concernant les résultats publiés au titre du deuxième semestre 2008. Sitôt nommé, Hassan Boulknadel a donc à gérer la première affaire de son ère. Le premier rôle de son institution est de protéger l'épargne investie en valeurs mobilières en veillant au respect des dispositions légales et réglementaires. Mais tout n'est pas dit concernant l'affaire Samir, car nonobstant le devoir d'information, le distributeur pétrolier a même émis, fin décembre, un emprunt obligataire de 800 millions de DH. Or, dans la note d'information de cette émission obligataire, le résultat net pris comme postulat est de 526 millions de DH, très loin donc des 1,2 milliard de DH de déficit publié ensuite. Ces faits risquent d'être difficiles à expliquer devant le CDVM, car quel que soit le manque de visibilité dont se plaint le top management de la Samir, il est difficile à avaler au vu de l'enchaînement des faits et de la dépréciation notable du stock. L'addition risque d'être corsée pour la Samir, car l'entreprise risque d'être mise au pilori par le tout nouveau gendarme de la bourse.