La décote ces derniers jours du titre Samir a intrigué les observateurs d'un marché boursier déjà mal en point. Explications au-delà des commentaires convenus. Le titre Samir a dévissé en bourse. Perdant en l'espace de deux jours près de 30% de sa valeur. Il est vrai que cette chute brutale a coïncidé avec l'annonce gouvernementale de maintenir la libéralisation du secteur pétrolier à la date prévue, le 1er juillet 2002. Mais ce n'est pas cette décision, comme certains veulent le faire croire aujourd'hui, qui est à l'origine de la décote du cours du raffineur. Il y aurait quelque paradoxe à abonder dans ce sens. Sauf à vouloir être de mauvaise foi en culpabilisant l'exécutif. D'une part, parce que cette libéralisation était prévisible et le débat à ce sujet entre La Samir et les distributeurs était sur la place publique plusieurs semaines avant la date fatidique. De l'autre, parce que le gouvernement en entérinant cette mesure n'a fait que respecter les engagements mutuellement pris aussi bien par les pouvoirs publics que par l'entreprise de Mohammédia au moment de sa privatisation en 1997. À dire vrai, les raisons de la dégringolade du titre Samir sont à chercher ailleurs. Dans deux facteurs essentiels. Primo, les dirigeants de la Samir se sont répandus dans la presse en disant que “si jamais le gouvernement respectait le calendrier initial de la libéralisation, leur entreprise serait condamnée et réduite à un simple dépôt de stockage“. Ce message alarmiste s'est répercuté sur l'action Samir. Drôle de management en tout cas qui invite les actionnaires à perdre confiance dans leur propre titre. Normal donc que la bourse réagisse à ce signal négatif. Secundo, La Samir a réalisé en une seule journée, juste après le 1er juillet, une grosse opération boursière (466 200 actions). L'heureux bénéficiaire de cette opération n'est autre que le groupe Somepi. La transaction portait sur 3,80% du capital de la Samir à un cours d'un peu plus de 400 Dhs, alors que le cours de clôture de la veille se négociait à beaucoup moins, conséquence directe du mouvement de panique des petits porteurs qui se sont empressés de liquider leur portefeuille. Un communiqué de presse de La Samir, publié dans l'Économiste du mardi 9 juillet, fait état de cette affaire. “ Sur autorisation du conseil d'administration réuni en date du 26 juin 2002, la Samir a acquis 466 200 de ses propres titres qui faisaient l'objet d'une cotation à la deuxième ligne “Samir nominatif“. Les observateurs du marché boursier n'ont rien compris à la transaction de La Samir. Précisément pourquoi la dernière cotation du titre Samir valait moins de 300 Dhs et que le lendemain la même entreprise rachète une grosse quantité de ses propres actions chez Somepi à un prix supérieur. Pourquoi Somepi s'est-il senti soudain le besoin de se retirer du capital du raffineur ? Tout cela dégage un air de précipitation d'autant plus incompréhensible que cette opération était intervenue juste après l'arbitrage du gouvernement sur le dossier de la libéralisation. Résultat : mécontents, les petits porteurs se disent victimes d'une décote pour le moins brutale. Sur ce, Le CDVM (Conseil déontologique des valeurs mobilières) entre en lice et se met en devoir de réagir par un communiqué publié dans La Nouvelle Tribune de cette semaine où le gendarme de la bourse atteste que l'opération jugée controversée est légale et transparente. “Pour comprendre l'objectivité de cette transaction, il faut remonter au partenariat stratégique signé entre La Samir et la Somepi. Suite à cette opération, La Samir a procédé à une augmentation de capital par émission de 466200 actions nouvelles à 429 Dhs l'action, réservée à la Somepi. La Somepi, n'ayant pas apporté la contrepartie en numéraire, a cédé 40% des actions à la société Somigry Holding“, affirme le rédacteur du communiqué. Justement, ce partenariat qualifié de stratégique signé fin décembre 2001 entre le raffineur et le distributeur n'est dans le fond qu'un échange d'actifs. Nous l'avons expliqué au moment des faits (voir ALM n° 36 du 8 janvier 2002). Ce fut un leurre. En clair, il s'agit- et le rachat massif six mois plus tard par la Samir de ses propres actions chez Somepi le démontre- moins d'une alliance industrielle que d'une opération de concentration en aval. Ce qui signifie que La Samir a bel et bien pris une participation dans le capital de Somepi pour réaliser une concentration de son activité et avoir un pied dans le secteur de la distribution. Maintenant que le marché des hydrocarbures a été ouvert à la concurrence, cette “alliance“, controversée en son temps, paraît moins condamnable aujourd'hui. Même si l'opération boursière de la Samir est propre comme l'atteste le CDVM, les petits porteurs continuent à se poser des questions. Une chose est sûre : au titre de cette transaction, La Samir enregistrera cette année une moins value d'environ 80 millions de Dhs si le cours de son action n'arrive pas à se redresser. Ce qui représenterait une double sanction pour les petits actionnaires.