Téhéran durcit le ton autant que l'Agence internationale de l'énergie atomique. Les sorties des officiels iraniens, toutes hostiles aux dernières décisions de l'AIEA, se sont multipliées suite à l'ultimatum déguisé lancé par celle-ci. Le bras de fer opposant l'Iran à l'Agence internationale de l'énergie atomique ne cesse de gagner en crispation. Les récents développements de la question du nucléaire iranien suscitent de plus en plus de préoccupations. D'une part, l'AIEA ne cesse d'augmenter la pression pour lever, «en totalité», le voile sur le programme nucléaire iranien. Un programme que l'agence chapeautée - du moins officiellement - par Mohamed Al-Baradaï estime sujet à caution. De l'autre, Téhéran répète à cor et à cri que son programme est purement civil. Mais la communauté internationale, menée par l'Administration américaine, avance que la réalité est tout autre. L'AIEA a fini par donner suite aux doléances américaines en approuvant un texte au ton dur à l'égard de l'Iran. La résolution donne à la République islamique jusqu'à la prochaine session de l'AIEA, le 25 novembre, pour lever tous les doutes qui entourent la nature de ses activités nucléaires. Le Conseil des gouverneurs de l'AIEA a également demandé à Téhéran de geler toute activité d'enrichissement d'uranium, lançant, implicitement, un ultimatum fixé à la fin de l'automne, «afin que l'Iran respecte les exigences de l'AIEA». Devant la recrudescence des mises en garde, la République islamique n'y est pas allée par quatre chemins. En effet, l'Iran menace de se soustraire complètement du régime d'inspections internationales au cas où il serait traîné devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Hassan Rohani, chargé du nucléaire iranien, a exprimé sa déception face aux tractations en cours. Rappelant que son pays est engagé par le Traité de non-prolifération (TNP), dont il est signataire, M. Rohani a souligné que son pays allait continuer à appliquer volontairement le protocole additionnel à ce traité, soumettant les activités nucléaires à des inspections renforcées et inopinées de l'AIEA. «Mais s'ils décident de nous traîner devant le Conseil de sécurité, nous cesserons d'appliquer le protocole additionnel, et s'ils décident des sanctions économiques, le Parlement pourra demander un désengagement du TNP», a-t-il déclaré. Lui emboîtant le pas, Ali Yunesi, le ministre iranien du Renseignement a indiqué que rien n'empêcherait son pays de reprendre son programme d'enrichissement de l'uranium, se réservant le droit d'y recourir à tout moment. «Nous avons interrompu volontairement notre programme d'enrichissement et nous pouvons le reprendre tout aussi volontairement», a déclaré M. Yunesi, réaffirmant que l'Iran jugeait illégales les demandes de l'AIEA. Pour sa part, le Parlement iranien a mis en garde l'AIEA, soulignant qu'elle lui rendait impossible la ratification du protocole additionnel. «La poursuite de la politique de défi entreprise par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA ne permet pas la ratification du protocole additionnel et pose la question de l'intérêt à laisser les portes du pays ouvertes aux inspecteurs de l'Agence», souligne une déclaration signée des députés au Parlement. Cette déclaration n'est pas sans faire allusion à une situation bien connue. À travers elle, le Parlement iranien n'est pas dans le tort. Le cas de son pays voisin est plus qu'édifiant. L'Irak avait, en effet, ouvert son territoire durant des années aux inspecteurs toutes appartenances confondues. Bagdad a même procédé à la destruction d'une partie de ce qui constituait son «arsenal de destruction massive» : quelques missiles devenus somme toute « périmés ». Mal lui en avait pris de se soumettre aux régimes des inspections, après l'invasion américaine et la destruction infligée au pays. En haussant le ton, Téhéran sait à quoi s'en tenir. Le même scénario qui avait primé pour le pays voisin est en train de se tisser. Le gouvernement iranien appréhende, pertinemment, que le pays constitue une cible verrouillée pour les Etats-Unis, puisque ce sont eux les instigateurs du tapage autour du nucléaire iranien, alors autant durcir le ton et garder ses moyens au cas où le pas serait franchi.