Dans un exercice diplomatique consommé, Nicolas Sarkozy avait chargé le président du Sénat de remettre une lettre d'excuses à la porteuse de la torche olympique Jin Jing. Avant même d'avoir eu lieu , les Jeux Olympiques de Pékin semble avoir fait un dangereux dommage collatéral : plonger la relation franco-chinoise dans un précipice d'une profondeur inédite. Cela avait commencé par un débat politique houleux sur l'opportunité d'utiliser ces jeux pour exercer des pressions sur les autorités chinoises pour qu'elles ouvrent un dialogue politique avec le leader spirituel du Tibet, le dalaï-lama, qu'elles aient la main leste sur les droits de l'Homme et la liberté d'expression. Cela s'est terminé par un passage chaotique de la flamme olympique dans les rues de Paris où des badauds excités ont failli lyncher la jeune athlète chinoise handicapée Jin Jing dont les tentatives désespérées de protéger la flamme des extincteurs enragés ont créé un des Buzz les plus émouvants et les plus héroïques de ces derniers temps. Conséquences immédiates d'une telle tension, sur fond d'exacerbations du sentiment nationaliste chinois, les manifestations contre les enseignes françaises dans les grandes villes chinoises se sont multipliées à une vitesse inquiétante. Cela avait suffi pour alerter le pouvoir à Paris. Nicolas Sarkozy était confronté à deux choix décisifs : soit faire le dos rond et ignorer ces manifestations d'hostilités contre les emblèmes français en espérant qu'avec le temps, l'excitation de la conjoncture retombe, soit prendre les taureaux par les cornes et lancer une offensive de charme et d'excuses auprès des Chinois que le spectacle parisien d'une flamme olympique prise en otage aurait vexé. D'où le sens des missives et des émissaires que l'Elysée a décidé d'envoyer en catastrophe vers Pékin pour apaiser l'ire chinoise. Dans un exercice de communication politique et diplomatique consommé, Nicolas Sarkozy avait chargé Christian Poncelet, le président du Sénat, de remettre en mains propres une lettre à la porteuse de la torche olympique Jin Jing dans laquelle il lui présente ses plates excuses : «Je veux vous dire que j'ai été choqué par les attaques dont vous avez été l'objet le 7 avril à Paris et, pour le courage que vous avez montré, j'ai un profond respect envers vous et le peuple dont vous venez». Après cette lettre à tonalité personnelle, les choses vont prendre une tournure plus diplomatique avec l'envoi de deux émissaires chargés d'apaiser la colère des autorités chinoises. D'abord, l'ancien Premier ministre Jean Pierre Raffarin qui remettra un message de l'ancien président Jacques Chirac dont le nom demeure encore synonyme de bonne entente entre Paris et Pékin. Ensuite, l' Elysée dépêchera l'artillerie lourde en la personne du conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean David Levitte, qui aura pour tâche d'expliquer avec des mots apaisants le houleux débat politique français sur le Tibet. Malgré les trésors de diplomatie accumulés au cours d'une longue et brillante carrière, Jean David Levitte aura beaucoup de mal à expliquer aux maîtres de Pékin comment le parrain politique de Nicolas Sarkozy, Edouard Balladur, peut affirmer que «si rien ne change», le président de la république ne doit pas assister à la cérémonie d'ouverture de JO. Edouard Balladur pousse les subtilités du langage à un niveau qui met ouvertement Nicolas Sarkozy dans l'embarras : «L'idéal olympique, c'est aussi un idéal de liberté et de fraternité, pas seulement d'émulation physique (…) Les 27 pays membres de l'Union européenne seront-ils capables de prendre une position commune? Je le souhaite, rien n'est moins sûr. Mais cela ne doit pas faire obstacle au fait que la France prenne sa propre décision». Jean David Levitte aura encore plus de mal à expliquer au pouvoir chinois la morale politique qu'il y avait derrière l'activisme politique du maire de Paris Bertrand Delanoë à militer pour «attribuer au dalaï-lama le titre de citoyen d'honneur de la ville de Paris». Cette campagne de charme de Nicolas Sarkozy envers Pékin est à multiples tranchants. Elle peut, certes, aider à apaiser une ébullition immédiate , mais elle peut aussi aboutir à enfermer Nicolas Sarkozy dans des logiques contradictoires qui lui laisseront peu d'espace d'action et une marge de manœuvre restreinte à l'égard de la Chine alors qu'il s'apprête à assumer la présidence de l'Union européenne.