Elle reste bien en dessous de son potentiel Depuis quelques années, l'idée fait son chemin que la croissance économique du Maroc reste bien en dessous de son potentiel. Mais quel est au juste ce potentiel et de combien s'en écarte-t-on dans les faits ? L'exercice d'estimation de ces données n'a quasiment jamais été fait pour le Maroc si l'on excepte quelques rares tentatives datant d'avant la crise internationale de 2008. C'est dire l'intérêt du travail accompli par des cadres de Bank Al-Maghrib qui se sont employés à passer au crible croissance potentielle et réelle de l'économie nationale sur les 25 dernières années, dans une étude qui vient d'être publiée. Comment déjà définir de manière générale la croissance potentielle. Les auteurs de l'étude en rappellent la définition économique : il s'agit du niveau de croissance compatible avec une utilisation maximale des capacités de production de l'économie, sans pressions inflationnistes. En s'aidant de plusieurs méthodes, les auteurs chiffrent d'abord le niveau de croissance potentielle du Maroc qui, l'on s'en doute, varie dans le temps. Il en ressort que cette croissance potentielle ressort autour de 3,3% en moyenne sur la décennie 1990 à 1999. La barre est ensuite montée de manière notable à plus de 4,5% sur les 7 années suivantes pour se dégrader par la suite. Ainsi, à partir de 2008 l'économie marocaine ne pouvait croître dans le meilleur des cas que de près de 4% en moyenne. Avant de rapprocher ces données de la croissance réelle de l'économie il est intéressant de comprendre pourquoi la croissance potentielle du Maroc a chuté depuis 2008. Il faut évidemment y voir les retombées de la crise économique et financière profonde et prolongée au cours des dernières années, justifient les auteurs de l'étude. Plus précisément, la croissance potentielle du Maroc a fait les frais depuis 2008 de la baisse de la contribution du capital d'une part et du travail d'autre part. Pour le premier, la dégradation provient principalement de la forte baisse de l'effort d'investissement observée à partir de 2009. A ce titre, les experts de BAM précisent que même si le taux d'investissement au Maroc a été parmi les plus élevés au monde, il a connu une stagnation depuis 2009 avant de se replier à partir de 2014 à un niveau inférieur à celui des pays émergents. Pour sa part, la dégradation de la contribution du travail découle de la croissance moins soutenue de l'effectif des actifs occupés au Maroc à partir des années 2000. Ce constat explique également la baisse du taux d'activité qui est passé d'un niveau de 54,4% en 1999 à 47,4% en 2015. Ce qui nous amène donc à la comparaison entre croissance réelle et potentielle. Il ressort ainsi qu'en moyenne la croissance du PIB réel de l'économie marocaine a dépassé légèrement son potentiel au cours de la période 2000-2007, et ce même si ce dernier a connu une hausse significative sur la période par rapport aux années 90. En revanche pour la période 2008-2016, les estimations dévoilent que les réalisations en termes de croissance se sont en moyenne situées légèrement en dessous du potentiel qui a donc lui-même chuté comparativement à la période 2000-2007. C'est dire si le repli de la demande extérieure adressée au Maroc, vu la synchronisation du cycle économique marocain avec celui de la zone euro, a pénalisé l'économie nationale. Dans tout cela, contrairement à ce que l'on serait tenté de croire, c'est plus la baisse de la croissance potentielle du Maroc que son écart avec la croissance réelle qui doit inquiéter. En effet, la baisse du potentiel de croissance de l'économie qui ressort devrait non seulement conduire à une dégradation du bien-être de la population marocaine, mais également restreindre les marges de manœuvre des autorités, alarment les auteurs de l'étude. Entre autres implications, la persistance de cette situation conduirait à une baisse du niveau du déficit structurel de l'économie marocaine. Ceci nécessiterait une réduction des dépenses et une politique budgétaire plus stricte afin de garantir la soutenabilité des finances publiques, ce qui serait évidemment malvenu avec la volonté du gouvernement de mettre en place une politique de filets sociaux et le maintien d'un rythme d'investissement aussi élevé que par le passé.