La France se préparait lundi à une journée d'action cruciale mardi contre une réforme des retraites voulue par le président Emmanuel Macron mais très impopulaire, les syndicats prédisant à l'unisson la « mise à l'arrêt » du pays par les grèves et les manifestations. « J'appelle les salariés de ce pays, les citoyens, les retraités à venir manifester massivement » mardi, a déclaré lundi le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, estimant que le chef de l'Etat « ne peut pas rester sourd » à cette protestation. Il s'agit, depuis le 19 janvier, de la sixième journée de mobilisation contre cette réforme des retraites et son report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, à laquelle les Français sont majoritairement hostiles, la jugeant « injuste », notamment pour les salariés aux métiers pénibles. Depuis des semaines, les syndicats ont fait monter la pression et martelé que le pays devait se préparer à vivre 24 heures « à l'arrêt », annonçant des manifestations monstres et des grèves reconductibles dans des secteurs stratégiques pour tenter de faire plier le gouvernement. Entre 1,1 et 1,4 million de manifestants sont attendus dans tout le pays, a rapporté une source policière. Les routiers ont déployé des barrages filtrants dès lundi matin. Les enseignants seront à nouveau en grève. Les baisses de production se poursuivent dans le secteur électrique dont le mouvement a commencé vendredi. Trois des quatre terminaux méthaniers qui permettent d'importer du gaz naturel liquéfié (GNL) ont été mis à l'arrêt pour « sept jours », a indiqué lundi soir le syndicat CGT Elengy. Cet arrêt bloque l'alimentation en gaz du réseau de distribution GRT Gaz, le déchargement des navires méthaniers et le remplissage des citernes de GNL. De son côté, la compagnie nationale ferroviaire SNCF et la RATP (qui gère le métro parisien) ont averti que le trafic serait très perturbé mardi et que le mouvement se poursuivrait au moins jusqu'à mercredi. Le trafic aérien sera également perturbé dans la plupart des aéroports français, en raison d'un préavis de grève de syndicats de contrôleurs aériens pour mardi et mercredi. « Premiers pénalisés » « Une France à l'arrêt », a affirmé lundi soir la Première ministre Elisabeth Borne, « c'est évidemment mauvais pour nos concitoyens ». « Les premiers pénalisés, quand on a des grèves, ce sont les Français les plus modestes », a-t-elle ajouté sur France 5. Le projet de loi portant cette réforme, en discussion devant le Sénat, a déjà fait descendre dans les rues des millions de Français et donné lieu à des débats houleux à l'Assemblée nationale. Emmanuel Macron joue une part importante de son crédit politique sur cette mesure phare de son second quinquennat, symbole de sa volonté affichée de réformer mais qui cristallise aujourd'hui la grogne d'une partie des Français à son encontre. Cette réforme a été « mal préparée », estime le journal Libération, qui critique une « cacophonie ministérielle et les multiples ratés de communication ». La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient complètement comparables. Le gouvernement a choisi de le relever pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population. Le Sénat – dominé par la droite – a voté lundi, contre l'avis du gouvernement et malgré l'opposition de la gauche, la création d'un contrat à durée indéterminée de « fin de carrière » pour favoriser le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans. Les débats au Sénat s'achèveront vendredi. Le texte sera ensuite transmis en commission mixte réunissant les deux chambres qui, en cas d'accord, devront l'adopter définitivement. Après plusieurs mois de prudent silence, Emmanuel Macron a été récemment interpellé au sujet de cette réforme lors de sorties au contact des Français. « On sait tous que, vivant plus âgés, il n'y a pas de miracle: si on veut préserver un système par répartition, il faut qu'on travaille plus longtemps. Je ne dis pas que ça nous fait plaisir, ça ne fait plaisir à personne », a-t-il déclaré, invoquant une conclusion de « bon sens ».