L'octroi, récemment, par la justice de la liberté provisoire à un certain nombre de mis en cause dans les dossiers du Crédit immobilier et hôtelier (C.I.H.) et de la Banque centrale populaire (B.C.P.), actuellement en instruction devant la Cour spéciale de justice (C.S.J.), est généralement bien accueilli dans les milieux d'affaires, de la haute administration… L'octroi, récemment, par la justice de la liberté provisoire à un certain nombre de mis en cause dans les dossiers du Crédit immobilier et hôtelier (C.I.H.) et de la Banque centrale populaire (B.C.P.), actuellement en instruction devant la Cour spéciale de justice (C.S.J.), est généralement bien accueilli dans les milieux d'affaires, de la haute administration, de la finance, du monde judiciaire, voire de l'opinion publique en général. Passés les premiers réflexes découlant d'une forte demande de justice, d'une profonde indignation de la population mesurant le décalage entre le dénuement et la mal-vie de millions de gens privés de tout, d'un côté, et, d'un autre, le scandale de la gabegie, des malversations et des détournements de deniers publics portant sur des centaines de millions de dirhams, les passions semblent s'apaiser et le bon sens reprendre ses droits. De toutes parts s'élèvent des voix autorisées, qui ne sont pas intéressées directement dans ces dossiers, pour dénoncer le traitement réservé aux mis en cause, jetés en pâture à la vindicte publique, sans égard aucun aux principes intangibles, dans un État de droit, à la présomption d'innocence, aux droits des prévenus à une défense digne de ce nom, à la délimitation et à la hiérarchisation des responsabilités de chacun, et partant à moduler les sanctions et les peines en conséquence. Mais, encore une fois, le plus choquant dans toute cette affaire, c'est d'abord le caractère exceptionnel d'une juridiction comme la Cour spéciale de justice, à laquelle on confère le rôle peu enviable de redresseur des torts de toute une société, de toute une histoire, de tout un système de fonctionnement qui a prévalu durant des décennies et que l'on veut liquider, dans la précipitation, l'improvisation et les amalgames de toutes sortes. Le nouveau gouvernement, qui hérite de ce dossier sensible et urgent, semble animé par la ferme volonté de prendre les choses à bras le corps et d'initier les décisions et les procédures qui sortiront l'affaire de cette zone de non-droit qui a toutes les allures de l'impasse dans laquelle « le remède est pire que le mal ». Il ne s'agit pas, bien entendu, de blanchir tout le monde et de créditer l'idée que plus les forfaits sont grands, plus ils sont impunis. Au contraire, il s'agit d'abord de « normaliser » la justice, de renforcer le principe universel de l'égalité de tous devant la justice et de participer, ainsi, à la réforme globale de notre système judiciaire en lui assurant la mise à niveau qui le dote des atouts lui permettant d'accompagner les évolutions de la société dans tous ses autres compartiments. Ensuite, si ce processus se confirme, ce sera tout à l'honneur de Driss Jettou d'assumer la responsabilité d'une décision délicate et néanmoins courageuse en vue de mettre du liant dans la situation de blocage et d'inertie qui a découlé, entre autres, du climat malsain relatif à ces dossiers encombrants. Un premier indicateur de la méthode Jettou qui s'insère parfaitement dans la vision qu'il a développée lors de sa déclaration de gouvernement, actuellement en discussion devant le Parlement.