A la veille de l'élection du tiers de la Chambre des conseillers, prévue le 8 septembre prochain, la Chambre des représentants est affectée par une vague de «défections». Tous les moyens sont permis pour s'assurer un siège à la deuxième Chambre. Une première dans l'histoire de la députation au Maroc. Une dizaine de députés ont démissionné de la Chambre des représentants pour se porter candidats à la Chambre des conseillers, dont le tiers, - 90 sièges sur un total de 270 -, sera renouvelé le 8 septembre prochain. Ces «défections», susceptibles de se multiplier d'ici le jour « J», n'ont d'autre explication que l'attrait « irrésistible» qu'exerce la deuxième Chambre, qui donne droit à un mandat de 9 ans d'exercice, contrairement à la première Chambre (4 ans). C'est là une nouvelle forme de «transhumance» qui menace de faire éclater en brèches les sacro-saints idéaux démocratiques. D'où une levée de boucliers au sein des partis de la Koutla, qui ont exprimé, mercredi dans une déclaration commune, leur «crainte que l'élection du tiers de la Chambre des conseillers puisse connaître une tentative d'échec et d'achat de conscience et de voix ». Une semaine plus tôt, l'un des partis du bloc démocratique, l'USFP, avait saisi, par lettre, la commission de l'Intérieur à la Chambre des représentants sur « l'usage de l'argent» dans la chasse aux sièges à la deuxième Chambre. Contacté par «ALM», Mohamed Mobdiâ, président de ladite commission, nous a confirmé ce recours à l'argent pour s'assurer des sièges parmi les conseillers. «Nous avons, en effet, constaté à travers tout le Royaume l'usage de l'argent pour s'assurer des voix à la deuxième Chambre», a-t-il affirmé. Selon certaines sources, dans les collèges des Chambres professionnelles, la voix est monnayée jusqu'à 200.000 dirhams, alors que dans les collèges des conseils communaux, elle est «facturée» à 20.000 dirhams. Les enchères sont ouverts. Au-delà de cet aspect sonnant et trébuchant, qui donne un arrière-goût de corruption, il y a un fait aussi grave que sans précédent. Si d'un point de vue juridique, rien n'empêche un député de démissionner, cette démission, prise sous un angle éthique, est du moins scandaleuse parce qu'elle rompt avec le contrat moral qui lie le député à ceux qui lui ont donné leurs voix pour défendre leurs intérêts devant le Parlement. Cet acte devient d'autant plus scandaleux que la démission n'est dictée que par des considérations individualistes : s'assurer une « longévité » à la Chambre des conseillers ! «Un jeu d'escroquerie», s'insurge un député USFP. De telles pratiques risquent de mettre en brèches les « acquis démocratiques» obtenus de haute lutte par notre pays, a-t-il averti. Il va sans dire que si ces pratiques portent atteinte à la crédibilité des instances partisanes, elles nuisent également, et sans doute, à la conversion démocratique, ainsi qu'à l'ouverture politique que connaît notre pays. Maintenant, que faut-il entreprendre pour stopper l'hémorragie de démissions et d'achats de voix? A ce propos, le ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, devrait tenir dans les prochains jours une réunion de consultation avec les partis politiques. Selon plusieurs députés, la solution de ce problème devrait commencer par revoir à la baisse «la durée d'exercice» des membres de la Chambre des conseillers (9 ans) ; et puis, il faudrait mettre en place de nouveaux mécanismes de contrôle, sans oublier l'implication des partis politiques dans la sensibilisation sur le danger que présente le phénomène de détournement des voix pour la transition démocratique de notre pays.