Sur le plan arithmétique, Nicolas Sarkozy et son Premier ministre n'ont rien à craindre de cette motion de censure. L'opposition compte à peine 225 voix sur les 577. Pendant que la flamme olympique allumait les protestations sur le trottoir parisien et la discorde dans les relations franco-chinoises, l'opposition socialiste, aidée par les verts et les communistes, fourbissait ses armes pour tenter de censurer le gouvernement devant le Parlement sur deux sujets intimement liés, la décision prise par Nicolas Sarkozy d'envoyer 700 soldats supplémentaires en Afghanistan et la volonté bruyamment manifestée par le président de la république de réintégrer le commandement militaire de l'Otan à l'horizon de 2009. Deux choix politiques majeurs qui font débat puisqu'ils incarnent la rupture dans la politique extérieure française longtemps promise par le successeur de Jacques Chirac et qui se faisait tant attendre. Sur le plan des faits et des additions arithmétiques, Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon n'ont rien à craindre de cette motion de censure. Au Palais Bourbon, les socialistes, les verts et les communistes comptent à peine 225 voix sur les 577 que compte l'Assemblée nationale. Le parti du président, l'UMP, y dispose d'une confortable majorité qui le met à l'abri des grandes surprises et de votes à suspense. Le Parti socialiste avait déjà tenté de mobiliser l'opinion sur la gravité du moment. Le patron du groupe PS à l'Assemblée Jean Marc Ayrault avertit que «C'est un vrai tournant, il faut alerter les Français sur cette rupture stratégique de la France». Le Parti socialiste avait déjà eu l'occasion de déployer ses arguments lors du débat du 1er avril dernier sur le thème : «L'intérêt de la France n'est pas d'ajouter la guerre à la guerre (mais) d'aider à un règlement global en Afghanistan. Cette décision a peu à voir avec l'Afghanistan et beaucoup avec l'obsession atlantiste du président». Laurent Fabius affiche beaucoup de pessimisme : «On ne peut pas gagner la guerre en Afghanistan et on va alimenter, alimenter, alimenter le nombre de «troupes » et donc le nombre de morts et la violence, sans perspective de gagner». L'opposition socialiste semble surfer sur du velours. L'opinion française, comme le montre les sondages, est largement hostile à la politique de Nicolas Sarkozy en Afghanistan et l'envoi des troupes supplémentaires. Le débat sur la censure a une valeur pédagogique et politique. Il vise à élargir le fossé entre les Français et les choix du président sur la question. La riposte du gouvernement n'a pas été moins violente. De nombreux leaders de la droite accusent le Parti socialiste de «prendre le risque de déposer les armes devant à Al Qaida». le tout nouveau porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, ne fait pas dans la dentelle diplomatique et adopte carrément des intonations de voix de l'administration Bush : «Nous sommes allés en Afghanistan parce qu'un régime, les Talibans, attentait aux droits de l'Homme et lapidait les femmes sur la place publique et était en train de tuer une culture millénaire (…) L'Afghanistan, du temps des Talibans, c'était la base arrière du terrorisme international (…) le choix c'est nous ou Al Qaïda». En lançant leur motion de censure, les socialistes espèrent aussi creuser un autre fossé, entre le président de la république et une partie de l'UMP, souverainiste, fidèle au Général De Gaulle dans la lettre et l'esprit, allergique à la réintégration de l'Otan. Un des représentants symboliques de cette sensibilité n'est autre que Dominique De Villepin qui vient de mettre son grain de sel dans ce débat : «Nous ne sommes plus dans la logique du 11 Septembre. On voit l'échec en Afghanistan et en Irak (…) le risque d'enlisement est extrêmement important (…) Ne nous engageons pas dans des aventures militaires qui sont dépourvues de véritables stratégies globales». Même s'il y a très peu de chance, pour ne pas dire impossible à imaginer dans le contexte actuel, que cette sensibilité souverainiste au sein de la droite, puisse voter cette motion aux côtés de la gauche, l'intérêt pour la formation de François Hollande est de porter la gêne, accentuer la contradiction dans le camp de l'adversaire. Alors il sera dit qu'il n'est pas certain que, sous le poids des contradictions politiques et des ambitions individuelles frustrées, l'UMP, le parti du président, puisse sortir indemne d'une telle épreuve.