Les élections législatives iraniennes opposeront, vendredi prochain, réformateurs et conservateurs. Ces derniers ont invalidé des milliers de candidatures de l'aile modérée. Plus de 25 ans après le retour triomphal à Téhéran de l'Imam Khomeiny et le renversement du régime impérial des Pahlavi, la république islamique d'Iran est face à l'un de ses plus importants rendez-vous avec l'Histoire : des élections législatives où s'affrontent conservateurs et réformateurs. Les uns sont partisans de la ligne dure héritée des premières heures de la révolution. Les autres sont favorables à une grande ouverture. Mais d'ores et déjà, le jeu est faussé de l'avis des observateurs. Et pour cause, l'invalidation effectuée par les courants conservateurs de quelque 2 500 candidatures dont celles de 80 députés sortants. De quoi ouvrir un boulevard vers la magistrature aux candidats conservateurs qui n'auront pratiquement aucun adversaire dans quelque 132 des 290 circonscriptions. Autant dire que la mission s'annonce ardue pour les réformateurs qui prônent le boycott pour la plupart, à l'opposé de Mehdi Karoubi, président réformiste du Parlement iranien sortant. Ce dernier est l'un des rares à défendre la nécessité de participer aux législatives de vendredi prochain. Membre de l'Association des religieux combattants, mouvement réformiste, ce parlementaire pense que les élections ne seront pas équitables en raison du grand nombre de candidatures invalidées. Le plus grand parti réformiste du pays, dirigé par le frère du président Khatami, a déjà annoncé qu'il ne participerait pas au scrutin. Les critiques des réformateurs n'épargnent plus le Conseil des gardiens, l'équivalent du Conseil constitutionnel, vu comme un bastion des conservateurs. En cas de victoire de cette mouvance, c'est toute la politique de réformes engagées par le président Mohammed Khatami, dès son élection en 1997, qui s'en trouverait remise en cause. Le programme d'ouverture économique et de liberté d'expression, basé sur l'émergence d'une société civile, n'a jamais trouvé grâce aux yeux des réformateurs qui tiennent les leviers essentiels du pouvoir. La Constitution iranienne donne la primauté au religieux sur le politique. Le pouvoir est concentré entre les mains du «Guide» spirituel. L'économie reste aussi prioritaire aux yeux d'une population de 65 millions d'habitants, disposant des plus grosses réserves mondiales de gaz après la Russie et dont le pétrole assure 80% des recettes. La jeunesse, grande victime d'un chômage qui frappe 12% de la population, reste sceptique face à ces élections. Le gros des électeurs pour les réformateurs provient des moins de trente ans, démographiquement important avec deux tiers de la population. La désaffection des jeunes, dont la plupart n'ont que de vagues idées de la Révolution de 1979, était perceptible, déjà lors des municipales de 2003, qui ont marqué le premier coup d'arrêt des réformateurs, en état de grâce depuis 1997. Il faut dire que les principales réformes promues par Mohammed Khatami se sont heurtées à l'intransigeance des conservateurs au nom de la défense des valeurs de la Révolution. Le fait aujourd'hui que le président accepte sans rechigner d'organiser des élections à la date prévue malgré plusieurs ratures risque, de l'avis des observateurs, de jouer en défaveur de ses partisans, accusés d'être « trop mous » face aux positions rigides des conservateurs.