* Huit mois après sa demande dexplications, le CDVM inflige à la Samir un avertissement. * Le patron du CDVM, en ne sanctionnant pas à la mesure de lacte posé par le raffineur, rate une belle opportunité de donner un signal fort au marché. * Limpunité qui règne sur la place boursière autorise, toujours, toutes les dérives. Dommage. Le marché boursier marocain bruit de faits parfois anecdotiques. Le dernier en date concerne les récents développements de laffaire Samir, si tant est quon peut la qualifier ainsi. Coup dil dans le rétroviseur. Car les dates sont importantes. Mi-avril 2009. Dans un article danalyse intitulé «Le CDVM épingle la Samir», Finances News Hebdo met en orbite les manquements du raffineur par rapport aux dispositions légales et dispositions de larticle 3 de la circulaire du CDVM n° 05/05 relative à linformation importante. Il sagissait, en fait, de lalerte sur profit (Profit warning) que sest abstenue de lancer la Samir qui a pourtant dégagé un résultat dexploitation négatif de 810 MDH et un résultat net négatif de 1,2 milliard de DH. Alors que dans la note dinformation relative à lemprunt obligataire initiée à fin décembre (période où les comptes relatifs à lexercice en question étaient pratiquement clôturés), les prévisions de résultat pour lexercice 2008 faisaient ressortir un résultat dexploitation de 1.013 MDH (+106%) et un résultat net consolidé de 526 MDH. Une «demande dexplications concernant les résultats publiés au titre du second semestre 2008» est alors adressée à la Samir par le CDVM. Jeudi 24 décembre 2009. Finances News Hebdo revient à la charge et publie un article intitulé «Bourse : Ces affaires non classées !». Un article dans lequel nous nous interrogions sur les suites quallaient prendre «laffaire GSI Maroc», la «demande dexplications» adressée il y a plusieurs mois à la Samir par le CDVM, ou encore lenquête en cours concernant les franchissements de seuil qui ont précédé lopération de fusion Matel PC- Distrisoft où il y a de fortes présomptions de délit dinitié (www.financesnews.ma). Lundi 28 décembre 2009. Le gendarme du marché adresse un avertissement à la Samir. Motif : elle «na pas procédé à la mise à jour, dans les délais requis, de la note dinformation relative à lémission obligataire, objet du visa du CDVM n° VI/EM/053/2008 en date du 18 décembre 2008, au sujet de la dégradation de sa situation financière eu égard aux prévisions communiquées dans ladite note dinformation, et ce en raison de la persistance de la tendance baissière des cours du pétrole sur le marché international et son impact sur la valeur des stocks de la SAMIR». Mardi 29 décembre 2009. Le raffineur se fend dun communiqué de presse au titre révélateur : «Décision de révision de la prime de risque relative à lémission obligataire de la Samir». Le contenu est tout aussi révélateur. En voici un extrait : «Cette note dinformation présente dans sa partie «Perspectives», une estimation des résultats de lannée 2008 tenant compte dhypothèses optimistes quant à lévolution des cours du pétrole brut sur les marchés internationaux. La tendance baissière des cours du brut ne sétant pas renversée avant la date du 31 décembre 2008, les résultats définitifs ont présenté un écart important par rapport à ceux annoncés dans la note dinformation susmentionnée.Limportante variation des résultats est due à la méthode de valorisation des stocks en fin dannée et ne remet pas en cause la capacité financière de la Samir à faire face à ses engagements vis-à-vis de ses créanciers. La Direction générale de la Samir tient à préciser à ces investisseurs le caractère non intentionnel et non prémédité de la non actualisation des perspectives publiées dans la note dinformation précitée et décide de porter le taux facial des obligations émises en décembre 2008 de 5,90% à 6,00%, soit une révision à la hausse de la prime de risque de 10 points de base. Ainsi, lensemble des coupons servis au titre de lémission obligataire susmentionnée, seront rémunérés au taux facial de 6,00%». Voilà pour les faits. Ridicule ! Le déroulement, ou plutôt le dénouement de cette affaire appelle néanmoins à la réflexion. Commençons donc par la fin : la réaction de la Samir face à la «sanction» du CDVM. Lavertissement du gendarme du marché devait simplement (et obligatoirement) être publié sur le site Internet de la Samir. Pas plus. Mais le raffineur est allé beaucoup plus loin, en décidant, en vertu des pouvoirs conférés au Directeur général par le Conseil dAdministration, de réviser à la hausse la prime de risque liée à lémission obligataire. De mémoire dhomme, dans lhistoire récente du marché boursier, cest la première fois que cela se produit. Alors, quest-ce qui légitime cette subite générosité ? La Samir estime-t-elle avoir effectivement lésé les investisseurs en ne leur donnant pas les bonnes informations ? Pour un analyste de la place, «la réaction de la Samir est plutôt un signe daveu dune faute grave. Et le choix des investisseurs aurait été certainement différent sils avaient eu la bonne information au bon moment, car ils ont souscrit à lémission obligataire sur la base dinformations fausses». Aussi, se demande-t-il «sur quelles bases la décision de rajouter 10 points de base à la prime de risque initiale a-t-elle été arrêtée» ? Autres questions importantes : pourquoi avoir attendu si longtemps pour réagir ? Si le gendarme du marché ne lavait pas sanctionnée, la Samir aurait-elle été si généreuse ? De toute évidence, la décision de relever la prime de risque semble étroitement liée à la réaction du CDVM. Une réaction que notre analyste juge «ridicule». «La sanction du CDVM est risible par rapport au préjudice éventuel subi par les investisseurs et, par ricochet, le marché dans sa crédibilité; car il y avait là une formidable opportunité de punir pour lexemple un contrevenant aux règles ». «Dès lors que la faute a été flagrante et bien déterminée, quimporte le poids économique et financier de la Samir, la sanction devait être à la hauteur, quitte à suspendre le raffineur de la cote pour un ou deux ans», précise-t-il. Et de poursuivre que «lattrait et la reprise du marché boursier ne tiennent pas aux carottes fiscales, road-show et autres avantages à octroyer aux entreprises potentiellement cotables. Le marché souffre plutôt dun manque cruel de crédibilité et de transparence. Cest ce qui plombe la place, et les choses, malheureusement, ne saméliorent pas». Il faut, à cet égard, relever que pour la première grande décision quil avait à prendre depuis quil est à la tête du CDVM, Hassan Boulaknadel avait là une véritable opportunité de donner un signal fort au marché. Un marché infecté par les miasmes de la duplicité. Un marché où, pour préserver les privilèges dune minorité, on nhésite pas à sacrifier les intérêts de la majorité. Un marché où limpunité autorise toutes les dérives.