Les premiers témoignages des victimes des «années de plomb», retransmis en direct mardi sur la première chaîne nationale, a suscité l'intérêt particulier de la presse la presse étrangère, notamment française et espagnol. Dans son numéro de mercredi, le quotidien français «Libération» a qualifié l'expérience marocaine d'initiative inédite dans le monde arabe. «Le Maroc veut faire montre de transparence sur les accusations de violations des droits de l'homme dont il a pu faire l'objet sous Hassan II», lit-on dans le journal. Ces auditions publiques, réalisées à l'initiative de l'instance équité et réconciliation, présidée par Driss Benzekri, se sont déroulées en présence de 200 personnes représentant le monde de la politique, de la presse et de la société civile. Cette forme de thérapie collective est le début d'un long processus de réconciliation du Maroc avec son passé. Il s'agit pour cette instance d'enquêter sur les violations des droits de l'homme, les détentions arbitraires, les disparitions forcées, les tortures…, commises, notamment durant les années 60 et 70. Reprenant les témoignages les plus émouvants, le journal décrit les conditions de détention des victimes des « années de plomb ». Selon Hanny Megally, chargé de la région Proche-Orient et Afrique du Nord au sein de l'International Centre for Transitional Justice (ICTJ), repris par le journal, «l'impact de ces auditions (...) sera énorme, non seulement pour le pays mais pour toute la région». En revanche, pour le quotidien français, le mandat de la commission a déçu de nombreux militants marocains des droits de l'homme. Ceux qui avaient fait campagne pour que justice soit rendue. Autrement dit, pour que les auteurs de ces actes soient sanctionnés. «C'est une bonne initiative, mais il faut que certaines conditions de transparence soient réunies lors de ces auditions», a déclaré au quotidien français, Abdelilah Ben Abdeslam, un membre de la principale organisation de défense des droits de l'homme, l'AMDH. Avant d'ajouter : «Les témoins (...) doivent pouvoir donner les noms des auteurs de violations des droits de l'homme. On ne peut pas parler de vérité si ces bourreaux occupent encore des postes confortables au sein de l'Etat, et de ses institutions ». Pour sa part, le quotidien «Le Monde » a insisté sur le fait que les témoins n'avaient pas le droit de citer les noms de leurs bourreaux. Règle dictée par l'IER, mais critiquée par l'association marocaine des droit humains (AMDH), qui, selon le même journal, y voit un «encouragement à l'impunité». Sous le titre «Deux heures de témoignages émouvants et en public de victimes des "années de plomb" au Maroc», l'agence (AP) décrit l'ambiance dans laquelle se sont déroulés les premiers témoignages. «Des témoignages accueillis dans le respect et dans un silence absolu, sans questions ni applaudissements de la part de l'assistance». L'auteur de l'article revient aussi sur le travail accompli par l'instance équité et réconciliation qui depuis sa création, en janvier 2004, a reçu 20.000 dossiers. Outre la réparation et la réconciliation, l'un des objectifs essentiels de l'IER, selon la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme, est d'empêcher la répétition des violations du passé. Chose qui ne peut avoir lieu qu'avec la construction d'un vrai Etat de droit.