Je ne savais pas encore que dans la chute des marchés, la valeur de l'Arabe, (au pluriel), allait encore toucher le fond d'une tombe pour s'échanger contre des corps sans âmes. Titre d'un article sur l'échange entre le Hizbollah libanais et Israël de prisonniers arabes contre deux dépouilles mortelles de soldats israéliens : «Victoire du turban sur la kippa !» C'est semble-t-il un haut fait de guerre qui confirme «la solidité et la consolidation de la supériorité morale [des chi'ites libanais] sur l'entité sioniste». Le reste est de la même eau, une cantique à la gloire de l'islamisme qui aurait parfaitement su tenir au sionisme le seul langage qu'il comprendrait, démontrant par là-même la vacuité des options défaitistes. J'aimerais bien faire partie du chœur et célébrer les triomphateurs. Seulement, je n'en vois pas. Lucide, j'ai souvent accepté, en raison de la supériorité de la puissance de feu israélienne, que dans les affrontements avec les soldats de Tsahal le rapport des nombres de tués, soit d'un Israélien pour cinq Arabes. Mais depuis toujours, je n'ai jamais ressenti autre chose qu'une profonde humiliation devant l'amer spectacle de l'échange de dizaines de prisonniers palestiniens contre deux ou trois ressortissants hébreux. La scène ne me laissait m'entrevoir que comme une monnaie dévaluée, une devise sans valeur et une action boursière sans cote. Je ne savais pas encore que dans la chute des marchés, la valeur de l'Arabe, (au pluriel), allait encore toucher le fond d'une tombe pour s'échanger contre des corps sans âmes. Le geste, le beau, ç'aurait été de les leur restituer, ces dépouilles, sans contrepartie ; la fierté, la vraie, ç'aurait été d'exiger la parité : un mort contre un mort, un vivant pour un vivant. Oui ! Et laisser les autres croupir en prison. Après tout ce sont des combattants, et leur sort n'est-il pas en fin de compte meilleur à celui de dizaines de Palestiniens, enfants, femmes, jeunes et vieillards, qui périssent chaque jour sous les bombes israéliennes? Toute la France, ou presque, se tait. Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo demande et obtient, pour cause « d'antisémitisme», la tête de Siné et pas le moindre bruit. Ni cymbales ni tintamarre. La fanfare est vraisemblablement en vacances. Chroniqueur décapant et caricaturiste de talent, Siné est une icône de ce journal d'iconoclastes. Son licenciement est intervenu à la suite de la publication d'un article dans lequel Siné écrit que «Jean Sarkozy […] vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit !», précise Siné qui a beau expliquer qu'il sous-entendait seulement que le fils du président français était prêt à tout pour arriver. Val n'en démord pas. Tout au plus, aurait-il pu reprocher à Siné le péché de n'avoir pas accordé à Jean Sarkozy les circonstances atténuantes de l'amour, mais non c'est antisémitisme et la porte. Est-ce nos affaires ? Oui, trois fois oui ! Pour trois petites raisons : Val est ce journaliste qui, au nom de la liberté d'expression, avait publié la caricature avilissante du Prophète Mohammed et s'est défendu en hurlant que resterait-il si l'on ne pouvait plus rire de toutes les religions ? Bien sûr, l'antisémitisme ce n'est pas pour rire, on peut toutefois lire le texte de Siné de gauche à droite ou de droite à gauche, il ne contient pas l'ombre d'un relent d'antisémitisme. Enfin, c'est le même Siné, dans le même Charlie Hebdo en juin 2008, qui «avoue que, les musulmans [l]'insupportent et que, plus [il] croise les femmes voilées qui prolifèrent dans [son] quartier, plus [il a] envie de leur botter violemment le cul !» Et d'ajouter : «Leurs maris barbus embabouchés et en sarouel coranique sous leur tunique n'ont rien à leur envier de point de vue disgracieux». Scandaleux ? Certainement, mais Philippe Val n'était pas de cet avis. La France dans sa globalité non plus.