Après quinze ans d'exil, l'ancien Premier ministre, Michel Aoun rentre au pays. En même temps, l'opposition accuse le président de vouloir retarder les élections. Le général chrétien anti-syrien Michel Aoun est rentré samedi dernier au Liban. Après quinze ans d'exil en France, l'ancien Premier ministre a été accueilli en héros par ses partisans. Dès son arrivée à l'aéroport, le général a été reçu par ses trois filles et ses petits-enfants ainsi que par les généraux Issam Abou Jamra et Edgard Maalouf. Ces derniers avaient participé comme ministres à son gouvernement militaire entre 1988 et 1990 avant de l'accompagner durant son long exil. «Un nuage noir a opprimé le Liban pendant quinze ans. Aujourd'hui, le soleil de la liberté brille. Je reviens pour me tourner vers l'avenir et reconstruire le Liban», a-t-il avancé. Ensuite, le général Aoun s'est rendu sur la place des Martyrs pour s'incliner devant la sépulture de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, assassiné le 14 février 2005. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont regroupées sur la place pour lui souhaiter la bienvenue (200.000 personnes selon les organisateurs). Ils étaient composés principalement de jeunes vêtus de tee-shirts oranges, les couleurs du Courant patriotique libre (CPL) et brandissaient des milliers de drapeaux libanais. Michel Aoun s'est adressé a la foule derrière une vitre pare-balles. «Je suis revenu, après quinze ans, parmi les miens. Après que ceux qui ont cherché à m'anéantir ont échoué et n'ont pas réussi à m'obliger à trahir ma patrie», a-t-il déclaré. «Il faut qu'il y ait une émancipation des mentalités, se débarrasser du féodalisme politique et du système confessionnel qui est hérité du XIXe siècle», a ajouté le général. La manifestation ne s'est pas déroulée sans incidents. En effet, deux Syriens et un Libanais ont été arrêtés, selon des sources policières. Les hommes furent interpellés alors qu'ils étaient en train de s'approcher de la scène d'où Michel Aoun s'adressait à la foule. L'un des Syriens, Mohammad Jamal, cachait un pistolet sous sa veste et avait le doigt sur la détente, ajoute la police. Ancien Premier ministre, le général Aoun était à la tête d'un gouvernement de militaires chrétiens qui avait proclamé une "guerre de libération contre la Syrie". Il avait refusé d'adhérer aux accords de Taëf (1989) qui allaient mettre fin à la guerre civile libanaise. Pour lui, ces accords pérennisaient la présence militaire syrienne au Liban. Ayant refusé de céder le pouvoir au président libanais élu Elias Hraoui, il fut chassé par une offensive militaire syrienne. Ensuite il a trouvé refuge en France. Le retour du général Aoun après quinze ans d'exil n'a pas été apprécié par un certain nombre d'anti-syriens. C'est notamment le cas du chef druze Walid Joumblatt. Ce dernier accuse Aoun de chercher à se donner le "beau rôle" dans le retrait syrien «alors que ce retrait est dû à l'assassinat de Rafic Hariri». «Ce n'est pas le tsunami qui nous tombe sur la tête tardivement qui a apporté la libération, mais le sacrifice de Rafic Hariri», a déclaré samedi M.Joumblatt à la presse. De sa part, M.Aoun avait reconnu que l'assassinat de Hariri avait accéléré le retrait syrien. Cependant, il a estimé que ce retrait était devenu inéluctable après l'adoption de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu, parrainée par les Etats-Unis et la France. Par ailleurs, le Parlement libanais s'est penché samedi sur d'éventuelles modifications de la loi électorale, contestée par la minorité chrétienne dont est issu le chef de l'Etat. Joumblatt a accusé le président Lahoud de chercher à "saboter" l'adoption d'une nouvelle loi électorale. «Il faut trouver une formule pour obtenir le limogeage d'Emile Lahoud, afin que nous puissions adopter une loi électorale acceptée par tous», a-t-il déclaré. Il a aussi accusé le président libanais de chercher à retarder les élections. En effet, ce dernier a demandé, tardivement, au Parlement d'adopter une nouvelle loi électorale alors qu'il avait déjà contresigné le décret convoquant les électeurs pour le scrutin, qui s'étalera du 29 mai au 19 juin.