Après un long silence, le président Nicolas Sarkozy a réagi en adressant une lettre à son homologue chinois, Hu Jintao, dans laquelle il l'appelle à «la retenue et à la fin des violences par le dialogue au Tibet». Pour Nicolas Sarkozy comme pour son gouvernement et sa diplomatie d'ouverture, le silence était impossible à tenir. Comment le pays des droits de l'Homme allait-il gérer le répressive politique des autorités chinoises à l'égard du peuple tibétain à la veille des Jeux olympiques de Pékin ? La tâche était d'autant plus difficile à assumer que des pays proches comme la Grande-Bretagne de Gordon Brown s'est dit prête à rencontrer le Dalaï Lama , le chef spirituel et politique de cette province rebelle, que des pays comme l'Allemagne gèlent, en signe de protestation, leurs pourparlers avec la Chine en matière de développement économique. Après un long silence, le président Nicolas Sarkozy avait réagi en adressant une lettre à son homologue chinois Hu Jintao dans laquelle il l'appelle à «la retenue et à la fin des violences par le dialogue au Tibet». Cette longue hésitation de Nicolas Sarkozy sur un sujet aussi abrasif a été opportunément exploitée par l'opposition. Pierre Moscovici, député, ancien ministre socialiste et candidat au poste de premier secrétaire du Parti socialiste avait dégainé une violente charge contre l'Elysée : «Le président de la République est d'un silence assourdissant. Comme il l'avait été lors de son voyage en Chine, en prenant soin, grand soin même, de ne pas inviter la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme et en pratiquant la diplomatie du carnet de chèques (…) Les JO sont une formidable opération de relations publiques pour la Chine. C'est une raison de plus pour maintenir la pression». Devant la poursuite de cette polémique sur l'attitude à observer en face du régime chinois, Nicolas Sarkozy a laissé son secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme Rama Yade monter au créneau. Objectif apaiser les craintes et dégoupiller les critiques. Dans un interview au Figaro parue hier mardi, Rama Yade lance la contre-offensive : «Contrairement à ce que l'opposition essaie d'insinuer, le président de la République n'a pas mis le drapeau des droits de l'Homme dans sa poche pour des raisons commerciales. Sa réaction est, je crois, à la hauteur des attentes». Et à la question du Figaro : La France serait-elle prête à recevoir le Dalaï Lama ? Rama Yade fournit une réponse à multiples sens : «Les portes de notre pays lui seront toujours ouvertes. S'il fait une visite pastorale, je le recevrai volontiers et sans aucune réserve». Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Celui qui a réellement enflammé le débat français sur le Tibet n'est autre que Jack Lang. Observant depuis longtemps une attitude consensuelle, sans doute dans l'attente de la seconde phase d'ouverture qu'allaient lancer les élections municipales, Jack Lang, ne voyant rien venir, est sorti de sa réserve et a retrouvé sa verve acide. D'où cette apostrophe d'une grande justesse lancée au ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner : «Bernard, sors de ta réserve ! Tu dois sur un sujet aussi vital, pour lequel tu t'es battu tout au long de ta vie, t'exprimer avec force, avec clarté, avec netteté». «Que sont devenues les paroles enflammées et justes que tu prononçais quand nous avons été ensemble ministres de François Mitterrand. Se sont-elles envolées, telles de feuilles mortes sous les lambris des palais ministériels ?». Bernard Kouchner s'est empressé de répondre. L'inventeur du droit d'ingérence s'efforce de faire la synthèse de son passé de militant passionné et de son présent de ministre comblé. Sa réponse reflète clairement cet état d'esprit : «Cette répression n'est pas supportable (…) Personne ne réclame, surtout pas le dalaï lama, le boycott des Jeux olympiques (…) il ne faut pas être plus Tibétain que le Dalaï Lama». Il est vrai que le boycottage des Jeux olympiques de Pékin est l'objet de vifs débats qui reflètent les clivages de la vie politique française. Tandis que des personnalités de l'UMP estiment que : «Le boycott, c'est le renoncement à l'arme démocratique qu'est le témoignage», les Verts par exemple soulèvent cette interrogation : «S'il y a la guerre en Chine, contre les Tibétains, les sportifs, ils vont aller faire des tours de piste pendant qu'on est en train de massacrer?». Le Tibet et les Jeux olympiques de Pékin seront un des grands dossiers sur lequel la présidence de la France de l'Union Européenne est attendue au tournant et sur lequel elle doit s'exprimer avec force.