Les propos d'Abdelilah Benkirane, SG du PJD, tenus lors de la séance d'ouverture du congrès du MP, concernant des partis politiques nationalistes lui ont valu des tirs croisés de la part du PAM, du MP et du RNI. Abdelilah Benkirane est au cœur de la tourmente. La classe politique a fermement réagi aux propos du secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) tenus lors de la séance d'ouverture du onzième congrès national du Mouvement populaire (MP). M. Benkirane a suscité, vendredi 11 juin, à Rabat, l'ire des dirigeants des partis politiques présents lors du congrès des Harakis, en affirmant, selon une information relayée par la presse, que les partis politiques nationalistes au Maroc sont uniquement l'USFP, le MP, le parti de l'Istiqlal et le PJD. Ces propos du secrétaire général du parti islamiste jugés «inappropriés», «anti-démocratiques» et «exclusivistes» lui ont valu des tirs croisés de la part de trois grandes formations politiques. Il s'agit du Parti Authenticité et Modernité (PAM), du Mouvement populaire et du Rassemblement national des indépendants (RNI). Dans un communiqué rendu public, dimanche 13 juin, relayé par la MAP, le bureau national du PAM a dénoncé les déclarations de M. Benkirane, «qui a limité la légitimité à certains partis politiques, en contradiction avec le principe du pluralisme consacré par la Constitution et le droit des partis à l'existence, qui est garanti par la loi». Selon le parti dirigé par Mohamed Cheikh Biadillah, ces propos révèlent «le véritable projet politique exclusiviste» du PJD, «son instrumentalisation de la démocratie et son soutien, maintes fois réitéré, de choix dérogeant au consensus de la classe politique, à commencer par sa propension à monopoliser la religion et son exploitation pour ses propres desseins, les positions qu'il adopte hors de l'unanimité sur des questions nationales cruciales». «Ces déclarations constituent une vaine tentative de remettre sur la scène nationale des débats révolus, qui font désormais partie du musée de l'histoire politique du Maroc, sachant que la consécration du pluralisme a toujours fait partie des grands choix de l'Institution monarchique depuis l'indépendance du Royaume, qu'elle a défendue fermement face au projet du parti unique et ses partisans», ajoute la même source. Le bureau politique du PAM a fait savoir qu'il n'attend pas de leçon en légitimité d'un parti, que d'aucuns connaissent le mode et les circonstances de sa naissance. Le PAM s'est dit, à travers son communiqué, préoccupé par les propos tenus par le SG du PJD, qui sont «contraires à l'esprit et au texte de la Constitution». Le communiqué du PAM affirme, en outre, que les propos «irresponsables» du dirigeant du parti islamiste interpellent le Premier ministre, qui était présent à la séance d'ouverture du congrès des Harakis, ainsi que les autres partis politiques qui devraient prendre des positions claires. Ceci s'explique, selon le PAM, par le fait que «cet incident touche l'essence même de notre vie constitutionnelle et ses instruments politiques et partisans». A noter que les dirigeants du PAM, Mohamed Cheikh Biadillah et Hakim Ben Chammach, avaient manifesté leur colère après l'intervention de M. Benkirane lors du congrès du MP en se retirant de la séance d'ouverture du congrès. Peu de temps après, Salaheddine Mezouar a emprunté le pas aux dirigeants du PAM en protestation contre les propos de M. Benkirane. En plus du PAM, le Mouvement populaire a, lui aussi, dénoncé, dans un communiqué cité par la MAP dimanche, «les tentations d'exclusion de l'autre et de retour aux visions hégémoniques révolues», suite aux «propos inappropriés», tenus lors de l'ouverture de son congrès. Mohand Laenser, secrétaire général du MP, a exprimé ses regrets sincères des «propos inappropriés» et du «discours anti-démocratique qui ne saurait entacher le pluralisme politique auquel le MP est fermement attaché». Le communiqué du MP précise que la présence, nombreuse, des formations politiques marocaines, de tous bords, au congrès du MP, «est pour nous une reconnaissance de l'attachement de notre parti au multipartisme et à la diversité qui ont constitué notre ligne de conduite depuis la création du MP». «Le MP, qui s'honore d'avoir milité pour la liberté d'association et d'expression et dont la création a coïncidé avec la promulgation du Dahir des libertés publiques de 1958, ne peut qu'être le défenseur acharné de ces valeurs dont l'enracinement et le respect ont été profondément consolidés sous le glorieux règne de SM le Roi Mohammed VI», ajoute le communiqué du MP. Pour sa part, le RNI a dénoncé la «tendance hégémonique» et les «rêves éradicateurs» du PJD, en réaction aux propos de M. Benkirane. Ces propos «illustrent la tendance hégémonique et les rêves éradicateurs de ce parti à l'égard de tous ceux qui s'opposent à ses orientations et ses positions», indique un communiqué du RNI, cité par la MAP. «Ces propos irresponsables traduisent le mépris du PJD à l'égard des partis politiques nationaux et des millions de Marocains qui adhèrent à leurs projets», ajoute la même source, précisant que «lorsque le RNI s'est engagé dans la lutte démocratique et institutionnelle, plusieurs personnes, aujourd'hui militants du PJD et adeptes de l'éradication des partis nationaux, ont opté pour la voie de la violence et de la destruction, si ce n'est la vigilance du Maroc et des Marocains et leur ferme rejet des projets obscurantistes extrémistes». Le RNI s'étonne de ces propos, ajoute le communiqué, «limitant à quatre le nombre de partis politiques nationaux et ôtant cette qualité aux autres formations politiques, alors que certaines d'entre elles, dont le RNI, ont marqué, durant de longues décennies, l'histoire politique des Marocains et se sont érigées en acteurs structurels de la scène politique nationale». En réaction des critiques du PAM, du RNI et du MP, (voir encadré ci-dessous), Abdelilah Benkirane a affirmé à ALM que «son parti réfléchira sur la manière adéquate pour réagir à cette affaire». Cette polémique promet donc de nouveaux rebondissements dans les prochains jours, d'autant plus que le parti de l'Istiqlal, ouvertement interpellé par le PAM, se fait toujours attendre. «Les partis politiques qui doivent persister sont ceux issus du peuple» Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, rejette les accusations du PAM. «Lors de mon intervention dans le cadre de la séance d'ouverture du onzième congrès du Mouvement populaire, je n'ai absolument pas dit que les partis nationalistes au Maroc sont le MP, l'USFP, le parti de l'Istiqlal et le PJD. S'adressant à Mahjoubi Aherdane, j'ai dit que «si le PJD est visé aujourd'hui, demain ça sera le tour du MP. Vous devez réagir», tient à préciser M. Benkirane, dans une déclaration à ALM. Et d'ajouter que «J'ai dit, en outre, que s'il s'avère aujourd'hui nécessaire de réduire le nombre des partis politiques pour mettre fin au phénomène de la balkanisation de la scène partisane, les partis politiques qui doivent persister sont ceux issus du peuple. D'ailleurs, c'est le PAM qui ne cesse d'appeler à combattre le phénomène de la balkanisation».