Sarkozy accuse De Villepin d'avoir glissé son nom dans un faux listing de détenteurs de comptes secrets à Clearstream. Alors que les audiences du procès Clearstream touchent à leur fin dans l'attente d'un verdict en 2010, l'image politique qu'un tel procès, généreusement couvert par les médias, a laissé dans l'opinion est celle de la lutte à mort de deux hommes, si forte et si violente que l'impression était donnée qu'ils étaient programmés pour la grande déflagration. D'un côté de la scène, Nicolas Sarkozy, président de la République, accuse l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, d'avoir sinon participé, du moins inspiré et protégé une cabale contre lui destinée à briser son ascension politique en glissant sournoisement son nom dans un faux listing de détenteurs de comptes secrets dans la banque Clearstream. Il se porte donc partie civile dans un sulfureux procès qui a pour difficile mission de démêler les fils de ce qui s'apparente à un coup tordu entre écuries politiques qui s'apprêtaient à se partager en héritage le legs de la chiraquie finissante. De l'autre côté, Dominique de Villepin, icône rebelle et planétaire de la diplomatie française, ancien dauphin de Chirac à qui le grand Jacques aurait bien aimé céder les clefs du Château. Il se plaint d'être poursuivi par une rancune inextinguible et une soif de vengeance insatiable de Nicolas Sarkozy, devenu président. Il crie son innocence et voit dans ce procès un règlement de comptes politiques qui anime un président obsédé par une seule idée : terrasser ses adversaires et éliminer toute compétition interne susceptible de lui compliquer sa réélection. Pendant de longues semaines, par médias et par avocats interposés, les deux hommes se sont durement affrontés. Le premier, Sarkozy, demande justice. Le second, De Villepin, clame son innocence. Leurs avocats respectifs, Me Thierry Herzog et Me Olivier Metzner ont croisé des plaidoiries homériques pour défendre leur client et enfoncer l'adversaire. Jusqu'à ce que la réquisition soit formulée par le procureur de la République, Jean-Claude Marin, dont l'impartialité a été violemment remise en cause: Une peine de dix-huit mois avec sursis et 45.000 euros d'amende à l'encontre de Dominique de Villepin. Avec une étrange accusation, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac est accusé d'avoir «cautionné par son silence» la manipulation de Clearstream qui visait à abattre Nicolas Sarkozy. Les avocats de Dominique de Villepin ont vite fait de tourner cette accusation au ridicule et de pointer leurs flèches en direction de Nicolas Sarkozy comme le fait Me Luc Brossolet : «Le dossier porte l'empreinte de son désir, d'un désir quasi hystérique, d'un désir de prince capricieux». Me Olivier Metzner la joue à l'ironie: «Jamais personne en France n'a été condamné pour avoir omis de faire quelque chose. On imagine: «J'ai été condamné pour n'avoir rien fait». Tandis que Dominique de Villepin la conjugue au dramatique: «Nicolas Sarkozy avait promis de me pendre à un croc de boucher, je vois que la promesse a été tenue». L'opposition est restée relativement muette sur cette crise. Quand elle ne critique pas les dangers que représente Nicolas Sarkozy sur l'indépendance de la justice en étant partie civile alors qu'il est président de la République, elle tente de rester à équidistance des deux protagonistes. Et même si le désir travaille certains de ses représentants de voler au secours de Dominique de Villepin ne serait-ce que pour le plaisir immédiat d'enfoncer Nicolas Sarkozy, elle semble avoir résisté à cette tentation.