Dounia, vingt-cinq ans, a évité d'être balafrée au visage par un repris de justice. Mais elle l'a été psychiquement à vie. «Je ne l'ai pas kidnappée M. le président, elle m'a accompagné de son plein gré ». Quand Dounia a entendu cette déclaration de Chafik, elle a écarquillé les yeux. «Il ment M. le président…», a-t-elle crié avant que le président de la Cour ne lui demande de se taire. Nous sommes à la Cour d'appel d'El Jadida. La salle d'audience de la chambre criminelle est archicomble ce mardi 13 avril. Au box des accusés se tenait Chafik, âgé de vingt-neuf ans, célibataire. Un peu plus loin, se tenait Dounia, qui le fixait curieusement. «Sans pitié, M. le président, il m'a…». Dounia s'est fondue en larmes sans finir la phrase. Le président de la Cour lui a permis de s'asseoir. Il semble qu'elle se souvenait de tout ce qui lui est arrivé ce soir du lundi 5 avril. Ce jour, Dounia venait de rentrer chez elle à Sidi Bennour, après une journée de labeur. Soudain, son téléphone portable a sonné. «Allô !» C'était sa mère : «Allô! Dounia, viens prendre ta fille. Parce que je vais voyager demain à Rabat». Depuis qu'elle a divorcé, Dounia a pris en charge sa fillette. Malheureusement, elle ne pouvait la garder chez elle que les week-ends. Pour les autres jours de la semaine, sa fillette restait entre les mains de sa mère qui habite un peu plus loin de chez elle. Dounia n'avait pas le choix cette fois. Elle devait rejoindre sa mère pour prendre sa fille. Et elle était obligée de la confier, le lendemain matin, à sa voisine avant d'aller au travail. C'était 20h passées. Dounia est sortie de chez elle. En traversant le boulevard Zerktouni, un jeune homme lui a coupé le chemin. Qui est-il ? C'est Chafik. «M'accompagner chez moi», lui a-t-il dit.Elle a refusé. Un refus catégoriquement inacceptable par Chafik qui a fini par brandir un couteau et le mettre sur son cou. «Il y avait encore des riverains qui passaient, mais personne n'est intervenu pour me sauver», a affirmé Dounia devant la Cour. Elle n'avait que deux choix : soit qu'elle l'accompagne chez lui soit qu'il lui balafre le visage. Avec les larmes aux yeux, elle l'a accompagné. Il l'a conduite dans un domicile composé uniquement d'un rez-de-chaussée. Là, il l'a obligée à se soûler en buvant de l'eau-de-vie. Et il l'a violée à maintes reprises. Le lendemain, tôt le matin du mardi 6 avril, il l'a jetée dehors. Après avoir téléphoné à sa mère, Dounia s'est dépêchée aussitôt vers le commissariat de police et a déposé plainte. Elle a tout raconté à la police. Les investigations qui ont été entamées aussitôt par les enquêteurs de la PJ de la région se sont soldées par l'arrestation de Chafik, repris de justice sept fois pour constitution d'une association de malfaiteurs, vols qualifiés, kidnapping, séquestration, viol et coups et blessures à l'arme blanche. Suite à ce huitième crime, la Cour l'a condamné à trois ans de prison ferme. Une condamnation qui reste clémente puisque, d'une part, le mis en cause est un repris de justice pour la huitième fois. Et d'autre part, si Dounia a évité d'être balafrée au visage, elle l'a été psychiquement à vie.