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La divine tentation
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 19 - 12 - 2002

Mohamed Kacimi est un dramaturge algérien. « La confession d'Abraham » est le titre de son livre d'où a été tiré un spectacle qui a abasourdi les personnes présentes, mardi dernier, au théâtre de l'Institut français de Casablanca. Entretien avec celui qui déplore que l'on ne négocie plus avec Dieu.
Aujourd'hui le Maroc : Est-ce que Abraham serait attristé, aujourd'hui, par sa descendance ?
Mohamed Kacimi : Le spectacle n'est pas reluisant, mais en même temps il est touchant d'humanité. Dans mon livre, j'ai essayé de montrer à quel point Abraham n'est pas la figure prophétique ou le héros idéal. Je l'ai fait en étant le plus près des textes sacrés et en montrant jusqu'à quel point le fondateur de la religion a été décrit et dépeint comme pratiquement l'anti-héros. C'est-à-dire l'homme qui est prêt à tous les compromis, qui est sujet à toutes les fragilités, à tous les doutes, et dont la vie se trace non pas comme une épure ou comme une trajectoire idéale, mais comme une vie faite d'interrogations, de reniements, de transgressions, d'affrontements et de négociations avec Dieu. Donc, s'il serait attristé, je ne sais pas, mais il est à l'écoute de cette terre en lambeaux qui est la sienne.
Implorer Dieu de lui donner deux enfants, et voir ce que les enfants de ses enfants ont fait de la terre. On ressent à certains moments qu'il le regrette. Qu'en pensez-vous ?
À la fin du spectacle, Sarah dit à son mari, Abraham, «Qu'est-ce que c'était beau l'Euphrate avant que Dieu ne t'adresse la parole». Je ne sais pas si la tension et la violence commencent à partir de ce moment-là, à partir du passage civilisationnel entre le polythéisme tel qu'il existait en Mésopotamie et la naissance du monothéisme. Mais ce qui est vrai, c'est qu'en relisant les textes sacrés, l'on s'aperçoit qu'il y avait une forme de familiarité, de complicité, et je dirai même d'égalité incroyable entre Dieu et l'homme. Entre Abraham homme et Dieu que nous n'avons plus. Si le spectacle est là ce soir, s'il y a mon livre, c'est juste pour signaler cette complicité initiale qui existait, au moment où l'on posait les premières pierres de la religion, et qui n'est plus depuis. Aujourd'hui, l'intégrisme religieux est une forme d'analphabétisme. Et cet intégrisme commence aussi au moment où l'homme se met très loin de l'absolu. Cela reflète quelque chose de l'ordre de la faillite du spirituel. Quand l'homme met à distance toute sa spiritualité, nous assistons à des actes de violence comme ceux que l'on voit aujourd'hui.
Et justement, Abraham parle d'une certaine manière d'égal à égal à Dieu…
Le drame aujourd'hui, c'est d'avoir perdu cette capacité de négociation qu'avait Abraham. L'un des plus beaux moments dans la Bible, c'est cette confrontation entre Abraham et son créateur. Dieu veut anéantir Sodome et Abraham lui dit non, parce qu'il y a une dizaine de justes dans cette ville. Il lui dit aussi qu'il y a quelque chose de plus fort que la justice divine et que la justice divine, c'est aussi la justice humaine. La leçon à tirer de cette confrontation, c'est que, quelle que soit ta force, tu ne peux pas faire périr l'innocent pour punir le coupable. Le pouvoir s'arrête là où commence la justice humaine, et c'est extraordinaire comme leçon! Ne plus être dans cette position de négociation, dans cette position de dialogue entre Dieu et l'homme, entre l'être et l'absolu, mais dans un monologue où l'homme n'est pas là pour négocier sa relation avec l'absolu, mais juste comme un exécutant, c'est cela que je déplore. Abraham a inventé la religion interactive. Le sort de Dieu dépendait de l'homme, et réciproquement.
Il y a autre chose qui surprend dans la pièce de ce soir, c'est l'humour. Dans les choses les plus cinglantes, l'on arrive à rire.
Rire est fondateur. En parlant de l'histoire de Sarah et de l'irruption du premier rire, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un hasard. Le premier miracle de Dieu, le premier acte surnaturel que Dieu commet dans la Bible, c'est un acte qui se heurte à la fois au scepticisme d'une femme et qui provoque son rire. Au moment où Dieu promet à Sarah qu'elle va accoucher d'un enfant, alors qu'elle a 90 ans, elle lui répond par un rire sceptique. Un rire d'une personne qui ne croit pas en lui. C'est ce rire-là qui ramène Dieu à quelque chose d'humain. Ce rire-là dit à Dieu : oui tu es grand, mais le doute de l'homme est là. Ce doute-là m'intéresse, et il sert pratiquement de fil rouge à tout le spectacle. Je ne crois pas qu'il est de la mission de la littérature de rajouter aujourd'hui du sang sur le sang. Il faut en revanche trouver la possibilité de désamorcer cette réalité tragique. La faculté de rire de la mort est fondamentale. Même en religion, on va très loin dans les choses. Qu'est-ce que c'est que cette idée d'immortalité ? Sinon un grand humour. “Nous sommes éternels” veut dire, au bout du compte, notre pouvoir de rire de la mort.
Vous éprouvez souvent le besoin dans vos écrits de consulter des textes sacrés ou la mythologie pour éclairer notre vie d'aujourd'hui.
La fermeture de nos sociétés, ses crispations, son refus de la modernité viennent de là. Ils trouvent leur origine dans une pseudo-référence à des textes sacrés. Nous avons des sociétés agrippées autour de textes dits fondateurs. Puisque ces textes-là vous autorisent à autant de fermeture, allons les voir. Un proverbe bien de chez nous dit « accompagne le menteur jusqu'à la porte de sa maison ». C'est la même chose, accompagne le religieux ou le fondamentaliste jusqu'aux sources où il puise les arguments de sa conduite : le texte sacré. C'est de cela qu'il est question. Essayons de lire le livre, ouvrons-le. Et là, je suis à chaque fois surpris par les gens qui assistent au spectacle et qui ont du mal à croire que la Bible est lue très fidèlement. Les gens me disent: «Tu l'as inventé ?». Non ! je ne l'ai pas inventé. C'est dans le texte !
Les gens connaissent ici un Mohamed Kacimi qui est votre parfait homonyme et qui est peintre…
Je suis très heureux d'être déjà célèbre au Maroc grâce au peintre. Quand Mohamed me croise, il me dit : comment tu vas mon nom ? Ça fait 20 ans que je vis en France, et j'ai très peu de relations aujourd'hui avec mon pays d'origine. Mais je me dis quand même : dans ce Maghreb qui est cloisonné, qui est verrouillé comme une banque, il peut y avoir une circulation symbolique. Tout circule dans le monde, tous les pays s'ouvrent, sauf cette partie du globe qui persiste à se fermer par imbécillité et par débilité politique. Dans ce Maghreb, il y a quelque chose qu'on peut toujours partager, c'est un nom propre. Et ce partage symbolique du nom nous assure une circulation de part et d'autre de cette frontière et des barbelés. C'est déjà l'union du Maghreb des imaginaires !


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