* Profit warning : Managem assume, la Samir se soustrait au règlement. * Lalerte sur profit régie par des dispositions légales et par les dispositions de larticle 3 de la circulaire du CDVM n° 05/05 relative à linformation importante. l Une émission obligataire, à fin décembre, qui fait état dun résultat net consolidé prévisionnel de 526 MDH pour un résultat net finalement déficitaire de 1,2 Md de DH. l Une demande dexplications adressée par le gendarme du marché à la Samir. l La première «grosse affaire» de Boulaknadel ? Profit warning : terme peu usuel sur le marché financier marocain, mais qui a été remis au goût du jour par Managem un certain 14 janvier 2009. La minière lançait ainsi un profit warning (alerte sur résultats) sur ses résultats annuels 2008 impactés, entre autres, par la baisse du taux de change moyen Dollar/Dirham sur lannée (-13%), la dégradation des cours des métaux de base (cuivre, zinc et plomb) et la chute importante du cours du cobalt au second semestre. Au final, Managem se retrouve avec un chiffre daffaires consolidé en retrait de 5,4% à 2.090 MDH, alors que le résultat net consolidé et le résultat net part du Groupe ressortent ainsi respectivement à -641 et -589 MDH, reflétant lévolution du résultat des activités opérationnelles (-621 MDH). De par sa démarche, Managem a joué à fond la carte de la transparence, assumant entièrement ses mauvaises performances dans un contexte économique international pour le moins très défavorable. Il faut savoir que le profit warning nest rien dautre quune révision à la baisse des résultats initialement prévus, lesquels permettent aux investisseurs de pouvoir anticiper. Certes, cet anglicisme nest pas une fatalité en soi, mais reste, pour les investisseurs, une alerte dommageable pour le cours du titre. Managem en sait quelque chose. Le groupe a payé cash son approche transparente initiée à légard des investisseurs : le cours du titre sest déprécié de 15,4%, passant de 183,30 à 155 DH entre le 15 janvier et le 13 avril 2009, après un plus bas de 140 DH observé le 9 février. En choisissant dêtre sanctionné sur le cours au lieu dune méfiance durable des investisseurs, Managem a certes gagné en crédibilité, mais elle a beaucoup perdu en capitalisation. Serait-ce la raison pour laquelle la Samir sest abstenue de lancer un profit warning ? Décryptage. Limpasse La Samir a délibérément fait limpasse sur le profit warning, préférant laisser aux investisseurs le soin de découvrir les résultats à loccasion de la publication annuelle des comptes. Et leffet surprise était au rendez-vous : des contre-performances qui se sont soldées, in fine, par un résultat dexploitation négatif de 810 MDH et un résultat net négatif de 1,2 milliard de DH (voir page 12). A cause, entre autres, de lévolution contrastée des cours du pétrole brut (144 dollars en juillet et 37 dollars en décembre), suivie dune dépréciation de la valeur des stocks de lordre de 1,8 milliard de DH. Il faut savoir, à cet égard, que la Samir est obligée de détenir de façon permanente un stock stratégique de pétrole équivalent à un mois de consommation, auquel sajoute un stock outil équivalent à 15 jours de vente. Ses stocks sont ainsi valorisés selon les standards internationaux basés sur la méthode FIFO (littéralement : premier entré, premier sorti). Mais avec une dépréciation de la valeur des stocks dune telle ampleur, impactant conséquemment ses résultats annuels, la Samir nétait-elle pas tenue de lancer un profit warning ? A cette interrogation, le management de la société a servi une argutie assez raffinée aux analystes et à la presse à loccasion de la présentation des résultats annuels : «nous ne pouvions estimer la perte exacte, dautant plus que la tendance des cours du brut pouvait se retourner la dernière semaine du mois de décembre». Alors, pourquoi ne pas avoir lancé un profit warning au mois de janvier ? «Il nous fallait attendre les conclusions de laudit définitif des résultats», rétorquent-ils. Mince comme argument ! Et contrairement à ce que beaucoup croient, en sabstenant de lancer un avertissement sur résultats, la Samir a fait une entorse à la réglementation en vigueur. En effet, selon le CVDM, «le profit warning est régi par des dispositions légales et par les dispositions de larticle 3 de la circulaire du CDVM n° 05/05 relative à linformation importante. Toute information importante, de quelque ordre que ce soit, doit être portée à la connaissance du public au moment où lémetteur a pris connaissance de ladite information». Surtout lorsquil sagit déléments susceptibles de provoquer une variation importante des cours du titre en Bourse. En cela, précise le gendarme du marché, «tout émetteur doit informer le public, dans les meilleurs délais, des faits importants non connus du public et susceptibles dinfluencer le cours de ses titres en Bourse ou davoir une portée significative sur le patrimoine des détenteurs des titres. Linformation doit être égale pour toutes les composantes du marché et les investisseurs doivent se trouver dans des conditions identiques pour accéder, au moment opportun, à toute information utile et nécessaire pour la prise des décisions dinvestissement en toute connaissance de cause. Ce principe daccès égal à linformation est également un fondement nécessaire du système de répression des délits dinitiés». Cest en ayant constaté de tels manquements de la part de la Samir que le CDVM lui a adressé une «demande dexplications concernant les résultats publiés au titre du second semestre 2008». Cela, en vertu du cadre légal et réglementaire en vigueur qui lui octroie tous les pouvoirs nécessaires pour mener à bien sa mission de contrôle et dencadrement de linformation et intervenir pour redresser ou sanctionner en cas de non-respect des dispositions légales et réglementaires en la matière, dans le but légitime de protéger lépargne investie en valeurs mobilières. Quid de lémission obligataire ? Le fait qui titille encore plus les intelligences rebelles a trait à lémission obligataire de 800 MDH initiée par la Samir, et dont la période de souscription sétalait du 25 au 26 décembre 2008. Au moment où, théoriquement, les comptes relatifs à lexercice en question étaient pratiquement clôturés. Pourtant, dans la note dinformation y afférente, les prévisions de résultat pour lexercice 2008 font ressortir un résultat dexploitation de 1.013 MDH (+106%) et un résultat net consolidé de 526 MDH. Ces derniers, convenons-en, sont bien loin des déficits annoncés quelque temps après. A fin décembre, date à laquelle elle a fait appel au marché, la Samir navait-elle pas assez de visibilité sur ses comptes ? Etait-il logique de maintenir de telles prévisions à un moment où les cours du baril de pétrole brut étaient à 37 dollars, soit une baisse de 74% par rapport à juillet ? Enfin, ces prévisions ont-elles favorablement impacté les souscriptions à lémission obligataire ? A cette dernière question, un expert-comptable rétorque que «dans le fond, la révision des prévisions naurait pas impacté les souscriptions à cette émission obligataire qui est dune maturité de 7 ans». «Ce qui sest passé avec la Samir est un problème purement technique : la dépréciation de la valeur des stocks a certes plombé les résultats, mais de manière artificielle, puisquil y a un transfert technique qui se fait dun exercice à lautre. Cest-à-dire que les pertes dun exercice se rattrapent en partie sur lexercice suivant; cela a ainsi tendance à séquilibrer dune année à lautre», soutient-il, ajoutant que «la validité de la note dinformation nest pas, en principe, remise en cause, surtout quil faut voir les facteurs de risque y figurant». Justement, concernant le risque lié aux cours du pétrole brut, on peut lire dans la note dinformation (NI) qu«au vu de la tendance récente de baisse des cours du pétrole brut sur les marchés internationaux, un risque pour la Samir découlerait de la différence entre un coût dapprovisionnement élevé (situation prévalant durant lété 2008) et un prix de vente indexé sur les cotations internationales qui serait inférieur». Néanmoins, poursuit la NI, «ce risque ( ) est mitigé» par le fait que «les stocks de pétrole brut et de produits finis de la Samir équivalent à un mois de vente. Le risque sen trouve donc limité à lécoulement desdits stocks»; et, «à long terme, si la Samir peut accuser des pertes liées à la baisse des cours internationaux, la Samir tire également profit de la situation inverse, en cas de hausse de ces même cours en sétant approvisionnée à un coût moindre». Problème : cest ce risque «mitigé » qui a plombé les comptes de 1,8 milliard de DH. Transparence Pour cet analyste du marché, «même lorsquelle dégageait des bénéfices, la Samir ne sest jamais vraiment inscrite dans le jeu de la transparence; elle a toujours été avare en matière de communication financière». Selon lui, «au moment de lancer son emprunt obligataire, la Samir devait avoir suffisamment de visibilité pour se faire une opinion sur ses comptes. Et cétait du devoir et de la responsabilité du CDVM de sassurer de la véracité des chiffres, surtout dans ce secteur aussi stratégique où les prix ont été divisés par quatre». Doù, peut-être, lintérêt de rendre obligatoires les publications trimestrielles, histoire de donner aux investisseurs plus de visibilité sur les performances des sociétés cotées. «Il est vrai que la publication des indicateurs trimestriels permet dassurer une certaine régularité quant à linformation publiée et daméliorer le niveau de transparence. Toutefois, une telle obligation ne pourrait être imposée que par la loi», précise le CDVM. En tout cas, le marché attend impatiemment la suite qui sera donnée à cette affaire. La première «grosse» affaire de Hassan Boulknadel depuis quil est à la tête du CDVM.