Au moment où le directeur de l'AIEA, Mohamed El Baradeï, demande à l'Iran de s'activer pour lever tout soupçon sur son programme nucléaire, Téhéran déclare son intention de reprendre son activité d'enrichissement de l'uranium. L'Iran a réaffirmé, hier mardi, sa détermination à reprendre l'enrichissement de l'uranium et a déclaré son intention de mener cette activité ultra- sensible, autour de laquelle la communauté internationale reste sceptique. "L'axe principal de nos discussions avec les pays européens consiste en la reconnaissance de notre droit légitime à maîtriser la technologie nucléaire, notamment la production du combustible (...) pour 20 Centrales nucléaires de 1.000 mégawatts", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Kamal Kharazi, à l'agence estudiantine Isnaâ. Mohamed Saëdi, vice-président de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, a, quant à lui, fait état, le 13 février, de la préparation d'un plan pour porter à 20.000 mégawatts la production d'électricité nucléaire. Mais ses propos font écho aux propos tenus la veille par le chef de l'Agence russe de l'énergie atomique, Alexandre Roumiantsev. Il serait "ruineux" pour la République islamique de développer son propre cycle de production de combustibles réacteurs de 1.000 mégawatts, avait dit M. Roumiantsev. Pour ce dernier, il s'agissait de joindre sa voix à celles qui pressent les Iraniens de renoncer à produire son propre combustible nucléaire. Il s'agissait aussi d'apaiser les inquiétudes suscitées par l'accord, signé entre l'Iran et la Russie, sur la fourniture par Moscou de l'uranium à Téhéran.En effet, un accord russo-iranien a été signé, dimanche 27 février, qui permettra la mise en service de la première Centrale nucléaire iranienne à Bouchehr, dans le sud de l'Iran, vers la fin 2006. Selon cet accord, les Russes livreront du combustible nucléaire à l'Iran, mais l'uranium usagé sera rapatrié en Russie, conformément à une clause visant à garantir qu'il ne sera pas réutilisé pour fabriquer l'arme atomique. L'enrichissement, pouvant fournir le combustible de centrales civiles ou servir à la fabrication de la bombe atomique, constitue une préoccupation majeure de la communauté internationale face aux activités iraniennes. Lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), El Baradeï a demandé à Téhéran "de prendre l'initiative et tout faire pour nous aider à en finir avec les questions" en suspens sur ses activités nucléaires passées et présentes. "J'aimerais boucler le dossier dès que possible, mais il nous faut créer la confiance, surtout en ce qui concerne la nature clandestine du programme nucléaire iranien pendant près de vingt ans", a déclaré le chef de l'AIEA devant des journalistes. Selon lui, il s'agit de vérifier si des traces de contamination radioactive trouvées par des inspecteurs de l'AIEA en Iran proviennent ou non du Pakistan.De son côté, l'Union européenne, par l'intermédiaire de l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, négocie avec la République islamique pour la convaincre de donner des "garanties objectives" de la nature purement civile de ses activités, et, notamment, de renoncer à l'enrichissement de l'uranium, en échange d'une coopération nucléaire, technologique, commerciale et d'un dialogue politique et de sécurité. "Les pays européens savent qu'ils ne peuvent pas employer le langage de la force", a signalé, aux journalistes, le chancelier allemand M.Schröder dans une conférence tenue dans la Chambre de commerce et d'industrie du Koweït. Les Européens s'emploient actuellement à gagner le soutien des Américains, sans lequel tous les efforts diplomatiques semblent voués à l'échec. Les Américains devraient être mieux disposés à examiner un tel appui depuis la tournée européenne du président George W. Bush. "M. Bush réfléchit à certaines des idées qui ont fait l'objet de discussions en Europe, et nous souhaitons étudier les moyens d'être les plus utiles possibles pour progresser et atteindre notre but commun", a dit lundi le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, aux représentants des agences de presse. "Je pense que les dirigeants américains sont assez intelligents, qu'ils ont retenu la leçon irakienne et qu'ils ne s'attaqueront pas à un autre pays, surtout quand il s'agit de l'Iran, qui n'est pas l'Irak, comme M. Bush l'a dit lui-même", a déclaré M. Kharazi. Accusé, par Washington, de chercher à se doter de la bombe atomique et mis sous la surveillance du Conseil de sécurité de l'ONU pour d'éventuelles sanctions internationales, Téhéran demande à l'AIEA d'arrêter sa surveillance entamée depuis deux ans.