François Bayrou vient de donner un coup de lustre à cette motion de censure, notamment en détaillant son argumentaire basé sur une fonction d'alerte. Pour Nicolas Sarkozy, des mains forcément malveillantes ont tissé un calendrier maléfique. Une violente tempête qui arrache des arbres lourdement enracinés et les précipite sur tout ce qui ne bouge pas, faisant autant de dégâts matériels que psychologiques, un Parti socialiste emmené par la coriace Martine Aubry qui tente, sans succès, de censurer le gouvernement de François Fillon pour inaction face à la crise économique et ses menaces contre les libertés individuelles, et des syndicats remontés par leurs bases touchées de plein fouet par les différents plans sociaux qui s'égrènent ici et là et qui promettent un jeudi noir pour la France qui travaille. Même si le Parti socialiste sait, qu'arithmétiquement, sa motion de censure, la deuxième après celle d'avril 2008, n'a aucune chance d'aboutir, il tenait absolument à la faire passer. Le bénéfice politique et médiatique d'une telle démarche étant de profiter de la tribune qu'offre cette motion pour dézinguer l'action gouvernementale et les choix de Nicolas Sarkozy en la matière. Et alors qu'on se dirigeait tranquillement vers un exercice démocratique au résultat attendu entre un parti présidentiel qui détient une confortable majorité et une opposition qui a du mal à fédérer ses troupes, voici qu'intervient le trublion centriste de la vie politique française, François Bayrou. Par sa prise de positons, le président du Modem, même s'il ne dispose que de trois députés sur les 577 que compte l'Assemblée, vient de donner un coup de lustre à cette motion de censure, notamment en détaillant son argumentaire basé sur une fonction d'alerte : «J'ai décidé de voter la motion de censure (…) Il y a des moments et des situations où il faut dire haut et fort que ça ne va pas (…) Mais l'essentiel est qu'un acte solennel montre au pays qu'un signal d'alarme s'allume. Pour que nul ne puisse dire: nous ne savions pas». Le gouvernement avait tenté de minimiser l'importance de cette motion de censure. Roger Karoutchi, le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement y voit un exercice politicien, «une opération de communication» sans autre finalité que de gêner le gouvernement : «Après avoir tout imaginé en matière de blocages et d'obstructions, les socialistes se préparent donc à tirer leur ultime cartouche : tenter de censurer le gouvernement de François Fillon sur sa politique face à la crise». Le débat sur la censure au Parlement d'hier était porté par le lourd climat social qui précède la grande journée d'action nationale prévue pour demain jeudi. A en croire Benoit Hamon, le porte-parole du PS, le parti dont «la fonction est de proposer un projet politique mais aussi d'être l'interprète de la protestation», qui brandit et porte le fer de la motion de censure contre le gouvernement, «s'associe à ces manifestations et appelle les Français à être dans la rue…pour dire au gouvernement «Attention ça ne va pas». Les syndicats organisateurs de la manifestation comptent se livrer à une démonstration de force pour montrer à Nicolas Sarkozy leur volonté de défendre un certain nombre d'acquis. De peur d'être dépassés sur leur gauche par une remuante extrême gauche, les syndicats traditionnels risquent de faire de la journée de jeudi la grande preuve qu'ils peuvent incarner une opposition aux différentes reformes du gouvernement, alors que jusqu'à présent, ils avaient été victimes consentantes ou involontaires de l'activisme hypnotisant du couple Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand. Sur cette grande journée de manifestations nationales, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin semble avoir une appréciation assez originale : «Ce qui me frappe, avait-il dit avec son verbe ampoulé et l'air de quelqu'un qui s'apprêtait à jouer un sale tour, c'est qu'il n'y a pas un thème central, c'est une manifestation, une grève un peu ramasse-tout et quand on ramasse tout, en fait on n'exprime pas grand-chose (…) Une manifestation sans revendication clairement identifiée, c'est à un moment une poussée de fièvre mais ça ne dure pas longtemps». Deux seules sons de cloche importent réellement à Nicolas Sarkozy, la vigueur des critiques de l'opposition au Palais Bourbon et l'ampleur des manifestations dans le rue, avec le secret espoir qu'il n'y aura pas de jonction entre les deux décibels.