De l'avis des observateurs, la modification du statut des agents de la DST dans le cadre de l'amendement de la loi relative à la procédure pénale est un grand acquis tant au niveau juridique, politique que celui des droits de l'Homme. Bien que le Parlement se focalise principalement dans le cadre de l'actuelle session extraordinaire sur l'examen et l'adoption des lois électorales, le projet de loi modifiant la loi relative à la procédure pénale est d'une importance telle qu'il a réussi à capter l'attention des parlementaires. Ce projet de loi apportant, entre autres mesures, l'attribution du titre d'officier de police judiciaire aux responsables de la Direction de la surveillance du territoire national (DST) suscite le débat au Parlement et ailleurs. Aux termes de l'article 20 de ce projet, le directeur général de la DST, les walis et contrôleurs généraux de la police, ainsi que les commissaires et officiers de ladite administration se voient attribuer la qualité d'officier de police judiciaire au sujet des crimes définis dans l'article 120 de cette loi. A travers cet amendement, les agents de la DST se voient accorder les prérogatives de la PJ et seront désormais soumis au contrôle du parquet général. A rappeler que l'article 128 de la nouvelle Constitution dispose que la police judiciaire agit sous l'autorité du ministère public et des juges d'instruction. Outre la dimension juridique relevée par les parlementaires au sujet de ce projet de loi, la société civile et les analystes politiques mettent l'accent sur les dimensions politique et des droits de l'Homme. Sous la coupole de la première Chambre, les pour et les contre défendent toujours leurs positions. Plusieurs groupes parlementaires ont noté, dans le cadre des travaux de la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme, que cette décision fera sortir la mission des agents de la DST d'une sorte d'«imbroglio et de secret à la clarté», soutenant que cette administration aura des prérogatives plus élargies. Pour sa part, l'opposition a fait valoir ses réserves au sujet de cet amendement modifiant le statut des agents de la DST. «Nous ne pouvons pas nous opposer à l'attribution aux agents de la DST la qualité d'officiers de PJ. Mais encore faut-il que cette administration soit soumise à un contrôle judiciaire, administratif et parlementaire», souligne Mustapha Ramid, député PJD et membre de cette commission. «Certes, les agents de la DST seront désormais soumis au contrôle judiciaire, mais il ne faut pas perdre de vue que, dans la pratique, le parquet n'a même pas les moyens pour contrôler les siens. Nous nous opposons au fait de donner aux agents de la DST la possibilité d'arrêter les citoyens sans le moindre contrôle», s'insurge le parlementaire islamiste. Pour ce qui est de la dimension relative aux droits de l'Homme de cette réforme, la société civile salue cette initiative visant le renforcement des droits humains mais appelle, en même temps, à renforcer les mécanismes de contrôle et de la transparence. «Nous saluons cette initiative consistant à amender la loi sur la procédure pénale. La soumission des agents de la DST au contrôle du parquet général est de nature à renforcer le respect des droits de l'Homme et de rompre avec certaines pratiques du passé», précise Mustapha El Manouzi, président du Forum vérité et justice (FVJ). «En plus de la justice, les agents de cette direction doivent être soumis au contrôle du CNDH, de l'Institution du Médiateur et des ONG qui s'activent dans ce domaine. Il faudra également promouvoir la transparence et la clarté», note M. El Manouzi. Et d'ajouter qu'«il ne faudra pas que les agents de la DST bénéficient d'une immunité ou d'un privilège d'une quelconque nature par rapport aux autres agents de la PJ. Il faudra également que les sièges de cette direction soient connus et leurs prérogatives bien précisées. Tout cela est de nature à consolider les droits de l'Homme». En ce qui concerne le volet politique, le politologue Mohamed Darif estime que cet amendement s'inscrit dans le cadre de la consécration de la gouvernance sécuritaire. «La dimension politique de cet amendement est à prendre en considération. Cette modification du statut des agents de la DST s'inscrit dans le cadre des changements que connaît le Maroc. Dans le passé, cette administration a souvent été accusée d'être responsable de violations graves», explique-t-il. «Ainsi, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'une initiative qui s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de l'IER visant la consécration de la gouvernance sécuritaire. Il s'agit donc d'un pas très positif», ajoute-t-il. Ce projet de loi, qui continue de susciter le débat, devra être adopté dans le cadre de l'actuelle session extraordinaire du Parlement.