Avant de « mettre à l'arrêt » la France le 7 mars, les syndicats organisent jeudi leur cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites pour maintenir une pression sur les députés, qui espèrent encore pouvoir débattre de l'âge légal d'ici à vendredi minuit grâce au retrait de nombreux amendements. En pleine période de vacances scolaires, à l'exception de l'Ile-de-France et de l'Occitanie, la participation aux grèves s'annonce en nette baisse. Les perturbations sont limitées dans les transports, avec 4 TGV sur 5 en circulation et un trafic normal dans le métro parisien. Néanmoins, 30% des vols à Paris-Orly sont annulés, 20% à Toulouse, Montpellier ou encore Nantes, où l'accès était ralenti par un barrage filtrant de la CGT. Le syndicat prévoyait d'autres barrages près de sites de stockage de gaz, après que les agents d'EDF ont baissé dans la nuit la production d'électricité d'un peu plus de 3.000 MW, soit l'équivalent de trois réacteurs nucléaires, sans provoquer de coupures de courant. Après un samedi qui a mobilisé 963.000 manifestants selon les autorités, l'affluence devrait être moindre. La police dit attendre entre 450 et 650.000 personnes dans la rue, dont 40 à 70.000 à Paris. Mais, une fois n'est pas coutume, les numéros un des huit principaux syndicats manifesteront à Albi, symbole de cette France des villes moyennes très mobilisée contre la réforme. « Nous souhaitons braquer le projecteur sur l'un des traits marquants de ce mouvement social. Il y a une France du travail qui veut affirmer qu'elle existe, qu'il n'y a pas que les métropoles », souligne Laurent Berger dans le magazine de la CFDT. Dans cette ville de 50.000 habitants, au moins 6.000 personnes ont manifesté samedi, comme Ariane Arons-Adan, 54 ans, qui travaille dans le médico-social et sera là « pour défendre le droit de vivre, et de vieillir en bonne santé ». Forts de l'opposition constante d'environ sept Français sur dix à la réforme selon les sondages – et d'une pétition qui a franchi le cap symbolique d'un million de signatures -, les syndicats entendent « maintenir la pression sur les députés », selon le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. Faute de réussir à infléchir l'exécutif, l'intersyndicale a adressé un courrier aux parlementaires, hormis ceux du RN, pour leur demander de rejeter la réforme « et plus particulièrement son article 7 », qui porte le recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. – « Perdu la boussole » – Le temps est compté pour les députés qui, après plusieurs jours d'empoigne stérile, abordent la dernière ligne droit de leurs débats jusqu'à vendredi minuit, heure couperet de l'examen du texte avant sa transmission au Sénat. Pour accélérer, la gauche a décidé de retirer de nombreux amendements mais il en reste encore près de 11.000 à discuter, dont une bonne partie avant l'article 7. Il existe « une majorité possible dans l'hémicycle pour voter contre », veut croire le député PS Philippe Brun, qui espère « passer au vote le plus vite possible » sur ce point clé. Une manière de renvoyer la balle au gouvernement qui « fait tout pour que le débat soit escamoté », a estimé la patronne du parti écologiste, Marine Tondelier, sur Public Sénat. Une partie de la gauche redoute cependant qu'un vote de l'article 7 ne « porte un coup au mouvement social », a indiqué le chef du groupe communiste André Chassaigne. « Ils ont peur du vote », a répliqué sur France Inter son homologue Aurore Bergé (Renaissance), convaincue que la majorité « aura les voix » pour faire passer cet article clé qui « revient à voter la réforme ». De son côté, le RN a déposé mercredi une motion de censure, afin de savoir qui est « pour ou contre la réforme », a affirmé sa cheffe de file Marine Le Pen sur RTL. Et répondre ainsi à Emmanuel Macron qui ironisait en Conseil des ministres mercredi sur des oppositions qui « n'ont plus de boussole ». Vote ou pas, les syndicats se réservent pour la journée du 7 mars, l'intersyndicale ayant appelé à « mettre la France à l'arrêt », une action soutenue par 58% des Français selon un sondage Elabe pour BFMTV. D'autres actions sont prévues le lendemain lors de la journée internationale des droits des femmes. Et, alors que des sites universitaires ont été fermés mercredi à Rennes, Nantes et Paris, les principales organisations de jeunesse annoncent une journée de mobilisation nationale le 9. De quoi donner des envies de grèves reconductibles à partir du 7 mars. Si l'intersyndicale n'y a pas appelé, certaines confédérations comme Solidaires y sont favorables. Les syndicats de la RATP l'ont déjà annoncé ainsi que la CGT éboueurs.