Hassan Boulaknadel dépose ses valises au CDVM. Une surprise ? Peut-être pas. Finances News Hebdo avait laissé entendre, dès quil a démissionné de BMCE Capital Gestion il y a quelques mois de cela, quil était pressenti pour diriger le CDVM. En remplacement de Dounia Taarji. Aujourdhui, cest chose faite. Et à peine installé, voilà que les langues se délient. Ceux qui tressaient des lauriers à Dounia Taarji lors de sa nomination sont actuellement les premiers à soutenir qu«elle ne faisait pas le poids» et que «Boulaknadel est lhomme quil faut pour notre marché». Comme les gens peuvent avoir la mémoire courte et, surtout, être versatiles ! Mais bon, à leur décharge, on leur accordera que le «règne» du désormais ex-gendarme en chef du marché boursier nétait pas exempt de reproches. Elle aura, à cet égard, subi plusieurs fois une véritable volée de bois vert tant sa gestion des différents scandales qui ont émaillé la place a été décriée. «Le CDVM na pas pu être présent là où le marché lattendait le plus, surtout en terme de sanction. Il a ainsi plusieurs eu fois lopportunité de saffirmer en tant quautorité et de remettre définitivement de lordre dans cette place où beaucoup dintervenants agissent au mépris de la réglementation en vigueur; mais il est passé à côté de sa mission fondamentale qui est de veiller sur lépargne à cause de son laxisme et de considérations souvent étrangères au marché financier», nous confie un analyste. «Cest pourquoi le CDVM a toujours donné limpression aux investisseurs de faire du deux poids deux mesures, surtout lorsque lintervenant impliqué dans un scandale est une référence de la place; ce qui a mis à rude épreuve sa crédibilité. La seule fois où il a pris des décisions à la mesure des délits commis concernait laffaire CGI, avec notamment les sanctions prises à légard dUpline». Même son de cloche pour un autre analyste de la place. Selon lui, «le CDVM sest souvent montré impuissant dans ce marché où le politique simmisce de plus en plus et dune manière pernicieuse». Quoi quon dise, il faut néanmoins convenir que cest sous la houlette de Dounia Taarji que la Bourse a gagné en transparence, à la faveur notamment dune meilleure réglementation et supervision du marché. Il reste que lhéritage quelle laisse à Boulaknadel est largement perfectible. Fera-t-il mieux ? Boulaknadel est assurément un homme dexpérience, rompu aux rouages du marché financier. Tout le monde en convient. Cela suffira-t-il pour autant à crédibiliser cette institution quest le CDVM ? Pas si sûr. Cela, pour trois raisons. La première est que si certains créditent Boulaknadel dun préjugé favorable, dautres, par contre, apprécient sa nomination avec beaucoup de réserve. «Ce ne sont pas tant ses compétences qui posent problème; mais pour diriger une institution comme le CDVM, il aurait fallu quelquun de plus charismatique qui pourra éventuellement tenir tête à certains lobbies», nous confie-t-on sous le couvert de lanonymat. «Indéniablement, il maîtrise le marché financier, compte tenu du fait quil était à la tête dune société de gestion depuis plusieurs années. Cest un gros avantage certes, mais qui suscite tout autant des réserves : ne fallait-il pas justement éviter de porter à la tête du CDVM quelquun qui est issu de ce milieu, quand on sait que les sociétés de Bourse sont généralement impliquées, dune manière ou dune autre, dans les plus gros scandales boursiers qua connus le marché ?», conclut-il. Cest, en effet, au regard de lhistoire récente du marché boursier, une question qui mérite réflexion. Tant il est vrai quun homme qui connaît bien le fonctionnement du marché, mais qui est resté loin de ses tribulations, aurait davantage rassuré les épargnants et les esprits critiques. La seconde raison nest pas inhérente à lhomme Boulaknadel : elle tient au système en place où le gendarme du marché donne limpression dêtre menotté. Il est, en effet, de notoriété publique que le CDVM, en ce quil a les mains liées par les textes qui le régissent, ne peut aller au-delà de sa mission qui est de protéger lépargne investie en valeurs mobilières, veiller au bon fonctionnement du marché, assister le gouvernement dans sa fonction de régulateur de marché, mais aussi et surtout accompagner et sensibiliser les différents opérateurs. Enfin, la troisième raison est relative à lindépendance du CDVM. Car il ne peut pleinement assurer sa mission tant quil reste sous le joug du politique, servant ainsi de caudataire à certains puissants lobbies de la place. Pour dire que son indépendance est un impératif pour préserver la transparence, lintégrité et la sécurité du marché. Aujourdhui, il revient donc à Hassan Boulaknadel de démontrer à lopinion publique quil est «lhomme de la situation», comme sest empressé de le dire un de nos confrères au-lendemain de sa nomination. Ce qui nécessitera de poser des actes forts en initiant une politique de rupture par rapport à certaines pratiques malsaines fortement ancrées dans le marché. En dautres termes, le CDVM devra se refaire une nouvelle virginité. On attend de voir le «chirurgien» Boulaknadel à luvre.